Meurtres sur le lac Léman

« Écoutez… Écoutez ! Et vous entendrez. Si vous voulez croire, vous croirez ! Où que vous soyez, élargissez vos coquillages, nettoyez bien vos grandes feuilles ! Depuis la nuit des temps, venant de toutes les Alpes, la famille des elfes, sirènes, ondines, sorcières, fées, farfadets et autres lutins échoue sur la plage d’Évian. Car, d’intempéries en avalanches, de ruisseaux en torrents, de torrents en rivières, de rivières en fleuves, fleuves d’ici, Rhône par là, menés sur leurs destriers en bois flotté par les caprices de dame nature, ils arrivent sur les bords du Léman, lac magique où ils trouvent le repos. Ces elfes, gnomes et autres lutins lacustres sont nommés “flottins” et “flottines”. »

La légende des flottins

Il est des jours où il aurait mieux valu ne pas se lever le matin, et c’est le cas du capitaine de gendarmerie Louis Jolly quand il est dépêché pour une affaire de meurtre sur le lac Léman. Affaire dont il aurait préféré ne pas s’occuper, ayant d’autres chats à fouetter... Pas de chance pour lui, le corps a été repêché dans les eaux territoriales françaises, mais l’identité de la victime reste une inconnue. Une consœur suisse, Sandrine Zermatten, est envoyée à Évian pour s’occuper aussi de l’affaire. Elle s’empresse d’ailleurs de l’accepter quand elle apprend que le capitaine Jolly est diligenté pour mener l’enquête…

Mais l’affaire va rapidement les dépasser, car le mode opératoire de l’assassin interpelle la brigade de gendarmerie. En effet, les « flottins » sont réputés, selon la légende, pour porter secours aux personnes en difficulté sur le lac, et non pour les faire disparaître. Pourtant, selon Duvivier, fabricant de flottins pour le festival, interrogé par le duo de flics, l’utilisation de la sirène n’est pas anodine, « parce que ce sont les créatures les plus belles et les plus terrifiantes que le monde ait jamais connues ». Sceptiques, Jolly et Zermatten ne croient pas du tout à la légende, aux féeries et autres mythologies… L’identité de la victime est vite révélée : Stéphane Balder, un homme d’affaires suisse véreux et criblé de dettes. Beaucoup apparemment sont heureux de le voir manger les pissenlits par la racine, à commencer par Katia, son ex-femme :

— Vous auriez une idée de qui aurait bien pu le tuer ?
— Oh !... la moitié du canton.

Une enquête pour le moins épineuse et qui revêt un caractère urgent quand le duo découvre que deux autres « flottins-sirènes » ont été volés. Zermatten et Jolly auraient-ils affaire à un tueur en série ? Qui seront les prochaines victimes ? Pour quels motifs ? Une course contre la montre s’engage pour trouver le meurtrier avant qu’il ne commette d’autres crimes durant le festival.

La collection « Meurtres à… » met souvent en avant un duo de flics aux antipodes, plus ou moins coopératifs. Meurtres sur le lac Léman ne déroge pas à la règle, mais le scénario donne un angle particulier quant à ces deux personnages principaux. Les deux flics viennent de pays différents, même s’ils sont limitrophes, et donnent un ton spécifique à l’enquête qu’ils mènent. Chacun revendique sa façon de procéder qui est forcément meilleure que celle du pays voisin. Servis par des dialogues à la fois acérés et ironiques, les personnages s’en donnent à cœur joie sur la façon de laminer les méthodes de l’autre. Et, fait inhabituel, le scénario donne une perception inhabituelle sur le duo homme-femme, en n’y instillant pas une éventuelle attirance sexuelle entre les deux personnages. L’enjeu est ailleurs… et c’est tant mieux !

Mona Guerre