Le Cannibale et la Vahiné forment un couple inséparable. Un couple qui colle à la peau de l’Océanie comme un mauvais masque de carton-pâte.
L’histoire ne date pas d’hier. Depuis le XVIIIème siècle, l’Occident porte un regard mi-fasciné, mi-effrayé sur les « îles lointaines des mers du Sud ». D’un côté, les archipels sous le vent et leur délicieuses naïades en paréos sur fond de mer turquoise. De l’autre, les îles noires peuplées
de dangereux mangeurs d’hommes.
Si Cannibales et vahinés aborde des questions historiques et ethnologiques complexes et traite d’un sujet grave — le regard déformé et déformant que porte, depuis plus de deux siècles, l’Occident sur le Pacifique et ses habitants — ce film sera avant tout un récit de voyage.
Un voyage palpitant et amusé à travers les clichés qui se sont forgés depuis la fin du XVIIIe siècle et perdurent aujourd’hui encore !
Un voyage dans les archives, multiples et diverses par leur type (films, musique, images, photos, etc.), leur origine et leur date. Elles seront notre support et notre guide dans cette quête passionnante à travers les étals de l’exotisme bon marché. Un voyage aux côtés de Roger Boulay, ethnologue, qui a abondamment travaillé sur ces questions et a monté, l’an passé encore, une exposition toujours sur ce thème et baptisée « Le magasin des petits explorateurs » pour le musée du Quai Branly. Un voyage, enfin, d’île en île, de la Nouvelle-Calédonie à la Polynésie, en passant par le Vanuatu (lieu aujourd’hui encore d’improbables « Kannibal tours » organisés pour les touristes), d’interlocuteurs en interlocuteurs, pour interroger les faux-semblants d’aujourd’hui et les maigres morceaux de réalité arrachés aux mers du Sud. Les préjugés sont coriaces, ils traversent les temps se transforment, s’adaptent aux époques. Notre intention est de les débusquer dans notre présent aussi.
Nous mettrons ainsi en scène et en image la vision que les Européens ont toujours eu des Océaniens. Vision très large allant des images d’Épinal et du paradis sur terre aux angoisses liées au cannibalisme et à la sauvagerie. Nous espérons ainsi faire voler en éclat un grand nombre de clichés et tendre aux Occidentaux toujours en quête d’exotisme, un miroir dans lequel ils n’oseront plus s’observer. Toute la force du film sera intrinsèquement, dans l’humour, dans le rire et parfois la colère : ceux de Roger et de nos interlocuteurs océaniens contemporains, souvent effarés de l’image accolée à leurs ancêtres et des documents dans lesquels ils apparaissent sous les traits du bon ou mauvais sauvage, mais toujours noyés dans une trouble soupe mêlant fascination et répulsion.