Deux ans après avoir signé l’univers visuel de Carmina Burana, de Carl Orff, le dessinateur et scénariste de bande dessinée Philippe Druillet revient aux Chorégies d’Orange pour unir ses dessins au Requiem de Giuseppe Verdi. La soirée promet d’être à la hauteur de l’événement : phénoménal ! Explications.
Il se souvient de ces deux premiers 33-tours achetés aux puces, sans rien connaître de l’opéra. C’était dans les années 1960, à une époque où il ne roulait pas sur l’or. Carmina Burana, de Carl Orff, et La Messa da Requiem, de Guiseppe Verdi, venaient d’entrer dans sa vie pour ne plus jamais le quitter. Ces œuvres, qu’il connaît quasi par cœur, ont dès le départ alimenté et accompagné son travail. « Yragaël ou la Fin des Temps a été fait à 90 % avec Le Requiem, et les deux grandes portes qui s’ouvraient lors de la représentation de Carmina Burana aux Chorégies d’Orange, je les ai dessinées dans Urm le fou, grâce à Carmina Burana. » Certes, comme il aime à le rappeler, il n’est pas l’homme d’un seul univers musical : « J’ai grandi avec l’opéra, le rock et Léo Ferré. Mais, ce qui est extraordinaire, c’est que la plupart de mes albums ont été construits à base d’opéra et, cinquante plus tard, l’opéra revient vers moi. » Là où d’autres parleraient d’heureux hasards, lui perçoit quelque chose de magique.
Pour l’occasion, il a enfilé ses bottes en cuir de 7 lieues et parle d’un bonheur extraordinaire à travailler sur ces décors. Pour lesquels, il tient à le préciser, il n’est pas seul. Les Chorégies d’Orange, Morgane, Cosmo AV et France 3 l’accompagnent. C’est d’ailleurs Sylvain Plantard, de Morgane, qui est venu la première fois lui proposer l’idée de ce pont artistique entre son univers et celui de Carmina Burana. Un lien « musique-dessin, musique-peinture » qui lui est familier et pour lequel il se bat depuis des années, car pour lui, c’est comme un même art. Et de citer en exemple 2001, l’Odyssée de l’espace, de Stanley Kubrick, auquel il a prévu de rendre hommage.
À ce travail collaboratif est venu s’ajouter un autre artiste, Dimitri Avramoglou. L’an dernier, il avait annoncé confier à Dimitri le soin de reprendre les aventures de son personnage fétiche, Lone Sloane. Si, pour Verdi, Druillet a fait appel à lui, c’est en raison de son bras cassé. Druillet et lui ont donc travaillé de concert. « Vous allez voir un film graphique, avec des images de folie qui sont ma signature, accompagner une musique qui correspond totalement à ce travail. » Pour y parvenir, il explique s’être servi de ses albums comme d’une partition afin de coller au mieux à l’évolution du Requiem. D’ailleurs, les bandes dessinées dont il signe les scenarii sont pensées comme des partitions. « Cette messe funèbre est d’une beauté à tomber par terre, avec des moments de douceur, d’ampleur, de dignité et de délicatesse. C’est aussi un morceau d’une fascination absolue. On est dans la métaphysique, l’interrogation sur Dieu, le questionnement sur la vie, la mort. Nous avons donc choisi de mettre certaines images en retrait, pour laisser monter la voix, le monologue et non surcharger l’ensemble. »
La réalisation du mapping a une nouvelle fois été confiée à Cosmo AV. « Ce sont des gens de talent. L’idée est qu’ils s’amusent, qu’ils se servent de ce que je leur donne, que ce soit un dessin extrait d’une page ou d’une double page de la BD, comme d’une base pour faire autre chose, s’ils le souhaitent. J’aime qu’ils me surprennent avec mes propres images, et c’est le cas. Cela fonctionne à merveille. C’est ça qui est fantastique, c’est un vrai travail d’équipe. » Imaginer ses dessins prendre vie à l’intérieur du théâtre antique le réjouit tout autant. « Il y a ici quelque chose de sacré, d’ancestral et de magique. C’est un endroit empreint de mystère à la qualité exceptionnelle. » De là à l’imaginer revenir… « Terminons le Verdi, et après on verra ce que le dessin… — c’est un très beau lapsus —, ce que le destin nous propose. »
Clotilde Ruel
La Messa da Requiem de Giuseppe Verdi est l’une des trois grandes messes de ce genre composées au XIXe siècle. Déjà, en 1868, lors de la disparition de Rossini, l’idée lui était venue d’écrire, en compagnie de douze autres compositeurs italiens, un requiem en hommage au maître de l’opéra italien. Il se chargea lui-même de composer le Libera me. Verdi témoigne dans cette œuvre de toute sa maîtrise de l’écriture vocale, tant des quatre solistes qu’il « met en scène » que du chœur qui les sertit, tout comme l’orchestre, admirablement servi par une écriture d’une grande noblesse. Au total, une ample méditation sur la vie et la mort, même si l’inspiration est plus déiste et idéaliste que profondément religieuse.
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Interprété par l’Orchestre national du Capitole de Toulouse et le Chœur de l’Orfeón Donostiarra
Solistes : Krassimira Stoyanova, soprano, Ekaterina Gubanova, mezzo-soprano, Joseph Calleja, ténor, et Vitalij Kowaljow, basse
Dirigé par Tugan Sokhiev
Mis en images par Philippe Druillet
Avec la participation de Dimitri Avramoglou
Création du mapping : Cosmo AV
Réalisé par François Goetghebeur
Produit par Morgane
Diffusé en simultané sur Culturebox et en replay durant plusieurs mois
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Le Requiem sera précédé à 20.55 par la diffusion des Meilleur moments de « Musiques en fête ». Ce programme, qui présente le meilleur des trois dernières éditions, a été réalisé par Franck Broqua et produit par Morgane.