Pièces à conviction fait sa rentrée avec un nouveau visage et de nouvelles investigations stupéfiantes. Virna Sacchi, sa nouvelle présentatrice, nous en dit plus sur ce premier numéro et ses débuts aux commandes du rendez-vous.
Pour vous, que représente la reprise d’une émission comme Pièces à conviction ?
Virna Sacchi : Je le prends comme un honneur car cette émission incarne le genre noble du journalisme. Ce n’est pas une émission d’investigation qui surfe forcément sur les grandes thématiques d’actualité. L’émission se donne le temps d’enquêter sur huit, dix ou douze mois, avec des journalistes qui sont de vrais experts dans leur domaine. En JT, j’adopte le rythme du news et de la réactivité. Dans Pièces à conviction, je me fonds encore plus dans les sujets. Derrière les reportages, il y a un très grand travail de préparation, de lecture, de rencontres et d’échanges, avec les journalistes, les rédacteurs en chef, et tous ceux qui portent l’émission. Il s’agit d’un travail tout à fait nouveau pour moi, car lorsqu’on est présentateur de JT, on travaille au cours de la journée pour un bouclage le jour même. Or, là, il s’agit d’un travail de plus longue haleine.
Comparé à l’exercice du JT, conduire une émission d’investigation est donc une toute autre façon d’aborder l’actualité. Avez-vous une préférence pour l’un de ces deux formats ?
V. S. : N’ayant pas encore véritablement démarré la présentation de Pièces à conviction, il est trop tôt pour le dire. Pour le moment en tout cas, c’est quelque chose qui me réjouit. Je dirais que ce sont deux tableaux qui se complètent et n’entrent pas en concurrence. Le rythme des « news » me fait vibrer depuis longtemps et je l’apprécie énormément. Pouvoir le compléter par un magazine d’information me ravit au plus haut point.
Ressentez-vous de l’appréhension avant ce premier numéro ?
V. S. : Oui, bien sûr, comme à chaque fois qu’on porte un nouveau projet, mais j’ai en même temps beaucoup de hâte. Ce qui va être nouveau, c’est notamment de mener une interview de 15 minutes. Dans les JT ou les soirées électorales que j’anime, je ne fonctionne pas du tout sur ce format-là. L’entretien sera cette fois beaucoup plus fouillé et préparé en équipe.
Au-delà du changement de présentatrice, le programme va-t-il connaître d’autres évolutions ?
V. S. : Pour la rentrée, nous allons suivre une nouvelle charte, avec un travail très poussé en matière de graphisme. Les enquêtes étant très denses, nous allons tenter de les rendre encore plus lisibles en nous appuyant sur des schémas toujours plus élaborés. La réflexion est également menée sur un éventuel changement de studio et donc de décor.
Que nous réserve ce premier numéro de la saison ?
V. S. : Le sujet portera sur les jobs en or de la République. C’est-à-dire les nominations de complaisance au sein de la fonction publique, et notamment les nombreux placards dorés accordés aux hauts fonctionnaires. Nous allons donc voir quels sont ces postes privilégiés, qui en profitent, et combien ils coûtent à l’État. Mais aussi pourquoi le pays entretient de telles situations alors que les finances publiques ne peuvent plus suivre. J’ai appris par exemple qu’il existait un comité de l’environnement polaire ou un comité national du calcul intensif… Ces structures sont composées de cadres qui touchent des émoluments très élevés et qui en dix ans produisent très peu de rapports.
À qui allez-vous donner la parole ?
V. S. : Plusieurs témoins ont accepté de s’exprimer. Claude Guéant a notamment accepté d’expliquer comment certaines nominations de proches sont régulièrement effectuées. Philippe Pascot, l’ancien adjoint de Manuel Valls à la mairie d’Ivry, nous explique comment certains collaborateurs ont pu profiter d’avancements ou bien être nommés « préfets hors cadre » (préfets sans affectation qui reçoivent un traitement pouvant être supérieur à celui des préfets en exercice). Nous aurons aussi une interview de Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO. Celui-ci aborde la question des responsables syndicaux qui harcèlent les ministres pour leur demander de recruter certains de leurs proches comme inspecteur général. Sachant qu’il existe environ 150 inspecteurs généraux par ministère, autant dire que bon nombre de dérives existent.
Nous entendrons aussi le doyen de l’inspection générale de l’Éducation nationale qui nous explique comment notre gouvernement nomme régulièrement des inspecteurs généraux en dépit des avis défavorable émis sur ces désignations. Ce ne sont pas des témoignages obtenus du jour au lendemain. Tout cela résulte d’un travail de longue haleine.
Quel bilan faites-vous de votre été au remplacement des éditions nationales des « 12/13 » et « 19/20 » ?
V. S. : Je pense que j’ai enfin trouvé mon rythme. En retrouvant la rédaction de Lille, mes collègues m’ont même indiqué qu’ils m’avaient sentie plus à l’aise.
Qu’est-ce qui explique ce sentiment ?
V. S. : Disons qu’il m’a fallu un peu de temps pour me familiariser avec un nouvel environnement. Le plateau du « 12/13 » et du « 19/20 » est immense. Lorsque vous êtes toute seule en plateau, il faut réussir à vous l’approprier, et ce n’est pas évident. Maintenant, cela fait un peu plus d’un an et demi que je fais des remplacements, et là, je commence à bien connaître les journalistes et à comprendre de mieux en mieux le fonctionnement de la rédaction. Je m’entends aussi particulièrement bien avec le rédacteur en chef du « 19/20 », Florian Ringuedé, qui a récemment pris ses fonctions. Cette adaptation me permet donc de soumettre de plus en plus mon avis et de faire plus souvent des propositions.
Tout cela explique les excellentes audiences de ces éditions ?
V. S. : Je ne sais pas si le présentateur y est pour beaucoup… Les bonnes audiences tiennent plus je pense à une conjonction d’événements qui dépendent de toute la rédaction.
Propos recueillis par Yannick Sado