Le thriller The Bridge revient, avec Diane Kruger en tête d’affiche, pour une deuxième saison composée de 13 épisodes qui vont se dérouler, on s’en souvient bien, sous le soleil harassant d’El Paso et de Juárez.
Le corps d’un membre d’un cartel est retrouvé sur le sol américain. Le détective Sonya Cross (Diane Kruger), obsessionnelle et émotionnellement inadaptée, et son confrère mexicain, le détective Marco Ruiz (Demián Bichir), sont chargés de l’affaire.
Les meurtres brutaux se multiplient, les ennemis aussi, et les voilà embarqués dans une traque mêlant drogue, blanchiment d’argent et flics corrompus.
Que du suspense…
Série policière américaine
13 x 45 min
Création : Meredith Stiehm et Elwood Reid
Avec : Diane Kruger, Demián Bichir, Annabeth Gish, Ted Levine, Thomas M. Wright Mattew Lillard, Emily Rios, Franka Potente, Nathan Phillips, Abraham Benrubi et Lyle Lovett…
Production : FX Productions et Shine America
Année : 2014
Diane Kruger nous parle, entre autres choses, de la saison 2 de The Bridge, du stoïcisme et de la complexité de son personnage, des changements dans la nouvelle saison.
Par Christina Radish...
Au cours d’un entretien qu’elle nous a accordé dans le cadre de la sortie de cette nouvelle saison, Diane Kruger nous a fait part de la difficulté d’incarner un personnage aussi complexe que celui de Sonya Cross, avec toutes les nuances que suppose le syndrome d’Asperger, des différences entre la saison 1 et la saison 2, des grands moments qui jalonnent la vie de son personnage, de la personnalité qu’elle incarne et de l’expérience que représente la participation à une telle série. Découvrez ce qu’elle a à nous dire, mais, attention, elle dévoile certains détails de l’intrigue.
Sonya est un personnage atypique, qui a du mal à exprimer ou même à ressentir des sentiments. C’est d’autant plus difficile d’incarner un tel personnage. Comment parvenez-vous à illustrer ce stoïcisme intérieur tout en ayant un véritable plaisir d’acteur ?
Diane Kruger : J’ai dû relevé un véritable défi, c’est vrai, non seulement moi, mais aussi Elwood [Reid] et l’équipe de scénaristes qui continuent à faire évoluer mon personnage et à le mettre dans des situations dans lesquelles je peux exprimer des émotions. Il ne fait aucun doute que les autistes Asperger ressentent des émotions. Mais ces personnes ont du mal à les exprimer et cela leur prend plus de temps qu’aux autres. Parfois, elles les expriment à des moments inattendus. Dans la saison 2, nous allons en savoir plus sur la vie privée de Sonya et sur sa relation avec les personnages incarnés par Ted Levine et Demián Bichir. Il s’agit d’une saison plus sombre et assez émouvante pour mon personnage. Je suis donc enchantée.
Au fur et à mesure que la série progresse, quelles sont les relations personnelles ou culturelles que vous allez explorer ?
D. K. : Sonya est un personnage très complexe. Le véritable challenge, c’est de nuancer et de dépasser mes limites, pour m’assurer que j’incarne toutes les facettes d’une personne Asperger. Bien entendu, je suis toujours intriguée par mon personnage. J’en apprends énormément sur cet univers. Ce sont souvent des histoires vraies. Nous en débattons, pas uniquement sur le plateau, mais lorsque nous découvrons les scénarios des épisodes suivants. Cela m’intrigue terriblement. C’est un véritable bonheur de jouer dans une série qui aborde des questions sociétales aussi pertinentes.
En quoi le personnage que vous incarnez est-il différent des autres rôles que vous avez eus par le passé ?
D. K. : J’espère que chaque personnage que j’incarne est de plus en plus intéressant. Il est clair qu’avec le temps j’apporte plus, j’apporte mon vécu et mes expériences aux personnages. J’espère donc que ma palette s’élargit. Sonya, c’est un rôle exigeant et ça continue à l’être. C’est donc une saison passionnante et j’ai l’impression que vous allez en apprendre énormément sur elle.
Comment parvenez-vous à illustrer toutes les nuances d’un Asperger sans en faire de trop ?
D. K. : C’est tout l’enjeu de mon travail. J’ai fait beaucoup de recherches à ce sujet avant la saison 1. J’ai rencontré un Asperger et j’ai pu constater son mode de fonctionnement et ses limites. J’ai pu l’interroger sur ce qui lui est insupportable, sur ce qui lui traverse l’esprit, sur les comportements qu’il peut avoir et sur ce qui le met mal à l’aise. Dans la saison 2, je connais mieux mon personnage et j’en sais tellement plus sur le syndrome Asperger que j’ai l’impression que je suis capable de l’intérioriser et de le faire mien. Vous devez savoir que chaque Asperger est différent. Les symptômes diffèrent d’une personne à l’autre. Je suis aujourd’hui à l’aise dans la peau de Sonya pour la pousser dans ses retranchements. Ce n’est plus une enfant. D’après moi, les scénaristes ont fait un excellent travail et parviennent à montrer la façon dont elle évolue, tout en faisant bien comprendre qu’elle reste une autiste Asperger.
En quoi cette saison est-elle différente de la précédente ?
D. K. : Je pense que la série a évolué de façon drastique. Ce n’est plus une série policière classique. Dans la saison 1, nous avons respecté le scénario original scandinave, mais à présent, nous avons développé notre propre ligne éditoriale et nos propres histoires. Meredith Stiehm est repartie vers Homeland, et Elwood Reid, le showrunner, est seul maître à bord. C’est lui qui impose sa vision plus sombre et plus complexe à la série. L’histoire n’est pas linéaire. Nos vies privées influent sur ce qui se passe à l’extérieur. Les intrigues se multiplient, en parallèle, et semblent sans lien les unes avec les autres, et l’implication américaine dans les cartels tient une place importante dans le récit. C’est une série formidable.
Quels sont les grands défis personnels que va devoir relever Sonya cette saison ?
D. K. : Sa relation avec Hank et avec Marco est mise à l’épreuve. Et vous allez découvrir un nouveau personnage, Jack Dobbs, le frère de Jim. Leurs rapports ne sont pas vraiment sains. C’est une période difficile pour elle. Au début de la saison, j’ai de bons moments, mais très vite, les choses se corsent pour Sonya. Elle entretient une sorte de relation père-fille avec le personnage incarné par Ted Levine, mais leurs rapports se tendent et l’obligent à devenir une femme plus indépendante et plus forte. Elle réalise peu à peu que les choses ne sont pas toujours blanches ou noires. Parfois, il faut faire des concessions, ce qui jusqu’à présent était totalement inconcevable pour Sonya.
Quels sont les ressorts de la relation qui existe entre Jack Dobbs (Nathan Phillips) et Sonya et comment va-t-elle évoluer ?
D. K. : C’est une relation plutôt tendue. Jack est le frère de l’homme qui a tué, qui a massacré sa sœur. Le téléspectateur découvre que Sonya n’a jamais eu de famille. La seule famille qu’elle avait, c’était sa sœur, et elle ne s’est jamais remise de sa perte. Depuis 15 ans, elle essaie d’obtenir des réponses de la part de Jim Dobbs, ce qui explique qu’elle continue à le voir. De manière assez ironique, la relation qu’elle entretient avec lui, avec les images du meurtre de sa sœur, est le seul lien qui la relie à sa famille. Alors, lorsqu’il est sur le point de mourir, le fait de rencontrer son frère la fascine puisqu’ils partagent tous les deux une histoire commune. C’est une manière un peu tordue de voir les choses. Et puis, son approche de la sexualité et de l’intimité entre en ligne de compte. La relation qu’ils entretiennent la rend vraiment heureuse, enfin, elle pense être heureuse. Vous allez découvrir cette relation peu à peu. Et la façon dont elle évolue est assez triste.
Et qu’en est-il de la relation entre Sonya et Marco dans cette saison ?
D. K. : Sans en dire trop, disons qu’elle est mise à l’épreuve. Sonya a des raisons de croire que Marco est corrompu et elle s’en méfie un peu. Elle doit décider s’il a franchi la ligne jaune et si sa part d’ombre est trop importante, d’autant qu’elle découvre à quel point il est en cheville avec les criminels.
Et le rapport entre Sonya et Eleanor Nacht (Franka Potente) ?
D. K. : Bon, ce n’est pas la seule méchante de l’histoire, même si elle remporte la palme de la méchante dans cette série. D’autres personnages vont apparaître et jouer un rôle important. Lorsque Sonya rencontre enfin Eleanor, je pense que la différence et la singularité d’Eleanor fascinent Sonya. Elle essaie de comprendre son mécanisme psychologique. Les deux femmes vont alors entamer un pas de deux.
Quelle est la part d’ombre que vous vous êtes autorisée à explorer pour tourner certaines des scènes les plus intenses ?
D. K. : Ce qui caractérise mon personnage, c’est sa fascination pour les morts. Je crois qu’elle s’entend mieux avec les morts qu’avec les vivants. Cet aspect ne m’a pas tellement posé de problème. En effet, Sonya est tellement inhibée sur le plan émotionnel. Lorsqu’elle exprime une émotion, c’est vraiment poignant de voir ce personnage si décalé, que rien ne choque ou n’émeut, ressentir sa propre solitude. Là, ce sont des scènes difficiles à tourner. Ce sont des moments bizarres, même pour l’équipe de tournage. Ils sont souvent surpris, car ils ne réagissent pas comme une personne Asperger.
Que pensez-vous de votre passage par la télévision, de votre travail pour une série télévisée ?
D. K. : Je ne connaissais pas grand-chose à la télévision. J’avoue que, dans un premier temps, le projet était un peu effrayant et j’avais peur du temps qu’il fallait y consacrer. Mais, à présent, je trouve que, pour une actrice, disposer de 13 heures pour développer un personnage, c’est une chance. C’est un vrai luxe si on le compare au cinéma. Et vous avez finalement plus de temps pour raconter une histoire et incarner un personnage. Je doute qu’on m’aurait proposé un tel rôle au cinéma, car ce n’est pas évident de donner le rôle principal à un Asperger dans un long-métrage. Ce sont souvent des faire-valoir qui provoquent des sourires ou de la gêne.
La télévision est un excellent outil de promotion des femmes. Comme vous le savez sans doute, les plus beaux rôles féminins sont proposés par les programmes télévisés. Nous vivons une période faste et j’en profite. Les progrès sont importants mais parfois il y a des moments où l’on régresse. Il faut rester vigilantes et ne rien laisser passer. Lors de la première saison, le changement constant de metteur en scène a été difficile. Dans la saison 2, les choses étaient plus faciles car la plupart des metteurs en scène avaient déjà travaillé pour la série. J’ai davantage profité de chacun. Je me suis beaucoup amusée. J’apprécie les acteurs avec qui je travaille. J’ai l’impression que je peux compter sur eux, plus que dans le cadre d’un long-métrage au cinéma. On est tous dans la même galère, qui n’en est pas une, mais on essaie tous de garder le même cap.