Au Royaume-Uni, les services sociaux sont financièrement encouragés à retirer leurs enfants à des parents soupçonnés de maltraitance. Proposés à l’adoption par des agences privées, ces enfants volés ne retrouveront jamais leur famille. Après la diffusion du documentaire, Marina Carrère d'Encausse ouvre le débat sur une loi aux conséquences dramatiques.
Célibataire de 22 ans, Bethany est enceinte de huit mois. Dans le collimateur des services sociaux, qui ont déjà retiré son nouveau-né à sa sœur cadette, la jeune femme redoute de connaître le même sort. Jugée à l’avance incapable d’assumer son rôle de future maman, elle sait ce qu’elle risque : on va lui prendre son bébé. Pour le garder, Bethany s’est donc résolue à le mettre au monde en France. Près de Nantes, Gena et son mari l’attendent. Depuis que l’administration leur a pris leurs trois premiers enfants, Gena est déjà venue en aide à une quarantaine de familles anglaises dans la détresse. Financé notamment par Ian Joseph, un Anglais qui a fait fortune sur la Côte d’Azur, c’est tout un réseau de solidarité qui permet à des parents d’échapper au pire. Nicky et Mark n’ont, eux, pas eu la chance d’être épaulés. Estimant « inhabituelle » la fracture à la cheville de leur petit dernier, un service social a placé d’un coup leurs trois enfants en famille d’accueil. Depuis, ils se battent pour que justice leur soit rendue. De leur côté, Colin et Claire sont dans l’œil du cyclone. Menacé de se voir enlever leur bébé, le couple est dans une situation précaire. Colin n’a pas d’autres ressources que les aides sociales et Claire, sa compagne, est de santé fragile. Lorsque le couperet de l’administration les rattrape, ils sont sommés de suivre des cours de parentalité pendant six mois. Diplôme de « bons parents » en poche, ils obtiennent de passer quelques heures par semaine auprès de leur petite fille et sous la surveillance d'une travailleuse sociale dans un centre de médiation familiale.
Un système infernal
Plus de deux millions d’enfants sont ainsi « fichés » par les services sociaux anglais et leurs parents, pris dans la tourmente d’une machine administrative devenue folle. Instituée en 1989 à l’initiative du très libéral gouvernement Thatcher, qui entendait casser « l’assistanat » des classes laborieuses, le Children Act donne le droit aux services de protection de l’enfance du Royaume-Uni de retirer des enfants à leurs familles sur de simples soupçons de maltraitance, présente ou à venir. Dans chaque comté du royaume, un quota d’enfants à proposer à l’adoption est fixé par avance. Ceux qui le dépassent bénéficient de meilleures subventions, tandis que ceux qui ne l’atteignent pas voient leurs subsides diminuer. Confiés dans un premier temps à des familles d’accueil, ces enfants « volés » sont proposés à l’adoption par des agences spécialisées, privatisées par David Cameron. Pour séduire de potentiels parents, ces dernières se dépensent sans compter, vantant les qualités des enfants à placer dans des catalogues ou des clips publicitaires. Soumis à une obligation de silence, les parents légitimes, généralement démunis, n’ont ensuite aucune possibilité légale de retrouver un jour les enfants qui leur ont été volés.
Christine Guillemeau
Documentaire
Durée 60 min
Auteurs-réalisateurs Pierre Chassagnieux et Stéphanie Thomas
Production Dreamway Productions, avec la participation de France Télévisions
Année 2016
#LMEF