Anne Morgan, une américaine sur le front

Fille du magnat de la finance le plus puissant des États-Unis, Anne Morgan ne ressemble déjà pas aux jeunes femmes de son époque lorsque, adolescente, elle répond à son père qui lui demande ce qu’elle souhaite devenir : « Autre chose qu’une riche imbécile. » Et c’est exactement ce qu’elle va s’attacher à faire. À l’aube de ses 30 ans, elle cofonde et gère le Colony Club, le premier cercle exclusivement féminin de New York, et s’engage résolument pour la cause des femmes. Lucide et pragmatique, elle se définit sans complaisance : « Je n’ai jamais eu de talent pour la création, j’aime seulement me frayer un chemin à travers les obstacles. » Dans le club, alors qu’elle soutient la grève des ouvrières du textile pour de meilleures conditions de travail, Anne rencontre Elisabeth Marbury, la première femme imprésario, et son amie Elsie de Wolfe, actrice et décoratrice. Le couple l’emmène en France et l’introduit dans le milieu artistique.

À la villa Trianon, près de Versailles, où elles résident, défile tout le gratin international. La vie y est « facile, agréable et heureuse », selon Elsie. Mais, en août 1914, l’Europe bascule. Après la bataille de la Marne, profondément bouleversée par ce qu’elle découvre sur la ligne du front, Anne repart à New York où elle crée le Comité américain pour les blessés français (American Fund for French Wounded – AFFW), une association de femmes bénévoles qui fournit du matériel médical aux hôpitaux et des colis aux soldats. De retour en France début 1916, avec ses amies, elle transforme la villa Trianon en maison de convalescence ; puis élargit l’action de l’AFFW en fondant, avec le Dr Anne Murray Dike, le Comité américain pour les régions dévastées (CARD), une nouvelle section pour aider les populations civiles.

Après l’entrée des États-Unis dans la guerre, les deux femmes installent leurs quartiers en Picardie dans le village de Blérancourt, à une dizaine de kilomètres du front. Quelque 350 volontaires américaines viendront les épauler par la suite, jusqu’en 1924. Soins médicaux, distribution de nourriture et de produits de première nécessité, éducation des jeunes, création de foyers et de bibliothèques, aide aux travaux agricoles… En sept ans, ces femmes, toutes diplômées et francophones, qui ont payé de leur poche leur voyage et leur séjour, ont participé à la reconstruction de 130 communes et apporté leur soutien à 60 000 personnes. À son départ, le CARD a fait don de ses possessions aux municipalités du département de l’Aisne. Le château de Blérancourt, rebâti par ses soins, est devenu le Musée franco-américain.

Beatriz Loiseau

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Dans La Case du siècle, programmation spéciale « Les Femmes dans l’histoire »

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 de Patrick Jeudy


– Simone, Louise, Olympe et les autres – La Grande Histoire des féministes (2 x 52 min), de Mathilde Damoisel

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