Temps Fort Semaine 17
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Dans ce nouvel épisode « Sur le front » (format linéaire et digital), Hugo Clément nous emmène à la rencontre des combattants qui dédient leur vie à la protection de nos forêts.
Éditorial d'Hugo Clément, journaliste
J’ai toujours trouvé que les forêts étaient le meilleur endroit pour se ressourcer. J’étais loin d’imaginer que les forêts françaises se trouvaient dans un état aussi préoccupant.
Ce qui m’a le plus choqué pendant le tournage, ce sont les coupes rases. Cette pratique consiste à couper entièrement un coin de forêt avec des abatteuses industrielles, aussi impressionnantes que dévastatrices. Là où elles passent, tout est récuré, il ne reste plus rien et le sol est totalement retourné.
Nous avons aussi découvert que, de plus en plus souvent, le bois n’était plus utilisé pour fabriquer des meubles mais pour être brûlé dans des chaudières. Cette transformation en « bois énergie » est subventionnée par l’Etat. Il est même prévu d’utiliser les arbres pour remplacer le charbon dans les centrales électriques. La ville de Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône, pourrait lancer la production dans les semaines qui viennent. Pour effectuer les premiers tests, ils ont déjà fait venir des arbres… du Brésil ! Il faut arrêter cette folie.
On entend dire fréquemment que la superficie de la forêt ne cesse de s'agrandir en France, mais ce sont surtout des plantations qui se développent, des rangées de résineux, de vastes champs d'arbres. Or, ces plantations ne jouent pas du tout le même rôle pour la planète. Selon une étude menée par une université anglaise, les champs d'arbres captent 40 fois moins de CO2 qu'une forêt naturelle. Ces arbres ne résistent pas au changement climatique, ils sont de plus en plus secs, ils tombent à la moindre tempête. La chaleur favorise le développement des parasites qui anéantissent des plantations entières. Quelle tristesse de voir une forêt d'épicéas entièrement morte qu'il faut raser au plus vite.
Mais, heureusement, une prise de conscience existe. Des citoyens se battent pour protéger les arbres, notre meilleur bouclier contre le changement climatique. Nous avons été émus par Lucienne, 79 ans, la première militante du Morvan qui n'a jamais reculé face aux menaces. Elle a même pu racheter une forêt pour la laisser se développer. Le combat de Sylvain lui aussi nous a redonné de l’espoir. Il a créé un réseau de lanceurs d’alerte dans toutes les forêts de France pour s’opposer aux coupes rases et lutter contre le développement non maitrisé du « bois énergie ». Partout en France, une nouvelle génération de propriétaires tente d’exploiter la forêt en revenant à des pratiques respectueuses de la nature. Ils replantent de vieilles essences, des charmes, des tilleuls, des hêtres en mesure de mieux résister au changement climatique.
Il faut se battre pour convaincre les élus d'interdire les coupes rases. Il est urgent de réapprendre à exploiter les forêts sans détruire l'écosystème. L'industrie doit s'adapter aux ressources et non pas le contraire.
Séquences exceptionnelles
Nos chênes partent par bateau en Chine
La preuve par l’image s’obtient difficilement, pourtant cette activité est en plein développement. Nous avons pu filmer des chênes et des hêtres abattus dans nos forêts, envoyés par containers entiers vers la Chine. Ils vont effectuer des milliers de km pour finir en parquet en Asie. L’export du chêne depuis la France a été multiplié par 10 en 10 ans. Or, les exploitants les expédient à contre-cœur. Encore plus absurde : les menuisiers, pour se procurer du chêne et du hêtre, doivent l’importer depuis l’Europe de l’Est ! Comment expliquer une telle aberration ? La raison est simple, la filière française s’étant spécialisée dans le pin, il est désormais très difficile de trouver des scieries en mesure de débiter les autres variétés.
Le tabou de nos forêts : la coupe rase
La plupart des exploitants forestiers ont recours à des abatteuses industrielles pour couper en quelques heures des parcelles entières. Après le passage de ces impitoyables machines, il ne reste plus rien, le sol est décapé. De plus en plus souvent, de belles forêts riches en biodiversité sont décimées puis remplacées par des plantations de douglas (une essence venue d’Amérique du Nord). Ainsi, au fur et à mesure, les forêts laissent la place à des champs d’arbres, d’une seule variété. Dans les campagnes, la résistance s’organise. Les habitants ne veulent plus assister impuissants au saccage de notre patrimoine forestier.
Consternant constat dans une usine de granulés de bois
Les membres de l’association « Canopée » pénètrent à la dérobée sur le site d’une usine de granulés de bois pour apporter la preuve de pratiques aberrantes. Des arbres issus de coupe rase vont finir en granulés. Or, ce type de produit est vendu sous le label « développement durable ». Le consommateur pense en toute bonne foi utiliser pour sa chaudière, une énergie verte. Il croît avoir la garantie que ce produit provient uniquement de rebuts de scieries industrielles ou de petit bois.
Brûler du bois à la place du charbon pour produire de l’électricité
La centrale électrique à charbon de Gardanne (Bouches-du-Rhône) vient tout juste de fermer ses portes. Malgré tout, elle espère redémarrer prochainement en brûlant cette fois-ci des arbres à la place du charbon. Des riverains révèlent qu’une partie du bois utilisé pour les tests est importé… du Brésil. Ils lancent un cri d’alerte, si le projet voit le jour, il n’y aura pas assez d’arbres en France pour l’alimenter.
Des arbres victimes du changement climatique
Les arbres sont de plus en vulnérables. Ceux en manque d’eau ne sont plus en mesure de résister aux tempêtes, même les moins violentes. Certaines espèces sont quant à elles décimées par la prolifération d’insectes au moment des fortes chaleurs.
Portraits et verbatim
Sylvain Angerand, 42 ans
Sylvain a fondé l’association « Canopée forêts vivantes ». Ingénieur forestier, il milite activement pour la protection des forêts. Il se bat contre les coupes rases. Cette pratique consiste à abattre beaucoup d'arbres en même temps et détruit des pans entiers de forêts.
« Après une coupe rase, tout a été décapé. Tout a été rasé. Ca a été labouré, ça été récuré, jusqu’à la roche nue. C’est comme si on t’arrache la peau, et tu fais apparaitre l’os. »
L’essor du "bois énergie" est lié au développement des chaudières et des centrales électriques qui utilisent le bois comme combustible.
« Cet écosystème va être rasé pour être brûlé. Ce n’est pas comme si on mettait le feu directement comme en Amazonie. C’est juste qu’on le fait un peu après. »
Lucienne Haese, 79 ans
Lucienne est un pionnière, elle a créé « Le Groupement forestier de sauvegarde des feuillus du Morvan ». Elle ainsi offert la possibilité aux habitants de la région de se cotiser et d'acheter une forêt pour qu'elle puisse se développer librement. Elle se bat depuis des décennies contre les plantations de pins Douglas qui prolifèrent dans le Morvan et prennent la place des forêts naturelles.
« Comment on peut imaginer transformer des beautés pareilles en usines à bois? C'est terrible ! »
« On ne peut plus supporter que le territoire soit en fait la mainmise d'investisseurs qui ne viennent ici que pour faire de l'argent »
Émilie Beaulieu, 36 ans
Emilie est maître de conférences et chercheuse en modélisation hydro-géochimique à l’École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg. Elle étudie l’impact du réchauffement climatique sur la ressource en eau et le couvert végétal dans la région Grand Est. Elle nous démontre comment une faible tempête peut dévaster une forêt, car les arbres sont en ce moment désespérément secs.
« La forêt est en danger à l'heure actuelle. Il faut vraiment se poser des questions. Il faut s’alerter ».
Denise Cassou, 68 ans
Enseignante à la retraite, Denise est la présidente très active de l’association « Landes environnement attitude ». Fille de paysans, elle se bat contre l’industrialisation des pratiques forestières dans le Sud-Ouest, comme le recours aux coupes rases et les monocultures de pins qui remplacent les forêts naturelles de feuillus.
« Ça fait mal au ventre. Un film parlait de massacre à la tronçonneuse, là, on peut parler de massacre à l’abatteuse... »
Mathias Bonneau, 33 ans
Bûcheron, Mathias est gestionnaire forestier à Rouairoux (Tarn). Il milite pour une gestion durable des forêts. Il n’utilise pas d’abatteuse mais uniquement sa tronçonneuse pour ne couper que quelques arbres et respecter ainsi l'écosystème. Ceux choisis le sont pour faire de la place aux jeunes pousses. Mathias transmet également sa passion des arbres par l'intermédiaire du dessin. Il a publié en septembre 2020 un roman graphique : Histoires d'un arbre, depuis sa vie en forêt jusqu'à la fabrication d'un fauteuil.
« Il y a deux manières de voir ce capital qu’est la forêt : soit c'est un tas de fric, soit c'est un écosystème ».
« Ce qui est magique avec une gestion raisonnée, c'est qu'à la fois tu récoltes du bois et en même temps tu es en train de régénérer la forêt »
Présenté par
Hugo Clément
Une production
Winter Productions
avec la participation de France Télévisions
Production
Régis Lamanna-Rodat
Hugo Clément
Rédaction en chef
Pierre Grange
Réalisation
Guillaume Dumant
Direction des magazines de France Télévisions
Patrick Charles
Thibault Romain
Patricia Corphie
Sophie Martin
Diaporama : Sur le front des forêts françaises
22h40 : Deuxième partie de soirée : Sauver les tout derniers vaquitas
En deuxième partie de soirée, au Mexique, en mer de Cortès, Benjamin, un jeune Français, risque sa vie pour combattre en mer des organisations criminelles qui se livrent à un carnage dans l'un des plus beaux endroits du monde.
L'objectif de cette bataille navale : sauver les tout derniers vaquitas, une espèce de dauphin endémique, menacée de disparition imminente. Il ne reste au mieux que 22 spécimens. D'autres espèces sont également piégées par ces filets immenses aux mailles très larges, elles doivent également leur survie à l'intervention de cette brigade d'activistes très engagée.
Production Winter Productions / France Télévisions Rédaction en chef Pierre Grange Réalisation Guillaume Dumant Présentation Hugo Clément