L’été, c’est aussi l’occasion de partir sur les routes du monde à la rencontre d’hommes et de femmes qui doivent braver au quotidien mille dangers pour assurer leur survie. Cette semaine, plongée dans l’enfer vert de Bornéo.
Dense, magnifique, longtemps impénétrable et impénétrée, la forêt de Bornéo recèle des richesses qui attirent la convoitise des multinationales : diamants, pétrole, fer, charbon, mais aussi essences rares telles que l’ébène et le teck. Des bois qui sont aujourd’hui prélevés à outrance avec pour conséquence un véritable désastre écologique. Pour preuve, en vingt ans, l’île indonésienne a perdu 85 % de son poumon vert, une surface équivalente aux deux tiers de la France.
Ici, où les températures élevées sont fréquentes et où le taux d’humidité frôle les 100 %, l’exploitation forestière se déroule dans des conditions particulièrement difficiles. Les hommes quittent leur famille onze mois par an et cohabitent tant bien que mal dans des cabanons en bois. Une vie spartiate, harassante, qu’ils acceptent pour une seule raison : le salaire. Quelque 450 € mensuels pour les plus anciens, une somme trois fois supérieure à la moyenne nationale. Youssouf explique que « ça lui suffit pour vivre » et qu’en économisant il « fait construire une maison et a déjà pu acheter de la terre et planter des palmiers à huile ». Mais à quel prix ! En attendant de pouvoir retourner sur son île de Sulawesi auprès de sa femme et de son petit garçon, le jeune chauffeur trime plus de dix heures par jour et court d’énormes dangers sur les pistes boueuses et terriblement glissantes de la forêt. Youssouf n’a jamais passé son permis, mais il ne reste pas moins un as du volant.
À Bornéo, sur les exploitations, chauffeurs et bûcherons sont forcés de faire preuve de débrouillardise et de sang-froid. Le ballet des camions transportant jusqu’à dix tonnes de bois ne s’arrête jamais. Et lorsqu’ils s’embourbent ou que les freins sont chauffés à blanc, il faut savoir réagir, parfois même sauter en marche. Les hommes disent qu’il n’y a jamais eu de morts, mais les blessés ne manquent pas. Sur la rivière aussi, on risque les accidents, voire sa peau, en convoyant le bois coupé vers le port. Malgré les dangers encourus, ces ouvriers tiennent au travail qui les fait vivre, sans état d’âme. « Tout ce que je sais, c’est que tant qu’il y aura des arbres on travaillera, même si on nous a appris qu’il ne fallait pas couper la forêt », résume l’un d’eux.
Beatriz Loiseau
Série documentaire
Durée 8 x 52 min
Auteur-réalisateur Alexandre Dereims
Production Tony Comiti Production, avec la participation de France Télévisions
Année 2016