Marie Colomb (Laëtitia) © Jérôme Prébois / FTV / PCB Films & L'Île Clavel

Laëtitia

Un des marqueurs importants de France Télévisions est
de s’appuyer sur le genre et les codes de la fiction pour raconter et interroger notre société dans toute sa complexité et, parfois, sa noirceur et ses zones d’ombre.
Adaptée de l’enquête d’Ivan Jablonka, Laëtitia ou la fin des hommes (Éditions du Seuil), prix Médicis et Prix littéraire du Monde en 2016, la mini-série Laëtitia (6 x 45 minutes), réalisée par Jean-Xavier de Lestrade, revient sur une tragédie qui, loin d’être un simple fait divers, a bouleversé les Français et mis en lumière à la fois les fragilités liées
à l’adolescence et les ressorts souvent invisibles d’une violence ordinaire. Laëtitia est le portrait émouvant, saisissant et beau d’une jeune fille d’aujourd’hui au seuil
de s’en sortir et coupée net dans son élan vital.

La diffusion sur France 2 de cette œuvre constitue un temps fort de la rentrée de France Télévisions.
Notre objectif est de créer une nouvelle fois, en étroite liaison avec le tissu associatif et les acteurs de la société civile concernés, un écho autour de questions de société impliquant les jeunes au moment charnière entre la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte : la prise de risque et la mise en danger, la notion et l’appréhension des limites alors que l’on est encore fragile et vulnérable, les premières expériences sexuelles et la question du consentement, le rapport à l’alcool et à la drogue…
 
La série sera aussi l’occasion de revenir sur la condition parfois catastrophique des enfants placés mais aussi sur les questions de la maltraitance infantile et les violences faites aux femmes.

Au regard du contenu de la fiction et des questions que cette affaire continue à soulever, Julian Bugier prolongera en plateau la seconde soirée, entouré de plusieurs invités et experts.

Plus généralement, pour donner encore plus d’impact à cette nouvelle mobilisation citoyenne de France Télévisions, les magazines et rendez-vous d’information du groupe accompagneront cette programmation, au travers d’une diversité d’angles et éclairages éditoriaux : émissions spéciales en rapport avec les thèmes de la fiction, chroniques, reportages, invités…
 
Les réseaux sociaux de France Télévisions seront également mobilisés.

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Dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011, à La Bernerie-en-Retz, non loin de Pornic, une jeune fille de 18 ans, Laëtitia, est victime d'un terrible meurtre. Sur le thème de « l'Ange et le Monstre », la presse donne aussitôt à l'affaire un retentissement spectaculaire. Le public se passionne et transforme la victime en icône.
Ce fait divers « trahit » le monde dans lequel il se produit. C'est aussi un portrait détaillé de la France du début du XXIe siècle.
« L'affaire Laëtitia » ne montre pas seulement la sauvagerie de la mort de la jeune fille, il évoque aussi une violence ordinaire, quotidienne, presque invisible. 

Note du réalisateur Jean-Xavier de Lestrade

Jean-Xavier de Lestrade

Note du réalisateur Jean-Xavier de Lestrade

« Ce qui me donne le courage de regarder Jessica droit dans les yeux quand je lui explique pourquoi nous allons raconter son histoire et celle de sa sœur. »

J’ai longuement résisté à me lancer dans ce projet. Comment trouver la place du spectateur dans cette tragédie qui menace sans cesse de nous engloutir ? Comment trouver ma place en tant qu’auteur dans ce fait divers dont on semble tout connaître ? Où puiser l’énergie qui devra irradier la série pour en faire, avant tout, un récit de vie ?
Il m’est alors revenu un de mes tout premiers souvenirs d’enfance. Je dois avoir 3 ans et je suis avec mon frère jumeau – oui, j’ai un frère jumeau et cela n’est pas sans importance – et nous jouons au bord d’une rivière. Mon grand-père, sensé nous surveiller, est en train de travailler son petit jardin ouvrier à trois cents mètres de là. Avec mon frère, nous étions près de la berge à tenter de jeter des brindilles de bois le plus loin possible dans le courant qui les emportait vers une chute d’eau de trois mètres, toute proche de nous. Et nous jetions avec excitation chaque bout de bois, le jeu consistant à aller plus loin que l’autre jumeau. Et ce qui devait arriver… Mon frère, emporté dans son élan, tombe dans l’eau. Il a le réflexe – animal – de se retourner et de s’agripper aux herbes de la berge. Mais ses pieds pendent dans la chute, déjà aspirés par le vide et entraînés par la force du courant. Je suis tétanisé. Il crie. Et je cours chercher mon grand-père. Sans doute la course la plus rapide de ma vie. L’alerte donnée, mon grand-père se précipite vers la rivière. Et moi je reste près du lopin de terre. Je ne veux pas savoir tout de suite si mon frère a résisté ou pas au courant. Mais pendant une, deux, trois ou quatre minutes, alors qu’il faisait très beau ce jour-là, j’ai senti comme une ombre qui a recouvert mon corps et a fait entrer mon cœur dans une nuit où les mots n’ont plus de place. Heureusement, mon frère avait tenu jusqu’à l’arrivée de mon grand-père et je le revois toujours venir vers moi, trempé et tremblant, encore terrifié d’avoir tutoyé la mort d’aussi près. Cette image, c’est la seule que je peux raconter à Jessica lorsque je la rencontre la première fois. C’est ce qui me rapproche le plus d’elle et qui me donne, au final, le courage de la regarder droit dans les yeux quand je lui explique pourquoi nous allons raconter son histoire et celle de sa sœur.

« La relation entre Laëtitia et Jessica semble tissée par une sorte de pacte fondateur sur lequel reposerait la survie. »

Mais au-delà de l’anecdote personnelle, je sens très fort que derrière ce fait divers, comme en témoigne la richesse et la complexité du livre d’Ivan Jablonka, il y a un monde. Un milieu social violenté et en souffrance, des destins individuels fracassés, des romans familiaux qui répètent abus et maltraitances. Et au milieu de ce monde chaotique, ces jumelles, qui à deux tentent de surmonter les épreuves, de réparer leurs plaies, de se construire une vie. La relation entre Laëtitia et Jessica semble tissée par une sorte de pacte fondateur sur lequel reposerait la survie. Nous nous sommes attachés avec Antoine Lacomblez, lorsque nous avons retracé l’historique de cette relation, à montrer comment l’une (Jessica) semble absorber et capitaliser les sources de vie, tandis que l’autre (Laëtitia), plus vulnérable et secrète, vacille dans les tempêtes qu’elle traverse. Comment les rôles se répartissent entre elles : l’une protectrice, maternelle, sécurisante, l’autre enfantine, délicate et introvertie. Je suis très touché par cela. Comment ces chemins qui avancent ensemble, parfois se séparent (les études) pour trouver une voie à soi, se retrouvent pour se réchauffer et se ressourcer. Un pacte menacé, lorsque s’y immisce le secret ou sa révélation (la relation entre Jessica et M. Patron). Mais un pacte que seul le meurtre pourra briser. 
Ce parcours des jumelles, c’est aussi, et c’est un thème qui irriguait déjà les deux trilogies de Manon, celui d’une forme de résilience. Comment surmonter les traumas, les chocs, combler les gouffres en soi, donner du sens à une vie dont les fondements ont été bafoués ? Les lettres testamentaires rédigées par Laëtitia quelques jours avant son meurtre, son comportement inhabituel lors de sa dernière journée sont-ils la marque d’un épuisement de cette résilience, telle une source de vie qui se serait tarie ?
Le destin de Laëtitia, et c’est ce qu’il a de fascinant je crois, nous laisse face à nos interrogations existentielles. Par quoi est-on mû ? Quelle est la nature de ce combat qui nous déchire entre forces de vie et pulsions de mort ? Appartient-il à une fatalité (ou à un déterminisme social, tel que l’analyse Ivan Jablonka) ? À un tempérament ? À une suite de circonstances ?

« Peut-on échapper à une existence placée sous le signe du désastre ? »

La série pose cette question : peut-on échapper à une existence placée sous le signe du désastre ? C’est désormais à Jessica qu’il appartiendra d’y répondre. En ce sens, Jessica me paraît le personnage pilier-pivot de cette histoire. Parce qu’elle a accompagné au plus près la vie de Laëtitia, parce qu’elle en incarne un double et un opposé, et parce qu’elle la prolonge aujourd’hui.
Je crois que, fondamentalement, ce qui me touche le plus profondément, et le plus intimement dans cette histoire, c’est la puissance avec laquelle elle met en scène les deux pôles de notre condition : la vie et la mort. Comment ces pôles se côtoient, s’affrontent, se déchirent.
Que s’est-il joué ce jour-là entre Laëtitia et son meurtrier ? Nous avons tenté, dans la série, de restituer cette soirée sous tous les points de vue, décortiquer textos et appels téléphoniques, rassembler témoignages, documents légistes et policiers, piocher dans le compte Facebook ; rien ne peut dissiper le mystère de cette rencontre et de la relation qui s’est tissée entre ces deux êtres (rencontre qui nous fait basculer du côté du conte, du Petit Chaperon rouge et du Grand Méchant Loup). Et dans ce mystère persistant réside, je crois, la force et la beauté de cette histoire, quelque chose qui échappe au rationnel, à l’analyse scientifique, à la certitude. Quelque chose qui nous plonge dans ce que les êtres ont de plus opaque et abyssal. Donc de fascinant.
Je vois dans le récit de Laëtitia une matière qui nous ramène à la tragédie et à ses figures archétypales. Il y a quelque chose d’Œdipe dans ce personnage de Tony, dont le frère est issu d’un inceste, et qui entretient avec sa mère une relation aussi passionnée que destructrice. Quelque chose d’Antigone dans cette détermination du gendarme Touchais à reconstituer le corps démembré de Laëtitia pour lui offrir une sépulture. Laëtitia apparaît aussi comme une héroïne tragique, avançant vers un destin funeste et semblant s’y résoudre. Et que dire de Gilles Patron, pourfendeur médiatique des délinquants sexuels, bientôt condamné pour actes pédophiles ?
Cette dimension tragique aux accents mythologiques est essentielle pour moi, car elle confère aux personnages une grandeur romanesque qui les éloigne d’une possible description misérabiliste ou sordide.

« Laëtitia, c’est aussi un portrait détaillé de la France du début du XXIe siècle. »

Sur un tout autre plan, plus rationnel celui-ci, c’est la dimension politique du projet qui retient mon attention : la récupération par Nicolas Sarkozy du fait divers pour attaquer le laxisme des juges, la rébellion des magistrats, la question de la pénalisation du crime et des dysfonctionnements judiciaires qu’elle soulève. Comme nous avons essayé de le suggérer en quelques scènes, l’attitude du président de la République de l’époque peut se lire comme un moment de bascule de la vie politique : division de la population civile, exaltation de raisonnements simplistes malhonnêtes et réducteurs (confusion entre laxisme des juges et dysfonctionnement judiciaire), séduction d’un discours populiste. Traiter cet aspect de l’affaire Laëtitia, c’est aussi faire acte de résistance face à la simplification des discours qui conduit à des choix politiques de plus en plus extrêmes et inquiétants. Suivre le parcours du juge Martinot, c’est échapper à une logique aussi naïve que contredite par les faits, qui voudrait que pénaliser au maximum le crime serait assurer la sécurité d’une société. C’est tenter d’aller plus loin qu’une approche sécuritaire du monde où il suffirait de remplir les prisons pour supprimer le crime.

Laëtitia, c’est aussi un portrait détaillé de la France du début du XXIe siècle. Il ne montre pas seulement la sauvagerie de la mort de son héroïne, il évoque aussi cette violence ordinaire, quotidienne, presque invisible, qui parcourt à bas bruit toute une partie du territoire et hante jour et nuit les gens qui y vivent.

Jean-Xavier de Lestrade, janvier 2019

Interview d'Ivan Jablonka

Yvan Jablonka

Ivan Jablonka est écrivain, historien et professeur d’histoire (Université Paris-XIII). Il a travaillé sur l’histoire de l’enfance et de la jeunesse (déplacées, maltraitées, abandonnées ou déportées) et sur les nouvelles formes de récits en sciences sociales.

 

Fin 2016, vous publiiez, aux éditions du Seuil, Laëtitia ou la fin des hommes, livre très remarqué et dont on a beaucoup commenté la nature hybride, entre essai de sciences humaines et littérature – il a d’ailleurs reçu le prix Médicis et a figuré dans les sélections du Goncourt et du Renaudot. D’une certaine façon, le brouillage des genres se poursuit avec cette adaptation sous forme de série de fiction télévisée...

Ivan Jablonka : Si brouillage il y a, il n’est pas de mon fait. Il s’agit avant tout d’une enquête sur une jeune femme qui a disparu, dans tous les sens du terme. D’abord parce qu’elle a été tuée à 18 ans. Mais aussi parce que, avant que j’écrive ce livre, sa vie avait été en quelque sorte absorbée par ce crime, elle n’était plus qu’une victime violée, poignardée, démembrée, elle n’était plus qu’un fait divers et on aurait presque dit qu’elle n’avait existé que pour être tuée. Cela a fait naître en moi un sentiment de révolte et la conviction qu’on ne peut pas réduire la vie de quelqu’un à sa mort. C’est la raison pour laquelle j’ai entrepris ce travail, cette biographie : pour écrire la vie de Laëtitia. Ensuite, bien sûr, j’ai mêlé dans ce livre le témoignage, la sociologie, l’histoire et une certaine ambition littéraire qu’on a bien voulu reconnaître. Alors, en ce sens, vous avez raison, mon livre questionne les frontières entre les sciences sociales et la littérature ou, pour le dire autrement, j’ai essayé de renouveler la littérature par les sciences sociales et inversement. Peut-être cette adaptation prolonge-t-elle ce questionnement, en tout cas je suis à la fois heureux et fier qu’elle voie le jour.  J’ai écrit un livre, mais c’est la série de Jean-Xavier de Lestrade. J’ai participé de loin à son élaboration, mais c’est une œuvre à part entière, une sorte de pendant de mon livre, ou de miroir.

Était-il si évident ou si simple d’accepter cette proposition d’adaptation ?

I. J. : Parmi les propositions d’adaptations reçues par mon éditeur, nous avons choisi celle de Jean-Xavier parce que je me reconnais dans son travail. Il a abordé les thèmes de l’enfance, de la violence – notamment celle qui touche les jeunes –, il a une perception très fine des rapports sociaux, je suis en accord avec son sentiment social, mais aussi sa manière de raconter et ce que j’appellerais son esthétique. Quand on parle de souffrance sociale, d’apprentissage de la vie, etc., on peut le faire avec pathos et de façon larmoyante, mais on peut aussi le faire de la manière la plus sobre, la plus pudique et la plus concise qui soit. C’est son choix et c’est le mien dans mes livres, celui sur Laëtitia comme celui que j’ai consacré à mes grands-parents*. J’étais donc certain qu’avec Jean-Xavier, mon livre et – ce qui importait avant tout – la mémoire de Laëtitia étaient entre de bonnes mains et qu’il n’y aurait pas trahison.

Avez-vous parlé de ce projet avec les proches de Laëtitia ?

I. J. : Bien entendu. Je suis resté en contact avec Jessica, la sœur de Laëtitia, avec sa tante Delphine et son oncle Stéphane, qui sont des gens formidables. Et de la même manière que j’étais allé leur expliquer mon projet de livre – cela tenait en une phrase, au fond : Laëtitia n’est pas un fait divers mais une vie, des projets, des joies, des peines... –  il était indispensable de parler à la famille de cette adaptation pour la télévision afin de ne pas susciter des appréhensions – elles sont légitimes : quand on a traversé de telles épreuves, il reste une blessure à vif –, mais aussi d’associer les proches à la réflexion. D’ailleurs, Delphine et Stéphane sont allés au festival de La Rochelle quand la série y a été présentée. Ils m’ont dit qu’ils étaient satisfaits du résultat et j’en ai été heureux. J’ai eu le sentiment d’une mission accomplie, à travers le livre, puis à travers la série. Et même le sentiment que mon travail était parachevé par Jean-Xavier et son équipe. Il s’agissait de faire découvrir aux téléspectateurs des personnages réels, de présenter Laëtitia comme une vivante. Il fallait faire connaissance. J’aime la polysémie de cette expression. Un historien comme moi, ou un sociologue, produit de la connaissance pour faire comprendre une vie mais aussi l’état d’une société. Faire connaissance, c’est aussi faire les présentations : voici Laëtitia, Jessica, leur famille, leurs proches... En ce sens, le travail de Jean-Xavier est en harmonie et en continuité avec le mien parce qu’il donne réalité, présence et consistance à des personnages qui, sinon, risqueraient d’être oubliés ou d’être engloutis par la mort.

La différence majeure entre votre livre et son adaptation à l’écran, c’est que le « personnage » que vous incarnez, si l’on peut dire, et qui dit « je » dans votre enquête, disparaît de la série, ou plutôt est réparti, redistribué...

I. J. : Jean-Xavier m’a expliqué qu’il valait mieux à l’écran construire le fil narratif autour de la figure du gendarme chargé de l’enquête, et il avait parfaitement raison. Dans toute narration, il faut adopter un point de vue et s’y tenir. En l’occurrence, ici, c’est le personnage joué magnifiquement par Yannick Choirat, qui comprend peu à peu ce qui est arrivé à Laëtitia, c’est-à-dire pas seulement la rencontre avec son meurtrier, pas seulement le fait divers, mais toute son existence et, au-delà, l’état d’une société où les femmes sont manipulées, frappées, violées, tuées, une société où les inégalités sociales se résolvent en violence, où la brutalité s’inscrit dans des espaces géographiques, etc. Bien sûr, dans l’adaptation, certains des propos que je tiens dans le livre sont attribués au gendarme. Mais c’est d’autant plus judicieux qu’un historien, un sociologue, un juge d’instruction, un journaliste ou un gendarme sont des enquêteurs. Je ne suis pas en train de dire que nous faisons tous le même métier, mais il y a chez tous le même point commun : l’ambition de comprendre ce qui s’est passé.

Comment avez-vous reçu l’incarnation à l’écran de Laëtitia par une comédienne ?

I. J: Il faudrait pouvoir parler de tous les comédiens de cette série, tant ils sont d’une justesse absolument remarquable. Mais il y a pour moi, bien sûr, une sorte de révélation : Marie Colomb, cette toute jeune comédienne qui interprète de façon bouleversante une Laëtitia tour à tour joyeuse, secrète, boudeuse, enthousiaste et surtout solaire. C’est exactement ainsi que j’ai voulu montrer, restituer cette jeune femme dans mon livre. Pleine de joie de vivre. Il faut aussi, je crois, rendre un coup de chapeau aux comédiens qui incarnent les personnages les plus négatifs de cette histoire, Sam Karmann et Noam Morgensztern, le père d’accueil et le meurtrier de Laëtitia. Il fallait avoir le courage de le faire. Tous deux sont époustouflants, humains. J’ai eu la chance de voir jouer le second et j’ai été sidéré par ce qu’il fait passer de noirceur, d’inquiétude, de rouerie, de pathétique. Cela aussi fait partie de la subtilité que distille Jean-Xavier dans la série. Quand on plonge dans ce drame, on comprend que ce n’est pas la rencontre de l’ange et du démon – ça, c’était la vision simpliste du président de la République de l’époque – mais une tragédie faite de complexité humaine.

Du livre à la série, est-ce qu’il ne s’agit pas, au fond, et même si l’on sait qu’on ne la ramènera pas à la vie, d’arracher une jeune femme à la mort au moins un instant, en faisant renaître ces moments où rien n’est joué, tout reste ouvert ? On pense parfois à la Dora Bruder de Patrick Modiano, qui pourrait être comme une sœur ou une cousine lointaine de Laëtitia.

I. J. : … Et que j’avais à l’esprit en écrivant. La mort est une borne, l’interruption d’une existence, pas une direction ou un destin. On se trompe en partant d’elle, et en tout cas on se condamne à ne pas comprendre. De la mort, la vie ne peut pas renaître. Le livre que j’ai écrit sur Laëtitia est en cela très proche de celui que j’avais consacré précédemment à mes grands-parents, même si les époques et le contexte sont différents. Ces gens sont morts très jeunes et leur mort ne saurait résumer leur vie : être la victime d’un meurtrier sous la présidence de Nicolas Sarkozy ou être les victimes de la Shoah, ce n’est pas une identité. Cela ne dit rien de leurs joies, de leurs peines, de la logique de leurs choix. C’est là qu’il faut chercher. Pour rouvrir tous les possibles qui étaient en eux.

 

Propos recueillis par Christophe Kechroud-Gibassier

Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus, éditions du Seuil, 2012.
 

Générique

Avec :

Sophie BREYER (Jessica)

Marie COLOMB (Laetitia)

Yannick CHOIRAT (Frantz Touchais)

Sam KARMANN (Gilles Patron)

Kevin AZAÏS (Franck)

Noam MORGENSZTERN (Tony Meilhon)

Clotilde MOLLET (Michelle Patron)

Alix POISSON (Béatrice Prieur)

Guillaume MARQUET (Loïc Nallet)

Cyril DESCOURS (Juge Martinot)

François RAISON (Procureur Ronsin)
 

Fiche technique

Une mini-série (645 min) réalisée par Jean-Xavier de Lestrade 
Scénario adaptation et dialogues d'Antoine Lacomblez et Jean-Xavier de Lestrade
Adaptée du roman d’Ivan Jablonka « Laëtitia ou la fin des hommes » - © Editions du Seuil / Editions du Point
Produite par Judith Louis et Jean Labib 
Une production CPB Films, L’Ile Clavel - En coproduction avec France Télévisions
En coproduction avec BE-Films, RTBF et Pictanovo - Avec le soutien de la Région Hauts-de-France - en partenariat avec le CNC
Avec la participation de TV5Monde, de la RTS et du CNC.
Avec le soutien de la PROCIREP - société des Producteurs, de l’ANGOA et du Programme Europe créative MEDIA de l’Union Européenne.
 

Les personnages

Marie Colomb (Laetitia)

LAÉTITIA

Sophie Breyer (Jessica)

LAÉTITIA

Sam Karmann (le père de la famille d'accueil)

LAÉTITIA
Kévin Arbona
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