Les affaires de harcèlement sexuel au travail se multiplient. Elles occasionnent, en outre, pour celles qui décident de porter l’affaire devant les tribunaux, un parcours judiciaire long et douloureux. Après la diffusion du documentaire d’Olivier Pighetti, Marina Carrère d’Encausse prolonge le débat avec des experts.
Après plusieurs mois de collaboration sans nuages, Cristina entre en conflit avec l’un de ses collègues lorsque celui-ci, devenu son supérieur hiérarchique, commence à lui tenir des propos à caractère sexuel. Pendant des années, Cristina s’accroche à son poste, mais la situation devient intenable. Son supérieur est finalement licencié et… Cristina aussi. La jeune femme obtient gain de cause aux prud’hommes et reçoit des dommages et intérêts de la part de l’entreprise, mais, au pénal, le procureur classe l’affaire. Amies d’enfance, Laurie et Gwenaëlle travaillent quant à elles pour la même société à Amiens. Le gérant dirige ses salariés d’une main de fer. Et multiplie les propositions déplacées et autres propos offensants et sexuellement explicites à l’encontre d’un personnel presque exclusivement féminin… Laurie et Gwenaëlle craquent au bout de neuf mois. Là encore, le harceleur est condamné à payer des dommages et intérêts mais, en dépit d’une série de témoignages accablants, aucune condamnation pénale n’est prononcée. Mère de deux enfants, Catherine travaillait pour sa part comme secrétaire à la mairie de La Barre-en-Ouche, en Normandie. Dès les premiers jours, le maire s’acharne sur elle : remarques sexistes, outrages, vexations, attouchements... Catherine, tétanisée par la peur, subit la situation pendant onze ans avant d’être capable de briser le silence et de porter l’affaire en justice. Placé en garde à vue, le maire reconnaît la plupart des faits mais affirme que Catherine était consentante…
Des faits difficiles à prouver, difficiles à punir
Des procureurs qui rechignent à poursuivre les harceleurs, un chemin de croix judiciaire, entre audiences de conciliation, renvois à répétition et mise en doute de la parole des victimes… Il faut singulièrement s’armer de patience — et de courage — pour dénoncer un délit de harcèlement sexuel devant la justice française. D’autant que rien n’encourage les victimes à se saisir de leurs droits. Si 20 % des femmes auraient été victimes au moins une fois lors de leur carrière de harcèlement sexuel au travail (Ifop, 2012), les dossiers sont classés sans suite dans 95 % des cas, pour « infraction insuffisamment caractérisée ». Les outrages verbaux comme le défaut de consentement sont difficiles à prouver, et les expertises contradictoires renvoient, dans l’écrasante majorité des cas, les parties dos à dos. L’impact est pourtant souvent terrible sur la vie des victimes : les psychiatres estiment que le harcèlement sexuel est susceptible de provoquer des traumatismes profonds et durables. La détresse se lit sur les visages marqués de Cristina, Laurie, Gwenaëlle et Catherine. Les quatre femmes ont perdu leur emploi et ont sombré dans la dépression. Certaines d’entre elles se sont séparées de leur conjoint, ont vendu leur maison pour changer de vie, et, à l’issue de procédures interminables, leurs fortunes sont diverses… Preuve que si quelques affaires médiatisées mettent le sujet sous les feux des projecteurs (par exemple, la plainte déposée en juin 2016 contre le député EELV Denis Baupin), la réalité vécue par des milliers d’anonymes est loin de bénéficier de la même considération de la part de la justice.
Jean-François Parouty
Documentaire
Durée 70 min
Réalisation Olivier Pighetti
Production Piments Pourpres, avec la participation de France Télévisions
Année 2016
#LMEF