Les Trois Morts de Mussolini

Nommé président du Conseil par le roi Victor-Emmanuel III en 1922, le charismatique Benito Mussolini promet de restaurer le prestige du royaume. Mais, autoritaire et mégalomane, il impose rapidement, avec le soutien du Parti national fasciste créé un an auparavant et de millions d’Italiens, un régime totalitaire qui va plonger le pays dans le chaos et le conduire à sa propre perte. Plus de soixante-dix ans après la chute du fascisme, les circonstances exactes de son exécution demeurent mystérieuses. Qui l’a tué, comment et à quel moment précisément ? Ce qui est sûr, c’est qu’avant de tomber sous les balles des partisans, le 29 avril 1945, le Duce était déjà mort politiquement depuis un moment.

Vers un désaveu politique

Énorme erreur stratégique, le pacte signé en 1940 avec Hitler a en effet entraîné l’Italie dans la Seconde Guerre mondiale. En 1943, après trois ans de conflit, la population, exsangue, ne fait plus confiance à son chef. Au mois de juillet, alors que les Alliés s’apprêtent à débarquer en Sicile pour détourner les troupes allemandes du front de l’Est et des côtes de la Manche, les dignitaires fascistes songent eux aussi à se débarrasser de Mussolini. « L’Italie est à genoux. Ils projettent un fascisme (sans lui) qui permettrait d’ouvrir le dialogue avec les futurs vainqueurs de la guerre », explique l’historien Mauro Canali. Désavoué par le Grand Conseil fasciste et le roi le 25 juillet, le dictateur est contraint de démissionner et emprisonné. Le nouveau Premier ministre entame au plus vite des négociations secrètes avec le haut commandement anglo-américain et signe l’armistice le 8 septembre. Cependant, pour les Italiens, la paix est encore loin. Tandis que le gouvernement se réfugie dans le sud auprès des Alliés, le nord se trouve livré à lui-même. Hitler s’empresse d’envoyer un renfort de troupes pour occuper le pays et fait libérer le Duce de sa prison des Abruzzes dès le 12 septembre. À la fin du mois, sous la pression des Allemands, ce dernier crée un nouvel État fasciste, la République sociale italienne, dont il installe le siège à Salo, sur le lac de Garde. Mais il n’est plus que la marionnette de Berlin. Pendant près de deux ans, dans une Italie coupée en deux, une terrible guerre civile va déchirer la population et opposer brigades noires et résistants. En même temps, les troupes alliées progressent peu à peu vers le nord de la péninsule.

La destruction d’un symbole

Le 25 avril 1945, Mussolini, qui ne se fait plus d’illusions, tente de négocier une reddition honorable, mais est pris de court par l’annonce de l’insurrection générale. Obligé de fuir, il est finalement arrêté puis conduit à la mairie de Dongo, quartier général des partisans, en compagnie de sa maîtresse Clara Petacci et quatre-vingts autres fascistes. Mais quel sort lui réserver ? Faut-il le livrer aux Alliés, comme ils le demandent, le traduire en justice ou l’exécuter ? Après discussion, la décision la plus radicale est prise. Un groupe d’hommes commandés par le colonel Valerio est chargé de la mission. Que s’est-il passé exactement ce 28 avril 1945 ? La question subsiste. Le lendemain à l’aube, les dépouilles du dictateur, de sa compagne et de seize hommes choisis parmi les quatre-vingts prisonniers sont jetées sur la place Loreto, à Milan, là où un an auparavant avaient été tués dix-huit antifascistes. Livrés à la fureur de la foule, les cadavres sont ensuite pendus par les pieds, symboliquement renversés. « Une scène macabre », pour l’historien Emilio Gentile, mais qui permet aux partisans de « détruire définitivement le mythe de Mussolini ».

Beatriz Loiseau