Pour ce numéro de Rendez-vous en terre inconnue, Frédéric Lopez convie Kev Adams à vivre une expérience hors du commun. Il va rencontrer les Suri, l’un des peuples les plus emblématiques de la vallée de l’Omo. En plongeant dans l’univers abrupt des Suri, Kev Adams va vivre une aventure intense, émouvante et drôle. A suivre sur 1ère !
Un film écrit par Frédéric Lopez et Franck Desplanques
Réalisé par Pierre Stine
Une production Adenium TV France
Produit par Frédéric Lopez et Gilles Bérard
Producteur exécutif : Laurent Baujard
Rédacteur en chef : Franck Desplanques
« Vais-je tenir ? » Cette expression de Kev résume à elle seule sa surprise lorsqu’il arrive dans ce campement où des jeunes gardent mille vaches au milieu d’un paysage à l’infini. Son désarroi était très touchant.
Le berger a une relation fusionnelle avec les vaches de son troupeau. S’il est armé, c’est pour se protéger des vols qui permettent souvent d’atteindre plus rapidement les trente têtes de bétail, condition sine qua non pour pouvoir se marier.
Première nuit sur place, un sac de couchage par personne mais une seule peau de bête au sol pour deux ! Kev est en panique et son visage préfigure ce que nous apprendrons au petit matin : il a pleuré durant la nuit, le sentiment que tout est trop dur pour lui, qu’il n’est pas fait pour ça.
Les bergers Suri ne se nourrissent que de lait de vache et de sang qu’ils prélèvent en plantant une flèche dans la carotide de l’animal. À voir leur taille et leur force, on se dit que toutes ces protéines doivent suffire. En tout cas, pour nous, c’était impossible de ne pas préférer un peu de maïs, quelques graines, des amandes et des pistaches !
Les femmes à labret, je ne savais pas qu’il en existait encore. Nous, Occidentaux, voyons cela comme une mutilation mais, en discutant avec elles, il s’avère qu’elles ont le choix de le porter ou non. Nous avons eu le privilège, en tant qu’étrangers, de pouvoir leur parler car, normalement, une fois mariées, avec ou sans plateau, elles ne peuvent plus s’adresser à un autre homme que leur mari.
Ah ! Ces sourires d’Ole Guidangui, Bartoga et Barkalinia… Ils étaient si attentionnés, à vouloir sans cesse nous protéger, s’assurer que nous n’avions ni faim ni soif. Comme Kev, ce sont aussi de vrais blagueurs. Avec beaucoup de tendresse, je les ai observés apprendre à se connaître, à découvrir leurs différences et leurs points communs. Ces échanges étaient très purs.
Cette baignade dans la rivière fut un moment de joie, on s’amusait comme des enfants, même si la nudité des Suri nous a, au départ, un peu gênés. Mais ils sont tellement authentiques qu’ils n’auraient pas compris qu’on aborde le sujet. Quant à Kev, regardez son visage : il n’est déjà plus le même homme qu’en arrivant.
Kev et Barkoto se préparent pour la Donga, un combat initiatique assez violent qui réunit des centaines de garçons. Barkoto nous montre quelques mouvements. Malicieux et très cabot, il est, comme Kev, un véritable showman. Ils se ressemblent finalement beaucoup et s’entendaient formidablement bien.
Barkalinia est un être extrêmement attachant, très intelligent, d’une grande beauté et d’une sagesse incroyable, capable, à 16 ans, d’avoir l’honnêteté de vous répondre : « Je ne sais pas, des fois je me sens fort, des fois plutôt faible. » Quelques heures avant de partir, il a ce geste de tendresse car il sait, comme Kev et moi, que c’est un adieu.
Une jeune femme d’environ 16 ans pilait le maïs toute la journée, elle a demandé à Kev : « Est ce que tu prépares tes repas ? » Il lui a dit : « Non, quelqu’un les prépare pour moi. » Étonnée, elle lui a répondu : « Mais comment sais-tu qu’il n’y met pas de poison ? » Un bon sens qui vient de la terre, elle pose d’emblée le problème de la sécurité alimentaire, de la confiance qu’on a donné aux industriels et on sait après des décennies qu’on a eu tort. J’ai hâte d’être en plateau pour parler de ça avec les téléspectateurs.
Kev Adams a longtemps rêvé de partir en terre inconnue.
Il nous confie ses souvenirs...
Qui est à l’origine de cette aventure ?
Je ne vais pas m’en cacher : cela fait une bonne dizaine d’années que je fais part à Fred de mon envie de réaliser cette émission. C’est une chance de participer à cette aventure humaine unique en son genre. Et puis, je voulais savoir si j’étais capable, quinze jours durant, de partir à l’inconnu et de me couper de ma vie très connectée.
Comment vous êtes-vous préparé ?
Dès que j’ai su que j’allais partir, je me suis laissé porter, sans chercher à me renseigner ou à revoir des émissions. J’ai eu la chance aussi – la vie est parfois bien faite – d’être en très bonne condition physique puisque je tournais juste avant un film qui l’exigeait. Moi qui suis plutôt flemmard, je ne sais pas comment j’aurais pu tenir sinon !
D’une échelle de 1 à 10, comment évaluez-vous ces quatre perceptions ?
• L’appréhension : assez haute, 7 / 8. Même si je savais que je reviendrais heureux, c’est particulier de s’apprêter à vivre deux semaines dans un pays et avec des gens qu’on ne connaît pas. Et j’ajouterais : sans pouvoir prendre des nouvelles de ses proches…
• L’émotion : à 10, évidemment ! Ce fut bouleversant. J’ai pleuré comme un fou en arrivant, en me disant que je ne tiendrais pas. J’avais presque honte face à ces gens magnifiques qui m’accueillaient. Et j’ai pleuré en les quittant. Parce qu’en dépit de nos différences de langage et de culture, nous avons noué des liens très, très forts.
• La découverte : 10 aussi, incroyable. Une vraie claque. Je disais souvent à Fred à quel point c’est précieux de pouvoir aller dans ces endroits protégés, normalement inaccessibles à chacun de nous. La vallée de l’Omo se situe dans une zone très montagneuse où il est très compliqué de se déplacer. Certains matins, j’avais l’impression de me réveiller dans Le Roi lion ! C’était très troublant.
• L’inconfort : à 13 au début ! Mais il a fini par disparaître. C’est assez incroyable de constater comment le corps et l’esprit s’adaptent. Quand on a grandi comme moi à Paris, « cohabiter » 24 heures sur 24 avec du bétail et des mouches, marcher chaque jour des dizaines de kilomètres, ce fut un vrai choc. Mais, toutes ces contraintes, peu à peu, on s’en détache, on se rend compte que l’essentiel est ailleurs. Pour preuve, au moment du départ, j’avais très envie de rester un peu plus. J’avais le sentiment que nous avions encore beaucoup de choses à partager avec les Suri.
Que vous ont appris les Suri ?
Justement que notre état d’esprit n’est pas forcément lié aux commodités qui nous entourent. Avant, je pensais qu’une chambre et un bureau m’étaient indispensables pour travailler « dans de bonnes conditions ». Or, je n’ai jamais été aussi créatif que durant ces deux semaines. J’écrivais tout le temps sur des petits bouts de papier. Tout simplement parce que mon cerveau était stimulé. Ensuite, je suis devenu plus patient. Dans la vie quotidienne des Suri, l’attente est omniprésente : pour trouver de l’eau, de la nourriture, rassembler le troupeau, etc. Mais ils n’en font pas un drame, au contraire, ils en profitent. Tout ceci, pour être tout à fait honnête, je m’en rends compte depuis peu. En rentrant, je n’avais pas suffisamment de recul.
Fred et son équipe vous ont-ils aussi impressionné ?
Beaucoup. Réellement. Personne ne se plaint jamais, tout le monde est heureux de partager cette aventure incroyable. Et forcément ça m’a aidé. Quand je marchais vingt kilomètres dans la journée, avec juste mon sac sur le dos, j’avais devant moi ces sept personnes qui portaient du matériel, filmaient, photographiaient alors qu’elles étaient toutes plus âgées que moi. Et pas un jour, je n’ai entendu une critique ou perçu un moment de découragement. Sans eux, je n’aurais jamais pu tenir et vivre tous ces moments magnifiques pleinement.
B. D.-C. et D. E.