Meurtres à l'île de Ré

Créée en 1560, la Chiourme a revêtu plusieurs aspects à travers les âges. Les condamnés aux travaux forcés sont affectés d'abord aux Galères du Roi. Puis aux bagnes flottants situés dans les ports, les pontons bagnes : on en trouve à Rochefort, Le Havre, Cherbourg, Lorient, Toulon. Détenus dans les cales de navires, ils travaillent très durement  durant la journée dans les arsenaux de la marine.

La Révolution Française crée un nouveau système pénitentiaire, dont, par la loi du 26 Août 1792, la Déportation. Les prêtres Réfractaires, puis les ennemis de la Révolution sont expédiés sur des pontons bagnes, d'autres en Guyane.

Cinquante ans plus tard, c'est au tour des forçats. En 1840, leur concentration en France métropolitaine est considérée dangereuse pour la population civile. Napoléon III décide alors de les déporter vers des terres lointaines. Des vaisseaux-prisons les transportent vers la Guyane et la Nouvelle-Calédonie.

A partir de 1873, la citadelle Vauban à Sain-Martin-de-Ré devient l’unique dépôt des condamnés destinés aux colonies pénitentiaires. On y trouve des récidivistes de délits mineurs, "les relégués" ; ainsi que les condamnés de Cour d’assises, "les transportés". Les premiers ont le droit de parler et de fumer lors des promenades, alors que les seconds sont privés de ces petits «luxes ».

La détention sur l'Île de Ré peut durer plusieurs mois avant le départ pour l'enfer. Car c'est bien de survie dont il s'agit une fois les détenus en Guyane et en Nouvelle-Calédonie. Travaux harassants dans les camps forestiers, construction des routes..., ces hommes et ces femmes (elles sont 2000 entre 1886 et 1907) sont décimés. La sous-alimentation, les épidémies et les fièvres tuent également sans compter.

Ainsi, de 1852 à 1866, sur 18 025 transportés en Guyane, 7 035 meurent, poussant le gouvernement à interrompre les envois de condamnés de 1867 à 1888 vers cette destination et privilégiant la Nouvelle-Calédonie.

 
En métropole, on ignore tout des conditions infligées aux bagnards. Une série de reportages d'Albert Londres en 1923 lève le voile sur la réalité des bagnes d'outre-mer. Armée du Salut, Ligue des droits de l’homme, magistrats et élus se mobilisent pour faire pression sur les pouvoirs publics. En juin 1938, le président Albert Lebrun signe la fin des travaux forcés. Malgré tout, un dernier convoi de relégués partira en novembre 1938. Ils ne seront rapatriés en France qu’en 1953 !

Aujourd’hui, Saint-Martin-de-Ré reste liée à cette histoire : sa citadelle et sa caserne servent de prison, la plus importante maison centrale de France depuis 1970 avec 450 détenus, tous condamnés pour de longues peines.