Johnny

Johnny est toujours là. Avec plus de 1 000 chansons, 39 disques d’or et plus d’une centaine de tubes au compteur, notre Johnny national (à demi belge) est une exception culturelle à lui tout seul. Cet ancien yéyé est une bête de scène. Un phénomène à voir une fois dans sa vie. Absolument. Celui qui toucha son premier cachet à 13 ans, qui monta sur scène à 17 aurait pu s’exténuer. Mais non, Johnny est une icône. Une énergie débordante. Un artiste. Un vrai. A la vie, à la mort ! (43^e album, 2002).

Johnny, on l’aime ou on le déteste. Sexy ou ringard, en tout cas, Johnny, c’est Johnny. Et, d’ailleurs, aujourd’hui, sa palette musicale s’est considérablement élargie. De « Souvenirs, souvenirs » ou « Itsy bitsy petit bikini » (1960) à « Retiens la nuit » (1961) ou au retentissant « Te manquer » (2014), il y a de la marge… Un grand écart entre rock, blues, rhythm’n blues et ballade… Et c’est justement ça, Johnny. C’est du blues-rock moderne à l’américaine, avec du beau son et « De l’amour, de l’amour, de l’amour » (De l’amour, 2015).

Le « chanteur abandonné » a fait du chemin. Jean-Philippe Smet est un enfant de la balle, élevé par sa tante dans le Paris des années 1950. Celui qui a lancé le twist en France, et qui, à partir de 1958, fréquentait le Golf Drouot pour y retrouver ses copains Dany Logan, Jacques Dutronc et Eddy Mitchell et y écouter du rock, a « tout donné ».

Seul, oui, je fais face
Je suis à ma place
Rien d’anormal, le bien le mal
Je le dépense, tout en lésant
Je prends, je jette
Rien ne m’arrête

(« J’ai tout donné », 1992)

Depuis une cinquantaine d’années, les modes passent, mais Johnny « reste vivant ». Reste bien planté sur ses jambes légèrement écartées. Ben oui, Johnny c’est un mec, quoi !!! On se l’arrache. On veut goûter sa sueur…

Le voilà apprécié de tous. Des prolos aux bobos. On se réclame de celui qui résiste aux modes, au temps qui passe. Après la sortie, en 1999, de l’album Sang pour sang, ce fut l’adoubement des intellos. Sagan lui a écrit une chanson. Le Monde lui a consacré sa une. Au cinéma, on le courtise, de Zidi (L’Animal, 1977) à Patrice Leconte (L’Homme du train, 2002) en passant par Godard (Détective, 1984). Les hommes politiques l’apprécient, de son ami Jacques Chirac à François Hollande… Il est le charme incarné. Car on a tous en nous quelque chose de Johnny. Ses textes sont devenus plus profonds, parfois engagés (« Valise ou cercueil » évoque les migrants, « Dans la peau de Mike Brown » renvoie aux violences policières aux Etats-Unis, « Un dimanche de janvier » à l’attentat contre Charlie Hebdo).

Johnny est notre cow-boy national, fou de vitesse, de l’adrénaline à revendre. Sincère avec lui-même. Un artiste de scène qui aime son public. Depuis la nuit des temps, ses techniciens le surnomment «l’Homme». Avec une majuscule. Alors ce n’est pas rien. Il est un culte vivant. Rock star jusqu’à l’outrance. Par delà ses histoires d’amour (Sylvie Vartan, Nathalie Baye, Læticia), ses copains, ses chagrins, ses syncopes, ses blessures, Hallyday est une icône de chair et de sang. « Quand le masque tombe », il reste un instinctif, un terrien, un animal qui allume toujours le feu sur scène.

« On m’a souvent laissé pour mort / […] Les coups au cœur les coups au corps / Ce qui ne tue pas nous rend plus fort » (« Ce qui ne tue pas nous rend plus fort », Ma vérité, 2005)… Johnny, c’est ça. De l’amour, de l’amour, de l’amour…

Françoise Jallot