
Des ouvriers en abattoir, pour certains toujours en poste, racontent le travail. Leurs témoignages révèlent ce que « ce monde à part » aux limites de la condition humaine produit sur la santé des ouvriers. Le film rend compte du combat que les hommes et les femmes qui travaillent en abattoir doivent mener contre leurs propres émotions pour parvenir à « tenir » au quotidien. Au fil de leurs récits, par fragments, les images mentales qui les habitent se dévoilent peu à peu, et l’on devinera par endroit toutes celles qu’ils préfèreront ne pas livrer. Tourné en forêt, espace symbolique de refuge et d’isolement, le documentaire ne montre aucune image captée en abattoir.
RÉSUMÉ DU FILM :
Ils s’appellent Joseph, Mauricio, Nadine, Stanislas, Stéphane, Olivier, Michel et semblent, en nous racontant le travail à l’abattoir, témoigner d’une sorte de front de guerre insensé et irréel, d’un monde aussi indescriptible qu’innommable, et pourtant, bien qu’« invisible » aux yeux de ceux qui n’y pénètrent jamais, bel et bien réel puisqu’installé à la porte de nos villes et villages. Ils décrivent ce qui les a conduits à devoir s’y rendre et à n’avoir comme seul choix que de ne plus pouvoir en partir. Disent combien ce travail à nul autre comparable est source de tourments. Il est question de blessures psychiques, de détresse et failles émotionnelles, de distorsions psychologiques, de cauchemars récurrents, de traumatismes, et en creux de tous les non-dits.
En plus des récits des ouvriers viennent s’ajouter la parole de Martial, un ancien agent vétérinaire en abattoir, et celle de Sandro de Gasparo, ergonome de l’activité, spécialiste en santé et travail, qui a participé il y a quelques années à une étude sur les souffrances psychiques des ouvriers en abattoir.
Les images du film ont été réalisées en forêt, qui tient symboliquement lieu de « monde à part » en marge du réel, à l’instar de ce qu’est l’abattoir quand on en décrit l’activité concrète et au vu de la place qu’il occupe au sein de notre société.
Note d’intention d'Anne-Sophie Reinhardt
La volonté de réaliser un film documentaire sur les souffrances psychiques causées par le travail en abattoir est survenue lorsque voyant des images filmées clandestinement dans des abattoirs français, il m’a semblé que la neutralité apparente des silhouettes d’ouvriers à leur tâche était encore bien plus stupéfiante que « les pétages de plombs » visés par les vidéos. Stupéfiante, car dans ce décor où tout n’est qu’effroi, on les voit évoluer silencieux et impassibles. Un monde pourtant dans lequel nous-même ne saurions, en nous y projetant, y garder notre sang-froid, tant la stupeur qu’il procure est bouleversante rien qu’en image.
Comment, puisque nous nous accordons à dire que les images captées en abattoir sont insupportables et insoutenables, comment serait-il rendu possible qu’un individu lambda puisse y être indifférent sans avoir dû se forcer à devoir se transformer pour parvenir à éteindre en lui ses émotions ? Le processus de cette métamorphose des émotions pose question, car on ne peut s’y résigner qu’au prix d’une profonde et douloureuse négation de soi-même.
Pour rendre compte par le documentaire de ce qui tient de l’invisible, c’est-à-dire de l’expérience sensible, sensorielle et psychologique vécue en abattoir, j’ai choisi de n’employer dans le film aucune image captée en usine-abattoir. Et ce parce qu’elles seraient de fait ou trop sidérantes pour le spectateur, et feraient écran entre lui et la parole des ouvriers, ou bien seraient bien en de ça de l’expérience de la réalité. Ne serait-ce que du quotidien, qui lui est tout autre qu’une image diffusée sur écran.
Le documentaire de témoignages permet toutefois de nous laisser approcher, du moins pour partie, de ce que cela nous ferait à nous-même, pas dissemblables de ceux qui racontent, si nous étions à leur place. C’est ce chemin d’intention que le film documentaire a voulu suivre.
Biographie de Anne-Sophie Reinhardt
Après un bac scientifique, elle démarre un cursus Universitaire à l’USHS qui la destinait à devenir archéologue. Mais après l’obtention de deux licences d’Histoire de l’Art et d’Études Théâtrales, elle entreprend une formation d’Art et Technique de l’Acteur à Paris durant 3 ans.
Après 9 ans d’actorat au sein de compagnies théâtrales, elle réoriente ses choix professionnels pour s’engager dans la voie de la prise de vue vidéo via des formations qualifiantes, dont celle de l’École de L’Image des Gobelins. Depuis 2009, elle est opératrice prise de vue, et s’essaye à l’écriture et à la réalisation de films documentaires courts et moyens. Qu’il s’agisse de
réalisations personnelles ou de films de commande, elle est essentiellement intéressée par les « oublié·e·s ». En 2018, elle reçoit le 1er prix du concours de court métrage « Infracourt » qui est doté d’une aide à l’écriture par FTV et la Scam. Le film « Les Damnés, des ouvriers en abattoir » est son premier long métrage d’auteure. / Moyens-métrages de commande : « Le coeur » produit par Emmaüs, « Super Val » produit par le Cnap et Animaviva productions, un triptyque documentaire produit par le Collège Jean Vilar de la Courneuve et la Fondation de France / Courts-métrages Infracourts : « Un soir de première » (2013) Prix du public et prix Néon, « Les photos du dimanche » (2016), « Un monde à part (2018 ) 1er prix.
Prix et nominations du film « Les Damnés, des ouvriers en abattoir » :
- Festival de Luchon 2020 : Prix de l’originalité du sujet.
- Prix UCMF 2020 -5e édition : René-Marc Bini est nommé par l’Union des Compositeurs de
Musiques de Films dans la catégorie documentaire pour la musique originale du film "Les Damnés, des ouvriers en abattoir"
#INFRAROUGE
« Les Damnés, des ouvriers en abattoir »
66 minutes
Un documentaire écrit et réalisé par
Anne-Sophie Reinhardt
Produit par
Les Batelières Productions
Avec la participation de
France Télévisions
du CNC, de la Région Ile-de France et de la Procirep Angoa
Pôle documentaires histoire
France Télévisions
Renaud Allilaire
Julie de Mareuil
Directrice de l'unité documentaires de France Télévisions
Catherine Alvaresse
Le documentaire est disponible en visionnage sur
https://www.francetvpreview.fr/