Temps fort semaine 47
En 2013, lors de son deuxième séjour chez les Saa, l’explorateur Patrice Franceschi invite plusieurs membres de la tribu à venir découvrir la France. Ce documentaire suit, trois ans plus tard, Watas, Melsoul et Bébé tout au long de leur voyage à travers l’Hexagone et dévoile leur perception, pleine de bon sens, de notre société.
Lors d’un tour du monde aux commandes du trois-mâts La Boudeuse, Patrice Franceschi fait halte sur l’île de Pentecôte, dans l’archipel du Vanuatu. On est en 2005. Au cœur de cette terre insulaire recouverte par la jungle vit, depuis des millénaires, le peuple Saa. Une petite communauté de chasseurs-cueilleurs répartie entre quelques villages, dont le plus reculé, Ratap, compte une vingtaine de cases. À la manière de leurs ancêtres, les hommes ne portent qu’un étui pénien, et les femmes une simple jupe en feuilles de bananier. Lors de ce premier séjour, les Saa ont accepté de partager leur quotidien avec l’équipage et eu l’occasion de monter à bord du navire. Des liens forts se sont noués, en particulier avec Watas, l’un des rares hommes à avoir appris à lire et à écrire avec les missionnaires, Melsoul et Bébé Rénié, devenu le père adoptif du navigateur.
Voyage du Vanuatu vers la France
Revenu sur place, huit ans plus tard, avec quelques compagnons, Patrice Franceschi constate que, depuis sa dernière visite, la modernité est entrée dans la vie de la tribu : objets manufacturés et téléphones portables sont désormais incontournables. Mais, chez les Saa, certains rituels restent immuables, et c’est en buvant du kava dans le nakamal, la grande case des hommes, que Patrice s’engage à faire venir quelques-uns de ses amis en France. Car, à Ratap aussi, on s’interroge sur nos us et coutumes. Promesse tenue en 2016. Après les indispensables préparatifs au voyage, la cérémonie des adieux, l’établissement des pièces d’identité, un premier aperçu de la vie urbaine à Port-Vila, la capitale du Vanuatu, et un demi-tour du monde en avion, voilà Watas, Melsoul et Bébé à Paris. Logés sur la Seine à bord de La Boudeuse, ils vont vivre une aventure unique, de la ville à la campagne, de la montagne à la mer. Faisant preuve d’une étonnante capacité d’adaptation, ils observent, questionnent et n’hésitent pas à émettre des critiques sur une société qu’ils jugent trop individualiste et trop portée sur l’argent !
Beatriz Loiseau
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Extraits
Watas : « Ce qui me choque, c’est que les Français ont des belles voitures, mais il y a des gens qui dorment dans la rue… »
(À la Défense) « Je n’avais jamais vu autant de gens au même endroit en même temps et en plus avec des habits aussi étranges ; mais ils travaillent pour que leur pays survive à tout. »
Bébé (Dans le métro) : « Je croyais qu’il n’y avait des gens qu’au-dessus de la terre… Chez nous, personne ne sait que ça existe ; ça me fait bizarre, mais j’ai pas peur. »
(À la campagne) : « Je suis content d’être dans la nature. À Paris, je me sens en prison ; ici, il y a des champs à perte de vue, ça me donne envie de courir partout. »
Melsoul (Sur un tracteur) : « Je n’aime pas ces machines, elles enlèvent le travail des hommes. Chez nous, on travaille en communauté, tout le monde m’aide dans mon champ. Chez les Français, une seule personne peut tout faire avec ses machines, ça ne donne pas de travail aux autres, ce n’est pas juste… De toute façon, des machines aussi grosses dévasteraient notre terre. »
« Nous ne sommes pas prêts pour cette modernité ; elle arrive beaucoup trop vite. En France, il y a de bonnes et de mauvaises choses. Là-bas, la vie est basée sur l’argent ; c’est pourquoi nous devons défendre nos traditions. »
Documentaire
Durée 52 min
Auteur-réalisateur Patrice Franceschi
Production Bo Travail ! et Tantatuga, avec la participation de France Télévisions
Durée 2016