Interview de Camille Duvelleroy, Thomas Cirotteau et Éric Pincas, réalisatrice et auteurs de Lady Sapiens, qui révèle un tout autre visage des femmes de la préhistoire. 

 

 

Interview de Thomas Cirotteau et Éric Pincas

« Nous nous étions fixé deux objectifs : confronter les idées reçues aux dernières découvertes scientifiques et mener une enquête rigoureuse sur le rôle, la place et le statut des femmes de la préhistoire du paléolithique supérieur, entre - 40 000 et - 10 000 ans. (…) Le défi était de donner à voir au spectateur une époque disparue tout en faisant surgir l’émotion par des images inédites, pourvu qu’elles soient en accord avec les dernières découvertes scientifiques. »

Comment l’idée de réaliser Lady Sapiens est-elle venue ? Le documentaire, le livre…


Au printemps 2018, après notre premier film Qui a tué Néandertal ?, de nombreuses découvertes ne cessaient de bousculer les origines de l’humanité en proposant une nouvelle histoire de l’Homme. C’est là qu’est venu le déclic. N’était-il pas temps d’emprunter un autre chemin et de mettre en lumière la grande absente du livre de la préhistoire : la femme de l’âge glaciaire.
Cette nouvelle histoire de l’Homme, nous étions déterminés à l’explorer, mais, cette fois, en dévoilant la vie occultée de son inséparable moitié. Nous avons alors rencontré la préhistorienne Sophie A. de Beaune, qui travaillait sur le sujet et qui a accepté d’être notre conseillère scientifique. Grâce à ses travaux, nous avons alors mesuré l’énorme potentiel du sujet qui s’ouvrait à nous et avons décidé d’aller encore plus loin en interrogeant la science en marche pour redonner vie à Lady Sapiens. Alors que nous conduisions notre enquête, nous avons proposé une adaptation du film à Jean-Baptiste Bourrat, des éditions Les Arènes, qui a sans hésitation accepté de nous accompagner dans cette aventure, à laquelle nous avons associé la préhistorienne Jennifer Kerner pour la corédaction du livre. 

 

Que vouliez-vous montrer dans ce documentaire ?


Avec notre productrice, Sophie Parrault (Little Big Story), nous nous étions fixé deux objectifs : confronter les idées reçues aux dernières découvertes scientifiques et mener une enquête rigoureuse sur le rôle, la place et le statut des femmes de la préhistoire du paléolithique supérieur (entre - 40 000 et - 10 000 ans. En parallèle, nous réfléchissions à une mise en forme inédite pour les scènes de reconstitution. Le défi était de donner à voir au spectateur une époque disparue tout en faisant surgir l’émotion par des images inédites, pourvu qu’elles soient en accord avec les dernières découvertes scientifiques. Nous nous sommes alors tournés vers la société de jeu vidéo Ubisoft, qui nous a autorisé à fabriquer des images exclusives à partir de leur jeu de préhistoire Far Cry Primal. Un jeu pour lequel les concepteurs d’Ubisoft ont fait appel à des spécialistes du paléolithique pour restituer les décors et les activités de nos ancêtres.

 

Quelles sont les découvertes qui vous ont le plus marqué ?


Elles sont nombreuses. Quelques exemples : les progrès de la paléogénétique grâce à l’ADN ancien permettent aujourd’hui de brosser un portrait précis de ces femmes de la préhistoire, jusqu’à la couleur de leurs yeux et de leur grain de peau. 
Les découvertes concernant l’artisanat périssable en matières végétales ou animales, longtemps minorées au profit du seul chasseur tailleur de pierre, permettent aujourd’hui de démontrer le rôle essentiel des femmes dans la fabrication d’objets du quotidien indispensables à la survie du groupe (sacs, besaces, filets de pêche, vêtements…).
Il est formidable de pouvoir aussi explorer certaines périodes de la vie de ces femmes comme celles de l’accouchement ou de l’allaitement, grâce notamment à l’étude des dents nous renseignant précisément sur l’âge du sevrage. Les scientifiques sont même capables aujourd’hui de rendre compte du lien qu’elles tissaient avec leurs enfants, dont elles ne portaient pas seules la charge de l’éducation, ce qui leur permettait de participer activement à la chasse, à la cueillette ou à d’autres activités. Notre enquête apporte aussi les preuves que les femmes s’affranchissaient, à l’égal des hommes, de l’obscurité des grottes et qu’elles ont pu peindre les plus belles œuvres pariétales. Elles ont peut-être même été à l’origine des premiers mythes de l’humanité
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