Depuis le château de Versailles, Sophie Jovillard s’intéresse, dans ce nouvel opus, aux trésors du patrimoine français dédiés à l’art de la table. Les maisons les plus prestigieuses dévoilent leurs secrets de fabrication des vaisselles les plus raffinées.
Le restaurant du chef Alain Ducasse, situé au premier étage du pavillon Dufour, à Versailles, propose une expérience unique. On y sert un dîner royal, avec des menus historiques, selon un cérémonial propre à l’époque, et dans une vaisselle à l’identique. Assiettes, couverts et verres proviennent de quelques-unes des maisons d’exception qui, en France, perpétuent la tradition de siècles de savoir-faire. Ce documentaire offre ainsi une immersion dans les coulisses de la maison Bernardaud, spécialiste de la porcelaine, de la manufacture de Sèvres, des ateliers d’orfèvrerie de la maison Christofle et de celle d’Ercuis, ainsi que des cristalleries Saint-Louis dans les Ardennes. Comme le souligne Michel Bernardaud, qui réédite le service du Gobelet du Roy pour Alain Ducasse, « l’intervention de l’homme est présente à toutes les étapes de la production ». Parfois, soixante personnes sont nécessaires pour réaliser une pièce. À la manufacture de Sèvres, on conserve les originaux, comme les huit cents pièces du service de Catherine de Russie ou les assiettes du service des arts industriels créés par Alexandre Brongniart. « C’est presque journalistique, c’est ça qui est très original, explique Christine Germain, directrice du musée de la Céramique. On y met en œuvre la représentation des métiers, mais aussi leur manière de faire et leur évolution. »
Du travail d’exception
Les couverts dépareillés de chez Ducasse proviennent des maisons Christofle, pour les fourchettes, et Ercuis, pour les couteaux. Leur fabrication exige l’intervention de centaines de mains : qu’il s’agisse de la réinterprétation chez Christofle de la fourchette Renaissance, créée pour l’Exposition universelle de 1889, entièrement réalisée en argent massif, ou des vingt-cinq opérations nécessaires à la réalisation des deux pièces d’un couteau, comme le modèle Du Barry, spécialité de la maison Ercuis. L’historienne Jacqueline Queneau rappelle que l’usage conjoint de la fourchette et du couteau ne remonte qu’au XVIIIe siècle. À la même époque, on découvre des breuvages exotiques, comme en témoigne le nécessaire en porcelaine à thé, chocolat et café de Marie Leszczynska, l’épouse de Louis XV, aujourd’hui conservé au Louvre. On peut y voir aussi « le Cabaret égyptien » de l’empereur Napoléon, qui rassemble trente-six pièces en porcelaine au décor inspiré de l’Antiquité.
Il faudra attendre le XIXe siècle pour que le verre trouve sa place réservée sur la table. Dans les cristalleries Saint-Louis, la plus ancienne manufacture en Europe, les techniques comme les outils des verriers n’ont pas changé depuis quatre siècles. « Il y a parfois vingt-sept étapes de fabrication », rappelle Céline Sanchez, directrice de la marque. Mais la pièce la plus onéreuse et spectaculaire d’un repas demeure le centre de table, dont le musée des Arts décoratifs conserve quelques illustres exemples. Raffinement et exception caractérisent l’ensemble de cette vaisselle de luxe que l’on doit à un « savoir-faire, insiste Romane Sarfati, directrice de la Cité de la céramique à Sèvres, une exigence, une excellence uniques au monde ».
Anne-Laure Fournier
Documentaire
Durée 90 min
Présentation Sophie Jovillard
Auteur-réalisateur Simon Thisse
Production Martange Production, avec la participation de France Télévisions
Année 2017
#tresorsF5