TROPIQUES CRIMINELS S01

Interview de Sonia Rolland

Elle est Mélissa Sainte-Rose. Mère et commandante, elle doit gérer en parallèle les humeurs de ses ados et celles de sa capitaine. Sur cette île qui l’a vue naître mais qu’elle a quittée à 4 ans, Mélissa n’a aucun repère. Et pourtant, c’est là qu’elle va devoir faire ses preuves et reconstruire sa vie. Explications de son interprète, Sonia Rolland.

« C’est une série audacieuse, actuelle et collective, dont le ton m’a beaucoup plu. Tout comme l’idée de former un duo de flics féminin. J’aimais le fait que Mélissa Sainte-Rose soit plus parisienne que martiniquaise, qu’elle arrive avec des idées reçues et qu’elle ait face à elle une Martiniquaise blanche qui connaisse parfaitement les us et coutumes de l’île et qui en joue pour la perturber et lui rendre la vie dure. Une série, enfin, qui se joue des clichés et offre à la Martinique, un rôle à part entière. »  

Une âme de challengeuse
« Avec ce rôle récurrent – ce qui ne m’était pas arrivé volontairement depuis douze ans et mon rôle de Léa Parker sur 50 épisodes –, j’ai retrouvé mes instincts de comédienne de série. Malgré les contraintes, le rythme soutenu, les textes à mettre en bouche et l’éloignement d’avec mes filles, l’expérience fut grisante. Et j’ai adoré interpréter ce personnage. Mère de deux adolescents, Mélissa mène de front sa vie privée et sa carrière. Mais souvent la seconde prend le pas sur la première. Au travail, c’est une commandante perfectionniste, droite, autoritaire, qui a toujours un coup d’avance. Sans pour autant travailler seule. Elle a besoin de la réflexion et de l'expertise de tout le monde pour résoudre les enquêtes.
Ce que j’ai au départ vécu comme une difficulté – à savoir ne pas avoir bénéficié de plus de temps pour le préparer – s’est révélé bénéfique une fois sur le tournage. Mélissa se voit mutée sur l’île de son enfance sans avoir réellement eu le temps de s’y préparer. Dans sa vie privée, elle doit gérer ses enfants qui vivent mal la situation et, au travail, elle a du mal à s’adapter au caractère et à la personnalité de feu de sa capitaine. Au fur et à mesure du tournage, j’ai réalisé combien tout ce que je traversais en tant que comédienne nourrissait mon personnage. »

Une femme blessée
« Quand elle débarque avec ses enfants à la Martinique, Mélissa Sainte-Rose est une femme blessée. Son compagnon, policier, qui n’est pas le père de ses enfants, est mouillé dans une affaire de corruption qui a rejailli sur elle. Pour les besoins de l’enquête, Mélissa se retrouve mutée loin de Paris. » 

Renouer avec ses origines
« Elle revient sur une île qu’elle a quittée, suite au décès de sa mère, à 4 ans. C’est un sujet tabou, douloureux. Après son arrivée, elle ne cherche pas à contacter sa famille ; ce sont ses enfants qui feront la démarche et lui permettront de renouer avec ses origines. » 

Gidé mwen (guide-moi)
« J’ai pris le parti qu’elle aurait du mal à renouer avec le créole. D'ailleurs, les seules fois où elle s’y risque, avec l’aide de son dictionnaire, c’est lorsqu’elle doit rencontrer un homme. Si je parle la langue de ma mère, c’est parce que j’ai toujours eu envie de conserver un lien avec mes racines et cette culture. Alors peut-être qu’involontairement et dans l’inconscient de Mélissa, ne pas parler créole est une manière d’éviter de replonger dans son passé, de faire face à des souvenirs douloureux. »

Un commissaire irrécupérable
« Ce qui est drôle avec le commissaire Etcheverry, c’est qu’il est complètement misogyne. Et pour Mélissa et Gaëlle, c’est irrattrapable. On l’imagine très obséquieux avec les sphères politiques. Il veut du résultat, que tout se passe bien, sans vague. Il gère la capitaine Crivelli depuis des années et il n’en peut plus ! L’arrivée de Sainte-Rose va lui permettre, pense-t-il, de se décharger de l’organisation du commissariat. Et il n’en est rien. Elles lui imposent leur féminité, leurs règles. Finalement, face à ce duo, cela devient plus compliqué de se faire respecter. » 

Aurélien, le bon élève de la Crim
« Si la capitaine Crivelli n’en fait qu’à sa tête, le lieutenant Charlery est un élément plus fiable. Au quotidien, il contribue à l’avancement de l’enquête. Ses origines modestes l’ont contraint à faire preuve de rigueur et de persévérance pour arriver à ce poste. C’est le bon élève de la série, qui s’inspire de la méthodologie de Sainte-Rose pour progresser. Un bon élément mais pas que… On devine chez lui un côté plus sombre et j’espère qu’on aura l’occasion de le découvrir. » 

Tout mener de front
« Dans le quatrième épisode, Mélissa s’isole aux toilettes pour répondre à l’appel de son compagnon (qui est incarcéré), sans savoir que Gaëlle s’y trouve déjà et qu’elle va suivre toute leur engueulade. Mélissa va devoir composer avec elle, lorsqu'elle le découvre. Aurélien, en venant lui transmettre une information, coupe court à la scène et l’oblige à se replonger dans l’enquête. Cette situation résume parfaitement son quotidien, son état d’esprit. Elle doit mener de front toutes les batailles sans se laisser submerger, comme nous toutes. » 

Recentrer l’enquête
« Quand la capitaine Crivelli met de l’affect ou cherche à faire de l’histoire une bataille personnelle, la commandante Sainte-Rose est là pour recentrer le propos et faire avancer l’enquête. Et ce quels que soient ses propres sentiments. Elle est dans une retenue imposée par les besoins de l’enquête, ce qui ne l’empêche pas de se laisser aller à quelques débordements. »

Des talents issus de la diversité
« Je n’ai jamais vu, en tant que comédienne, autant de nouveaux visages issus de la diversité. J’étais heureuse de découvrir tous ces talents et de pouvoir jouer avec eux. Eux-mêmes étaient fiers et heureux de faire partie de l’aventure, de bénéficier de propositions aussi riches, sans être cantonnés à des rôles de méchants. Je ressens de la fierté d’avoir participé à une série qui montre la France telle qu’elle est. Et parce qu’elle est diffusée sur une chaîne du service public, Tropiques criminels va non seulement être regardée à une heure de grande écoute chez nous, mais elle le sera dans le monde entier. » 
 

Propos recueillis par Clotilde Ruel

Sonia Rolland

Béatrice de la Boulaye et Sonia Rolland

Toutes deux font référence à la série Amicalement vôtre lorsqu’il est question de décrire leur duo. Si leur personnage respectif supporte mal le comportement et les méthodes employées par l’autre, l’association des deux, elle, fait des miracles. « Petit à petit s’instaure entre elles un respect mutuel. Elles vont gagner en complicité, se montreront solidaires si nécessaire mais, en raison de leur tempérament, elles ne céderont jamais à l’amitié », précise Béatrice de La Boulaye.  
Sonia et Béatrice ont su exploiter leurs différences de jeu et de rythme pour proposer un duo qui fonctionne à merveille à l’écran. Leur travail collaboratif a nourri et servi leur personnage. « On a travaillé main dans la main, avec bienveillance, en se faisant des lectures, des répétitions. Toujours avec l’idée de servir les scénarios, qui étaient presque écrits pour nous », confie Sonia Rolland.  
Chacune profitant de l’occasion pour louer les qualités de l’autre. Entre elles et à la différence de leur personnage, une amitié réelle est née.
 

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