En scène dans trente minutes

Dans les années 1960, les pièces à l’affiche ne manquent pas, mais elles ne sont accessibles qu’à une minorité de Français car les billets coûtent cher. C’est alors que Pierre Sabbagh, grand homme de télévision et inventeur du JT, a l’idée de faire entrer des « comédies légères » dans les foyers. Le 21 juillet 1966, la première chaîne inaugure ainsi son nouveau rendez-vous : Au théâtre ce soir, avec J’y suis, j’y reste de Jean Valmy. Dans les rôles principaux, Jacques Morel, Anne-Marie Carrière et surtout Denise Grey font partie de ce qui va bientôt devenir, grâce au petit écran, la plus vaste troupe de France. Le tournage se déroule en public et dans les conditions du direct au Théâtre Marigny, dirigé alors par l’acteur Robert Manuel.

« Ces pièces sont montées par nous ; la mise en scène est celle d’un homme de théâtre corrigée par un réalisateur de télévision. Il faut des décors qui soient très vite démontés, très vite reconstruits, et qu’on puisse travailler sur le plateau librement avec les comédiens ; la pièce est mise en répétition, jouée à l’italienne d’abord autour d’une table, puis nous prenons possession du plateau […] », raconte dans une interview de l’époque Pierre Sabbagh.

Cette formidable aventure va durer dix-sept ans. Le succès, qui ne s’est jamais démenti, est très vite au rendez-vous : chaque semaine, l’émission attire quelque onze millions de téléspectateurs, ravis de pouvoir passer un bon moment devant Interdit au public, Folle Amanda, Peau de vache, Le Don d’Adèle, Fleur de cactus ou Adieu Berthe. Enchantés aussi de rire aux éclats grâce à des comédiens dont ils se sentent proches, de Jean Le Poulain à Daniel Ceccaldi et Jean Poiret, en passant par Maria Pacôme, Sophie Desmarets et l’incomparable Jacqueline Maillan, sans oublier Francis Blanche, Jean Piat et Robert Lamoureux. Quatre cent onze pièces ont ainsi été diffusées pour le plaisir du plus grand nombre. Une réussite méritée, selon Jean Piat, qui estime qu’on « est très injuste avec le théâtre de Boulevard, qui a découvert de très grands auteurs, comme Giraudoux ; il mérite beaucoup mieux que le qualificatif un peu péjoratif qu’on lui accorde ».

Après Les Stars du Boulevard, la soirée se poursuit avec Boulevards et Classiques, qui revient sur les auteurs d’hier et d’aujourd’hui, de Molière à André Roussin ou Marcel Achard.

Beatriz Loiseau