LE MONDE EN FACE - MARINA CARRERE D'ENCAUSSE

En novembre 1978, un vieillard vêtu d’un turban noir débarque en France et s’installe en banlieue parisienne, à Neauphle-le-Château. L’homme, Rouhollah Khomeiny, est inconnu du grand public et des autorités françaises. C’est un responsable religieux de nationalité iranienne, ayant le rang d’ayatollah, l’un des titres les plus élevé du clergé chiite. Il est le principal opposant au Shah qui règne d’une main de fer dans son pays.

Arrivé en France comme touriste, il est bientôt rejoint par une cour de fidèles, qui boivent ses paroles et le traitent comme un Dieu vivant. On les surnomme « la Bande de Neauphle-le-Château », et en trois mois ils vont faire tomber une dictature installée depuis plusieurs décennies, inventer la première « République islamique », bouleverser les équilibres géopolitiques et faire trembler l’Occident. Trente ans avant les « printemps arabes », l’Iran deviendra le laboratoire du Proche-Orient. Sa révolution religieuse reste une expérience politique qui dépasse les frontières du pays et servira d’exemple plus tard en Tunisie et en Égypte.

Aujourd’hui, près de quarante ans après leur accession au pouvoir, les « héros » de Neauphle-le-Château sont fatigués. Ils souhaitent sortir l’Iran de son isolement pour que le pays recueille à son tour les fruits de la mondialisation. Mais la République islamique suscite toujours autant de peur, d’hostilité ou simplement de méfiance. Et sa quête effrénée de la technologie nucléaire alimente tous les fantasmes sécuritaires.

Aujourd’hui, vu de Paris, une question domine : pouvons-nous faire confiance aux mollahs au pouvoir à Téhéran ? Sont-ils nos alliés, notamment dans la guerre contre les djihadistes ? Restent-ils fondamentalement une menace pour nos démocraties ?

Alors, l’Iran, pays ami ou ennemi ?