Une nouvelle saison de Dix pour cent, ça se fête ! Harold Valentin, producteur de la série, revient sur ses origines, son succès et la nouvelle saison. Il précise que le "nous" qu'il emploie au long de cette interview inclut son associé Aurélien Larger et rappelle que la série Dix pour cent est le fruit d'un travail d'équipe. Entretien.
La quatrième saison de Dix pour cent, comme les précédentes, est très attendue, que pouvez-vous nous en dire ?
Elle démarre avec la séparation de la famille d’origine, puisque Mathias et Noémie quittent l’agence pour devenir producteurs. Cette scission fragilise les autres membres d’ASK et interroge chacun d’eux sur leurs envies et leurs destins individuels et collectifs. Cette remise en question résonne comme un écho à ce que nous vivons aujourd’hui avec le confinement et le virus. Beaucoup d’entre nous ont pu se poser ce genre de questions.
« Le mensonge réside à la base de la fiction. Il est intrinsèque à nos métiers. Cette idée plaisait beaucoup à Cédric Klapisch, qui a réalisé la première saison. »
La saison commence avec un gros mensonge d’Andréa à Charlotte Gainsbourg... Pourquoi est-ce un métier où il faut savoir mentir ?
Dans la deuxième saison, Sofia disait à Gabriel : « C’est une parole d’agent que tu me donnes » ! Dans ce métier, comme dans tous ceux liés à la création de fiction, il faut savoir susciter le désir, faire rêver pour réussir à agréger des talents qui participeront au développement du projet. Le mensonge réside à la base de la fiction. Il est intrinsèque à nos métiers. Cette idée plaisait beaucoup à Cédric Klapisch, qui a réalisé la première saison. Après il y a une immense variété de mensonges, le mensonge par délicatesse, le mensonge par manipulation, par gêne etc., et ceux de la série, en tout cas de nos agents, finissent toujours par trouver une couleur de comédie.
Comment les scénaristes réussissent-ils à inventer d’aussi savoureuses péripéties pour les acteurs invités de la série ?
C’est la quadrature du cercle ! Les intrigues doivent être à la fois plausibles, drôles et dramatiques, et se résoudre en quatorze séquences au maximum ! Heureusement, nos stars ont désormais bien compris la règle du jeu et se prêtent à une caricature de plus en plus proche de leurs personnalités. Une manière pour eux de jouer avec leur public et de créer une complicité. Comme Franck Dubosc, dans le deuxième épisode de cette nouvelle saison, qui se fait railler en mode « Patrick Chirac », et Sandrine Kiberlain, qui joue avec son image d’actrice toujours en quête de nouvelles lubies. Dans les saisons précédentes, il y avait eu Monica Bellucci et Isabelle Huppert qui rejouaient une anecdote personnelle.
« Cette saison représente la fin d’un cycle. Comme les personnages, nous allons également nous remettre en question (...) et aviser si une suite est possible »
Est-ce la dernière saison ?
C'est en tout cas une vraie pause ; cette saison représente la fin d’un cycle. Comme les personnages, nous allons également nous remettre en question avec mes associés, Aurélien Larger et Simon Trouilloud, et mes coproducteurs à l'initiative de la série, Dominique Besnehard et Michel Feller, et aviser si une suite est possible.
Revenons sur la genèse de la série : quand Dominique Besnehard a appris que Canal+ refusait Dix pour cent...
Il pensait que le projet était mort ! Mais je connaissais bien le public de France 2 et son regard aiguisé pour avoir été conseiller de programme fiction de la chaîne, et je le savais tout à fait à même d’apprécier ce genre de série à la fois drôle et dramatique. Nous avons alors relancé l’aventure avec Fanny Herrero à la tête d’une nouvelle équipe créative. Le concept reposait sur la collision entre cette vie professionnelle particulière et très prenante et la vie personnelle de nos agents. La comédie de bureau parle à bon nombre de personnes avec les collègues sympas, ceux plus arrogants, les assistants, etc. Mais, à l’époque, certains pensaient que le microcosme parisien n’intéresserait pas le grand public. Or, moi, je peux me passionner pour un village de pêcheurs en Cornouaille dès lors que transparaît une humanité universelle. Donc je ne voyais pas pourquoi l’inverse ne pourrait pas se vérifier !
« Pour moi, ce mélange de drame et de comédie est le genre qui résonne le mieux avec la vraie vie. »
Et vous ne vous êtes pas trompé ! Vous attendiez-vous à un tel succès ?
Un peu, parce que, quand on est producteur, on croit en son projet. Mais je n’imaginais pas un tel retentissement à l’international ! Sur Netflix, c’est la série française qui marche le mieux, et les audiences doublent à chaque saison. Selon The New-Yorker, ce qui séduit les Américains dans Dix pour cent est l'absence de cynisme – contrairement aux séries sur le même thème Entourages et Extras. Et la dérision, un humour assez anglais, finalement, que nous, Français, avons réussi à nous approprier. Des homologues britanniques me confiaient à ce propos : « Avant, nous excellions dans la comédie dramatique, mais nos chaînes de télé ont séparé les deux genres, et plus personne ne sait réaliser de ‘dramédies’ ». J’ajouterais : si, les Français ! Pour moi, ce mélange de drame et de comédie est le genre qui résonne le mieux avec la vraie vie.
Existe-t-il des « remakes » de la série ?
Oui, déjà deux : au Québec, avec Les Invisibles, et en Turquie où l’adaptation rencontre une très bonne audience. On verra bientôt aussi une version se passant à Londres, et de nombreux autres pays ont acquis les droits comme la Chine, le Viêtnam, le Brésil et l’Inde... J’ai hâte de voir Dix pour cent à Bollywood, mais là-bas comme en Chine, l’agent est souvent un membre de la famille.
Pour finir, qui auriez-vous choisi comme agent si vous étiez comédien ?
[Rires.] Heureusement que je ne suis pas comédien ! Mais, s’il fallait choisir... Entre Andréa et Gabriel, mon cœur balance !
Propos recueillis par Diane Ermel