The Australian Dream a remporté le prix du public lors du 17e FIFO en 2020.
Le racisme en Australie. Si on pensait que le monde moderne avait permis de faire évoluer les mentalités, cette réalité est malheureusement encore bien présente. « Il y a toujours une minorité violente qui va élever la voix et c’est notre devoir de parler plus fort que ces minorités-là », explique Nick Batzias, le producteur de The Australian Dream. Ce film fait le portrait d’un homme, une star du football australien, un sport très populaire. Adam Goodes est aborigène mais aussi le footballeur le plus titré du pays. Si son statut et sa notoriété auraient pu lui épargner certaines discriminations, il n’a pas échappé aux attaques racistes. Insulté par son public de « singe », Adam Goodes s’est élevé contre le racisme. Ce qui lui a valu les critiques de ses supporters mais pas seulement. « Le racisme est une question difficile en Australie, les gens ne veulent pas en parler ? », interroge Khadidja Benouataf qui anime cet Inside the doc. « Oui, les gens refusent d’en parler. Mais, il y a quelque chose de brisé dans le rêve australien. Avec ce film, on a justement essayé de parler de la vérité de cette partie du rêve australien brisé. Mais parfois la vérité fait mal », répond le producteur du film qui s’est approché il y a déjà quelques années d’Adam Goodes pour réaliser ce documentaire. Le sportif avait alors besoin de temps car il venait d’arrêter sa carrière de footballeur. Quand ils ont finalement décidé de faire ce film, Adam Goodes avait une exigence : que le réalisateur ne soit pas Australien. Ils sont donc allés chercher le Britannique Daniel Gordon. « La deuxième chose importante pour le film était de mettre en première ligne la voix aborigène. Dans le film, on entend des voix aborigènes qui ne sont ni dans la défensive ni dans l’agressivité, ce sont des voix simplement qui résonnent ».
Faire changer les mentalités
Des voix importantes qui permettent de dévoiler la sombre réalité de ce pays qui fête encore le jour de sa « naissance » il y a deux siècles. L’Autraslian day, le 26 janvier, est pour certains un jour de fête mais pour les Aborigènes c’est le jour de l’invasion. « L’histoire de l’Australie n’a pas 200 mais 60 000 ans ! », explique Nick Batzias qui trouve absurde qu’on puisse encore célébrer aujourd’hui ce sombre jour. « Mais derrière ça, il y a surtout de l’ignorance, de l’entêtement et un manque d’empathie. Aujourd’hui, il existe un mouvement pour changer cette date, ça vient des Aborigènes mais aussi des non Aborigènes. C’est aussi une question d’éducation car beaucoup d’Australiens n’ont pas conscience de la signification de cette date pour les Aborigènes ». « Est-ce que justement ce film peut changer les choses et avoir un impact ?», interroge Khadidja Benouataf. « Oui, clairement. Mais, on ne peut pas changer les choses du jour au lendemain, il faut du temps », explique le producteur qui estime que la première étape de cette évolution passe par l’éducation. « Il faut intégrer plus d’histoires aborigènes dans les écoles car aujourd’hui on n’apprend presque rien. Par exemple, beaucoup de gens pensent que James Cook a découvert l’Australie. Mais ce sont des idioties ». Nick Batzias est convaincu que c’est par le biais du système éducatif qu’il sera possible de faire comprendre aux gens de changer cette date et de modifier dans la constitution australienne cette phrase latine qui dit que l’Australie était une terre latente. « Adam voudrait aussi une plus forte représentation indigène au parlement pour participer aux décisions qui concernent les questions indigènes ».
« Merci monsieur pour ce film »
Si les mentalités peuvent mettre du temps à évoluer, ce film est un premier pas vers le changement. Il en pose les jalons. Ce qui n’a pas échappé au public, qui a défié la pluie pour assister à cette rencontre. « Merci monsieur pour ce film », intervient un festivalier bouleversé par le message du documentaire. « Je n’ai pas connu le racisme en tant qu’enfant mais quand je suis parti en Métropole, j’ai eu un problème de santé, explique ce Polynésie., Et quand je suis arrivé à l’hôpital, un monsieur a dit : Voilà encore des gens qui viennent manger mon pain. Est-ce ça c’est du racisme ? Je l’ai en tout cas perçu comme ça. Alors, encore, merci pour ce film qui est important ! ». The Australian Dream n’a laissé personne de marbre et a même attisé les curiosités. Une festivalière se demande d’ailleurs ce qu’est devenu aujourd’hui Adam Goodes. « Il a créé une fondation pour aider les enfants aborigènes dans le scolaire, raconte Nick Batzias, Il a aussi créé une société pour aider les Aborigènes à monter leur business ». Un personnage devenu donc central dans la lutte contre le racisme. Et grâce au FIFO, il a traversé l’Océan pour porter son message. Un message universel.
Suliane Favennec / FIFO 2020
Réalisation : Daniel Gordon
Scénario : Stan Grant
Production : Sarah Thomson, Nick Batzias, Virginia Whitwell, John Battsek