En cas de crise majeure, qui prend les décisions d’État ? Comment s’organisent les forces de sécurité ? Le magazine Cellule de crise, présenté par David Pujadas, révèle ce qui ne se raconte jamais, rencontre ces femmes et hommes de l’ombre qui agissent sur le terrain et auprès des politiques. Après un premier numéro consacré aux attentats de janvier 2015, le magazine Cellule de crise revient sur la guerre au Mali.
Explications de Frédéric Boisset, rédacteur en chef du magazine.
Vous succédez à Jean-Pierre Canet au poste de rédacteur en chef de Cellule de crise. Est-ce que cela va changer le ton du magazine ?
Le concept et le ton restent inchangés. Ce magazine raconte le déroulé chronologique d’une crise et sa gestion par la machine d’État depuis l’intérieur du système. Nos enquêtes portent sur les faits, sur les choix stratégiques mais aussi sur les faiblesses, lacunes et les conséquences de ces derniers. Nous rencontrons des policiers, des militaires et les personnes ayant pris part à l’événement, les décisionnaires comme les hommes et les femmes de terrain. Il s’agit presque d’une autopsie des faits heure par heure, jour par jour. On se place à la fois dans l’action et le décryptage.
Un parti pris qui n’est pas toujours du goût des autorités. D’ailleurs, à la suite du premier numéro sur les attentats de janvier 2015, plus aucun policier, pompier ou gendarme n’a été autorisé à s’exprimer officiellement dans notre prochain film sur les attentats du 13 novembre 2015. Nous menons notre enquête malgré cela et le sujet est déjà très avancé. Mais cette omerta est regrettable.
Que pensez-vous que les spectateurs attendent de Cellule de crise ?
Ils connaissent l’histoire officielle, et je pense qu’ils souhaitent connaître l’envers des événements au travers d’informations qu’ils ignorent et qui leur permettront de les comprendre et de les éclairer différemment. J’espère que cela dissipera également certains fantasmes, comme la théorie du complot et de fausses informations qui peuvent circuler, surtout après le 13 novembre.
Ce deuxième numéro du magazine est consacré à la guerre au Mali, pourquoi ce choix ?
L’opération Serval* est la plus importante opération militaire menée par la France depuis des décennies en termes de déploiement humain . Elle illustre au mieux la machine de guerre en mouvement et l’État en ordre de bataille. D’autant qu’il s’agit d’une guerre prenant place dans un contexte particulier : celui du terrorisme qui menace de déstabiliser toute la région.
Qu’allons-nous découvrir dans ce film ?
Plusieurs choses. Par exemple, dans un premier temps, cette guerre a été menée très secrètement, non pas par l’armée conventionnelle mais par des Forces spéciales. On découvre ainsi que des liaisons avec les indépendantistes touaregs ont été établies à l’insu du régime malien et que, pendant plusieurs jours, la France et le Mali ont négocié contractuellement cette guerre afin que la France ne puisse être tenue pour responsable, ni poursuivie en cas de victimes collatérales. On voit aussi que les politiques sont beaucoup intervenus dans la gestion de cette opération et que l’armée a subi de nombreuses pressions. Un témoin nous révèle sa version des faits à propos d’une opération très délicate. Mais, je ne peux pas vous en dire plus avant diffusion…
D’où proviennent les images ?
Avant tout, il y a nos propres images. Après plusieurs mois d’enquêtes depuis Paris, une équipe de journalistes est restée une vingtaine de jours sur place pour réaliser les interviews et les images de différents lieux où se sont déroulés les faits marquants. Il a fallu prendre de très grande précaution car, même si les djihadistes ont été vaincus, il règne encore une très grande instabilité au Mali. Ensuite, nous disposons des images d’archives, de l’armée, des télés, etc. Et pour des opérations non couvertes par les médias – les combats des forces spéciales ou une prise d’otages – nous évoquons les scènes grâce à des images d’illustration retravaillées en infographie 3D très esthétiques et expliquées par un commentaire.
À quel moment David Pujadas intervient-il ?
Dès le début, nous lui faisons des comptes-rendus très précis et réguliers. Il intervient tel un super consultant tout au long de la préparation du film. Avant la diffusion, nous rédigeons les plateaux ensemble et préparons les interviews qu’il mènera. Son implication est très importante pour nous, surtout au niveau politique car son nom agit tel un sésame face aux portes des ministères.
Qui sont les intervenants, les témoins dans ce numéro sur la guerre au Mali ?
Les grands « patrons » de l’armée, Laurent Fabius**, un des otages, le Premier ministre malien, un commandant malien (aujourd'hui colonel), des indépendantistes touaregs, des hommes de terrain des Forces spéciales qui témoignent anonymement. Tous ceux qui ont combattu le terrorisme craignent aujourd’hui les représailles et n’apparaissent que floutés ou à visage couvert.
Quels sont les prochains sujets de Cellule de crise ?
Le prochain portera sur les attentats du 13 novembre et le suivant sur la catastrophe nucléaire de Fukushima. Pour ce qui est du troisième, il est encore à débattre.
Propos recueillis par Diane Ermel
* L'opération Serval s'est déroulée de janvier 2013 à juillet 2014.
** Laurent Fabius a été ministre des Affaires étrangères jusqu’en février 2016.