Les Damnés

C’est incontestablement l’événement de ce 70^e Festival d’Avignon : le metteur en scène le plus inventif du moment (le Néerlandais Ivo van Hove) dirigeant la troupe de la Comédie-Française pour une pièce tirée des Damnés de Luchino Visconti, portrait au vitriol d’une famille d’industriels allemands en pleine montée du nazisme. Cauchemardesque, virtuose, glaçant, le film, sorti en 1970, n’a rien perdu de sa rage ni de sa charge politique. Ça tombe bien, Ivo van Hove ne manque ni d’audace ni de panache. Metteur en scène attentif à l’espace, directeur d’acteurs soucieux de voir se combiner en eux l’intelligence des mots et celle des émotions, le directeur artistique du Toneelgroep d’Amsterdam s’est toujours engagé dans un théâtre plus subversif que politique. Un théâtre loin de toute posture morale qui explore nos propres peurs tout en célébrant nos espoirs les plus chers. Embrassant le monde du théâtre, du cinéma et de l’opéra, sa carrière parcourt depuis deux décennies un vaste répertoire d’œuvres, de Sophocle à Shakespeare, en passant par Molière, Koltès, Cassavetes, Arthur Miller ou encore Walter Tevis, adapté à Broadway avec la collaboration de David Bowie (pour la comédie musicale Lazarus). Sa nouvelle création pour Avignon ne consistera pas tant en une adaptation du film qu’en une réinterprétation du scénario de Luchino Visconti, Nicola Badalucco et Enrico Medioli, avec les armes propres à son théâtre. Alliant musiques « dégénérées » (Stravinsky) ou revendiquées par les nazis (Beethoven, Wagner), images d’archives et captations sur le vif, sa mise en scène, servie par Guillaume Gallienne, Denis Podalydès, Sylvia Bergé, Elsa Lepoivre ou encore Didier Sandre, s’annonce tout en troubles et tensions. Incontestablement l’événement d’Avignon, à vivre depuis la Cour d'honneur du Palais des Papes sur France 2.