« La Case du siècle » revient sur un aspect méconnu de la Seconde Guerre mondiale : le pillage des domaines viticoles français par l’occupant allemand. Dans « Les Raisins de la guerre », le réalisateur Emmanuel Amara part à la rencontre des témoins directs de cette sombre période de l’histoire.
En 1945, quand les Alliés atteignent le « Nid d’aigle », forteresse des Alpes bavaroises d’Adolf Hitler, ils découvrent dans ses caves un véritable trésor : un demi-million de bouteilles de vins et de champagnes d’exception, en provenance des plus grands vignobles français. Ironie de l’histoire, Hitler n’aimait pas le vin. On doit cette chasse au trésor viticole à Hermann Göring, grand amateur de champagne et obsédé par les crus bordelais.
Les Allemands comprennent rapidement l’enjeu économique et social que revêt le vin dans leur stratégie. Il permet non seulement d’approvisionner les troupes et de garder leur moral au beau fixe, mais également de maintenir une certaine pression économique sur les Français. Avec la dévaluation du franc par rapport au Reichsmark, les producteurs sont obligés de casser leurs prix pour satisfaire les exigences de l’occupant. Symbole français par excellence, le vin devient donc sous l’Occupation une valeur refuge qui aidera les Allemands dans leur effort de guerre.
Une ligne de démarcation vinicole
« Les autorités allemandes arrivent en Champagne de manière préméditée, leur objectif est de faire main basse sur le stock des bouteilles de champagne. Pour elles, c’est un trésor de guerre », explique l’historien Jean-Luc Barbier. Le vin et son commerce en deviennent tellement importants pour les Allemands que la ligne de démarcation elle-même est dessinée de manière à inclure sur la carte de la France occupée les domaines les plus prestigieux.
Le film d’Emmanuel Amara regorge d’anecdotes dans lesquelles la petite histoire rencontre la grande. Comme celle d’André Terrail, propriétaire de La Tour d’Argent, à Paris. Il raconte comment son père a caché ses plus grands vins au nez et à la barbe des occupants : « Il disait toujours qu’il n’avait pas sauvé la France, mais avait sauvé ses vins. » Ou encore l’histoire de May-Éliane de Lencquesaing, viticultrice bordelaise âgée de 8 ans pendant la guerre, qui se rappelle comment ses parents ont sauvé leurs amis juifs en les cachant parmi les grands crus dans des caves murées. Le documentaire offre ainsi une lecture originale des événements qui ont marqué l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Il en ressort que, de l’Occupation à la Libération, en passant par la collaboration et la Résistance, le commerce du vin a joué un rôle bien moins anecdotique qu’on pourrait le penser…
Ludovic Hoarau
Documentaire
Durée 52 min
Auteur-réalisateur Emmanuel Amara
Production Sunset Presse, avec la participation de Planète +
Année 2015
#lacasedusiecle