Le personnage de Carlotta que vous interprétez trouve que la célébrité et le show-biz sont de mauvaises choses. Qu’est-ce qui vous a décidé à accepter ce rôle, alors que vous avez dû, dans votre propre vie, rencontrer des femmes comme Carlotta qui vous mettez en garde contre les sirènes du show-biz ?
Queen Latifah : Ce n’était pas pareil pour moi. Les personnes qui ont voulu me mettre en garde ne pensaient pas du tout qu’il puisse y avoir la moindre possibilité que ça marche pour moi. Dans leur esprit, c’était même du domaine de l’impossible ! Quand je disais aux gens que j’allais devenir rappeuse et qu’ils allaient écouter mes chansons à la radio, ils ne pouvaient juste pas y croire, pas une seconde ! Mais quand ça a marché pour moi, ils m’ont suivi et ils ont été fiers de moi. Il faut passer outre les esprits chagrins. Le simple fait de vouloir être sur le devant de la scène est déjà si fou, il doit y avoir une personne sur un million pour oser ça, donc la réaction ne se fait pas attendre : « Acteur, tu plaisantes ? Pourquoi tu ne deviens pas garagiste, docteur ou informaticien, comme tout le monde ? ». Je n’ai rien contre ces métiers-là mais quand tu as l’ambition de faire autre chose et que tu as décidé de faire ta vie dans le domaine artistique, les gens ne te prennent tout simplement pas au sérieux. Ils trouvent que ce n’est juste pas possible, et c’est alors qu’il faut leur prouver le contraire. Voilà, donc pour en revenir à la série, les filles en sont là : elles doivent prouver à tous ceux qui ne croient pas en elles qu’ils se trompent sur leur compte. En particulier Star et Alexandra, car elles sont très claires sur le fait qu’elles parviendront à leurs fins. Je pense que Simone aime sa sœur et le groupe mais pour elle, ce n’est pas la même chose…
Lee Daniels dit que, grâce à lui, vous vous étiez remise à rapper pour la première fois depuis des années, comment s’y est-il pris ?
Queen Latifah : Il exagère, je ne me suis jamais vraiment arrêtée de rapper ! Mais faire ce que fait Queen Latifah est une chose et chanter les chansons de ce personnage, Carlotta, en est une autre. Carlotta est capable de rapper, de chanter de la pop, de la folk… Tout ça, c’est grâce à Lee Daniels qui a effectivement imaginé et créé cette fiction et qui nous embarque tous dans son univers. Mais pour dire la vérité, rapper a été pour moi le plus simple à faire. C’était autrement plus dur pour moi de chanter ce titre de gospel de Rodney Jerkins : ça pour le coup, cela a été un vrai défi.
Lee Daniels a créé Star mais aussi Empire. Comment parvient-il à mêler si étroitement musique et comédie dramatique ?
Benjamin Bratt : Je crois que Lee a parfaitement compris qu’il existe un ADN commun dans le fait d’écrire une histoire et une chanson. Il n’est bien sûr pas le premier à le faire mais il a eu l’intuition de poser son récit dans une communauté et au milieu d’individus qu’on n’a pas l’habitude voir à la télévision. Cela a fait la différence. Mais cela n’aurait pas marché si cela avait été fait autrement et par quelqu’un d’autre. La différence avec Lee, c’est qu’il a une vision, il prend toutes ces idées dont parle Queen Latifah et qui paraissent un peu folles sur le papier. Mais il suffit qu’il les agence, qu’il y mette sa patte pour que ça marche. Il se moque de faire le carton du siècle, ce qui est important pour lui, c’est d’avoir créé les conditions d’un dialogue autour de thématiques qui le concernent parce qu’elles touchent des gens qu’il aime. Et entre temps, il a posé un éclairage sur un monde qui n’a pas souvent la faveur des médias. C’est son côté justicier, sa manière de s’envisager comme un artiste qui montre ce qui se passe réellement aux Etats-Unis.