Interview de Béatrice de La Boulaye

« Tourner pendant quatre mois à la Martinique en ayant pour partenaire Sonia Rolland et en étant servie par des textes si bien écrits et qui mettent en valeur les femmes et la diversité : il n’y avait aucune raison pour que je refuse une telle opportunité ! » 

L’appétit d’une comédienne
« J’ai lu les quatre premiers scénarios en me faisant balader sur chaque enquête. Avec ce double délice d’être lectrice d’une intrigue intéressante et d’avoir en même temps l’appétit d’une comédienne prête à jouer toutes les situations. »

Plus Martiniquaise que Niçoise
« Née à Nice, la capitaine Gaëlle Crivelli est arrivée à la Martinique à l’âge de 4 ans. Elle est aussi à l’aise avec le créole qu’avec la culture martiniquaise et elle connaît cette île comme sa poche. Elle se sent chez elle ici. C’est une femme libre, sans attache, qui a fait le choix de vivre sur un voilier. Elle enchaîne les histoires d’amour et prend le large dès que cela devient trop sérieux. Habituellement, c’est le genre de rôle qu’on propose à un homme et j’étais ravie qu’il soit écrit pour une femme. Gaëlle Crivelli est une bonne flic qui fonctionne à l’instinct, aux sentiments et est toujours dans l’action. Elle n’est pas très académique ou méthodique. D’où sa confrontation avec la commandante Sainte-Rose, qui est beaucoup plus droite, protocolaire, dans la réflexion et la déduction. »

Une coupe à la garçonne
« J’ai accepté de me faire couper les cheveux pour devenir la capitaine Crivelli. Avec les auteurs, nous avons insisté pour que mon personnage ne perde pas sa féminité pour autant... ou son pouvoir de séduction, même si ce n’est pas un canon de beauté, comme peut l’être de façon évidente Mélissa Sainte-Rose. Elle donne libre cours à sa féminité lorsqu’elle n’est pas en service. Au travail, elle a beau être un flic en civil, ses tenues sont plus normées. Avec la costumière, nous avons travaillé sur ce personnage sportif, dynamique et sur le duo qu’elle forme avec Sainte-Rose. Nous avons imaginé que sous l’influence de sa commandante, à force d’être à ses côtés, elle devient de plus en plus féminine. D’ailleurs, leur empreinte est mutuelle. Crivelli lui prend sa capacité de déduction, d’analyser les situations et son élégance, quand Sainte-Rose fait sien son côté tête brûlée ou badass, qu’elle n’avait pas en débarquant sur l’île. » 

Une guerre de territoire
« Crivelli vit l’arrivée de Sainte-Rose comme une invasion. Une guerre de territoire. Jusqu’à présent, elle bénéficiait d’une liberté absolue. Personne ne lui disait comment faire. Et elle n’a pas envie de s’entendre dicter ses actes par cette nouvelle commandante, aussi compétente soit-elle. Et cela se ressent dans leurs rapports, dans sa manière de l’accueillir et de la charrier. Elle la défie : « Vous êtes nouvelle ici, faites vos preuves. » 
Et Sainte-Rose, qui est sa supérieure hiérarchique, n’a pas d’autre choix que d’asseoir et d’imposer son autorité pour justifier sa mutation et son statut. » 

Les membres de la Crim
« Gaëlle Crivelli connaît les différents membres de la Crim depuis longtemps, sans pour autant entretenir le même type de relation avec chacun d’eux. Il existe entre le commissaire et elle un accord tacite. Ils se couvrent mutuellement. L’impulsivité de Gaëlle lui donne du fil à retordre et le rend dingue. Elle ne supporte pas sa misogynie, mais ne prend jamais ombrage de ses coups de gueule. En revanche, le côté diplomate qu’impose la fonction de commissaire l’agace fortement. Elle ne voudrait être que « justice ». Alors, que cette justice puisse être soumise à la diplomatie ou au politique, ça la rend folle ! Gaëlle a tendance à vanner tout le monde et le lieutenant Aurélien Charlery n’échappe pas à la règle. Ils sont amis, se voient en dehors du travail et sont même sortis une fois ensemble. L’arrivée de la commandante modifie quelque peu leurs relations. Gaëlle lui reproche d’être devenu un bon petit soldat. Quant à Phil, c’est un personnage lunaire dont elle reconnaît les qualités professionnelles. Pour autant, elle se moque régulièrement de lui et n’hésite pas à l’interrompre lorsqu’il fait référence aux légendes locales lors de ses constatations médicales. »

Seule au milieu de la grande anse d’Arlet
« Il y a cette scène, au début du huitième épisode, où j’emprunte un jet-ski pour me rendre sur un voilier. Un tournage est généralement animé et bruyant, et là je me suis retrouvée seule au milieu de la grande anse d’Arlet. Et j’ai eu le temps, alors qu’un drone me filmait, d’apprécier la beauté du lieu. Je voyais la mer, les montagnes, des tortues dont la tête émergeait. J’ai remercié l’univers d’être là, de bénéficier d’un cadre aussi sublime et de pouvoir interpréter ce personnage. » 

La Martinique, une île généreuse
« La Martinique, que je ne connaissais pas, est devenue ma deuxième maison. J’y ai même scolarisé ma fille le temps du tournage. C’est une île généreuse, à l’énergie incroyable et à la qualité de vie inouïe. Les Martiniquais ont un tempérament très cool. Ils sont accueillants, bienveillants, amicaux. J’éprouve une réelle affection pour les personnes que j’ai rencontrées là-bas et je suis contente de les retrouver à l’occasion de l’avant-première qui y sera prochainement organisée. 
Ce tournage m’a donné l’occasion de m’intéresser à l’histoire, si particulière, de cette île et à la question de la diversité à l’écran. Et cette série, à ce titre, représente la France et le monde d'aujourd'hui. À travers les intrigues, les auteurs ont évoqué des sujets de société aussi bien universels que territoriaux. Des sujets et des combats qui ne laissent pas indifférents mon personnage. »

Propos recueillis par Clotilde Ruel