Communiqué de presse
Éditorial d'Hugo Clément, journaliste
Pourquoi la France tolère-t-elle encore la chasse en enclos alors qu’elle est interdite depuis des années en Belgique francophone ? Ce sont les chasseurs wallons eux-mêmes qui ont demandé la fin de cette pratique, qu’ils jugeaient intolérable. En effet, comment justifier qu’il soit encore possible de chasser des animaux emprisonnés derrière des murs ou des barbelés ? Pratique d’autant plus contestable que, très souvent, les proies sont des animaux d’élevage qui ne se méfient pas de l’homme. Cette réalité de « parcs à gibier » est encore largement méconnue en France. Pourtant, il existe 485 enclos de chasse dans notre pays (enquête ONCFS, 2012). Les propriétaires de ces lieux préfèrent rester discrets. Les associations de défense des animaux doivent s’infiltrer parmi les chasseurs pour obtenir des images de cette pratique scandaleuse. Voici ce que l’on veut nous cacher : des espaces clos, hermétiques, délimités par des kilomètres de grillages afin que personne ne puisse pénétrer et que le gibier ne puisse surtout pas s’échapper. Tout est soigneusement organisé pour que les tireurs atteignent leur cible à coup sûr : miradors pour avoir un angle de tir dégagé, plateforme au milieu des arbres afin de se fondre dans le décor ou encore installation de mangeoires pour que les animaux se rapprochent. Les cerfs ou les sangliers n’ont quasiment aucune chance de s’en sortir et les chasseurs, eux, sont certains de repartir avec leur « trophée ».
Nous avons découvert pendant notre enquête que certains cervidés sont même importés de l’étranger. D’autres grandissent dans des élevages français et finissent dans des enclos de chasse.
En Sologne, ces parcs fermés sont tellement nombreux que la région se retrouve quadrillée par des clôtures. Emprisonnés, ces animaux se reproduisent entre eux avec des risques élevés de consanguinité.
De plus en plus de voix se font entendre pour dénoncer cette consternante réalité. Des citoyens et des élus se mobilisent : un maire dans le Loir-et-Cher a réussi pour la première fois en France à empêcher la création d’un enclos de chasse sur sa commune. Dans le Vercors, une association a racheté d’anciens terrains clôturés pour les transformer en réserve sauvage.
Nous avons également enquêté aux États-Unis. Au Texas, des entreprises proposent de tirer sur des animaux originaires de la savane africaine. Il est possible de chasser pour quelques milliers de dollars des animaux exotiques alors qu’ils sont menacés de disparition à l’état sauvage. A l’occasion d’un anniversaire ou d’un enterrement de vie de garçon, des Américains partent ainsi à la chasse au zèbre, dans un enclos fermé. Nous avons pu assister à une vente aux enchères d’animaux exotiques : ils sont présentés au public derrière des barreaux pour être vendus au plus offrant et finir encore une fois, dans un enclos de chasse. Là-bas aussi, des militants se mobilisent et veulent contrer ce business qui considère les animaux comme des objets de divertissement pour les chasseurs.
Les combats menés en France et à l’étranger redonnent de l’espoir. J’espère qu’ils aboutiront, à terme, à l’interdiction de la chasse en enclos.
Séquences exceptionnelles
Immersion dans une chasse privée au sein d’un immense parc fermé en Sologne
Exceptionnellement l’un des plus grands propriétaires terriens de Sologne a accepté de nous ouvrir ses portes. Nous avons pu assister à « une chasse du dimanche ». Il nous montre les miradors et les barrières dressées sur des kilomètres, la présence de caméras de surveillance et comment il nourrit le gibier à l’intérieur d’un parc hermétiquement fermé.
L’espoir : racheter un enclos de chasse pour libérer les animaux dans le Vercors
Grâce aux dons de 25 000 personnes, l’Aspas (Association pour la protection des animaux sauvages) a réussi à lever près de 2,5 millions d’euros. Elle va pouvoir ainsi transformer 500 hectares de terrains grillagés dans le Vercors en la plus grande réserve de vie sauvage en France.
Les élevages français destinés à la chasse
En France, d’immenses fermes se sont spécialisées dans l’élevage de sangliers uniquement destinés aux enclos de chasse. Ces animaux ne perçoivent pas l’homme comme un prédateur et sont une proie très facile pour les chasseurs.
Infiltration dans une vente aux enchères d’animaux exotiques aux États-Unis
Nous tournons en caméra cachée dans une salle des ventes du Texas. Des centaines d’acheteurs regardent défiler des animaux exotiques derrière des barrières. Ces animaux sont vendus comme de vulgaires objets. Ils sont contraints d’avancer sous la menace de battons ou de tiges électriques. Ils sont vendus au plus offrant pour finir la plupart du temps dans un enclos de chasse.
La chasse au zèbre aux États-Unis
Après plusieurs mois d’enquête, nous avons obtenu l’autorisation de filmer une chasse au zèbre dans un enclos au Texas, l’incroyable cadeau d’anniversaire pour les 17 ans d’un jeune Américain !
L’élevage des espèces menacées destinées à la chasse aux Etats- Unis
La chasse d’espèces exotiques génère des milliards d’euros au Texas. Ancien financier dans le pétrole, Brian Gilroy s’est spécialisé dans l’élevage et le transport d’animaux venant de l’étranger. Il élève même des animaux ayant disparus à l’état sauvage. Ils grandissent tranquillement sur ses terres en attendant d’être rachetés par des ranchs en vue d’une prochaine chasse.
Portraits et Verbatim
Lauren Loney juriste, 32 ans
Juriste pour la "Humane Society of the United States", Lauren est devenue une spécialiste du marché des animaux exotiques au Texas. Par son intermédiaire, nous avons pu nous infiltrer dans une vente aux enchères où des zèbres et des antilopes sont vendus comme des objets.
« Ils considèrent ces animaux uniquement par rapport à l'argent que ça leur rapporte et non parce pas parce que sont des créatures vivantes qu'il faut préserver. »
Madline Rubin fondatrice de l’Aspas, 41 ans
Depuis des années, Madline rêve d’un monde sans chasse en enclos. Grâce à une levée de fonds, elle a pu racheter un ancien parc de chasse dans le Vercors pour abattre les grillages, les miradors et rendre aux animaux leur liberté.
Elle nous révèle un mode opératoire très rodé, depuis l’importation des animaux jusqu’à l’organisation très précise de la partie de chasse.
Régulièrement, Madline organise l’infiltration de militants parmi des chasseurs pour obtenir des preuves de ces déplorables agissements.
« Cette chasse n'a aucun mérite : tu payes et tu sais que tu vas repartir avec ton trophée. »
Philippe Agulhon, maire de Millançay (771 habitants) dans le Loir-et-Cher
Il est lui-même chasseur, mais le principe de la chasse en enclos le révulse. Il est le premier maire de France à avoir empêché la construction d’un parc de chasse dans sa commune. Désormais, il se bat pour la suppression de tous les enclos de sa communauté de communes. Il considère qu’ils dénaturent non seulement les paysages de Sologne mais surtout qu’ils deviennent une menace pour la vie sauvage.
« J’ai eu l’occasion d’être en présence d’un animal qu’on m’a invité à tirer alors qu’il se trouvait le long d’une clôture. Pour moi, ce n’est plus de la chasse, c’est du meurtre. »
Pierre Rigaux naturaliste, 41 ans
Ce naturaliste, farouche défenseur de la cause animale, enquête depuis des années sur la chasse en enclos et tout le business qu’il génère en France. Il nous dévoile le fonctionnement de ces immenses élevages de sangliers uniquement destinés à ce type de chasse.
« La plupart des chasseurs sont contre ce système. La chasse était justifiée pour se nourrir, là ça n’a aucune justification. C’est un business de la mort. »
À noter les très belles performances du reportage #SurLeFront : la face cachée de la viande de cheval par France.tv Slash sur Facebook Watch / près de 340 k vues et sur le compte instagram d'Hugo Clément 862 k vues.
Présenté par
Hugo Clément
Une production
Winter Productions
avec la participation de France Télévisions
Production
Régis Lamanna-Rodat
Hugo Clément
Rédaction en chef
Pierre Grange
Réalisation
Guillaume Dumant
Direction des magazines de France Télévisions
Patrick Charles
Thibault Romain
Patricia Corphie
Sophie Martin