Interview de Dominique Besnehard

Dominique Besnehard a vécu mille vies : comédien, agent de comédiens, directeur de casting, directeur du Festival du film francophone d’Angoulême, « Monsieur Cinéma » sur France 5, et heureux créateur et producteur de la série Dix pour cent. Il revient sur la naissance de la série, son succès et dévoile un peu de cette quatrième saison.

À quel moment avez-vous eu l’idée de Dix pour cent ?
Lorsque j’étais agent chez Artmédia, il y avait un engouement très fort pour les nouvelles séries américaines au ton provocateur comme Desperate Housewives. Avec mon collègue et ami Michel Feller, nous avons eu l’idée d’écrire un synopsis sur notre métier. Plus tard, quand je suis devenu producteur, j’ai ressorti ce projet qui allait mettre encore sept ans à se réaliser.

"C’est un métier de l’ombre, des coulisses, et leurs petites cachotteries et mensonges préservent la sensibilité des artistes. Cependant quelquefois, à trop mentir, cela entraîne des catastrophes bien plus graves."

Quel est le ton de cette quatrième saison ?
Fanny Herrero et son équipe ont construit des destins incroyables à nos agents. Avec la nouvelle équipe, je souhaitais qu’on revienne davantage à l’agence, au cinéma, aux fondamentaux de ce métier. Personnellement, je suis un peu plus connu que d’autres agents, mais normalement c’est un métier de l’ombre, et leurs petites cachotteries et mensonges préservent la sensibilité des artistes. Cependant quelquefois, à trop mentir, cela entraîne des catastrophes bien plus graves, comme avec Charlotte Gainsbourg dans le premier épisode.

Les anecdotes qui arrivent aux guests sont parfois incroyables…
Toutes les histoires qui sont illustrées par les guests sont véridiques. Pas vécues par les acteurs eux-mêmes, mais vraies. Par exemple, l’histoire sentimentale jouée par José Garcia m’a été racontée par Jean-Louis Trintignant. Il tournait en Italie où il a rencontré Stefania Sandrelli, le coup de foudre fut immédiat. Mais, mariés tous deux, ils n’ont pas souhaité bouleverser leurs vies et se sont donné rendez-vous un an plus tard dans un hôtel… L’histoire attribuée à Sigourney Weaver a été vécue par Jeanne Moreau, partie tourner au Québec. Et ainsi de suite...

Comment Sigourney Weaver, alias Ellen Ripley dans Alien, a accepté de jouer dans Dix pour cent ?
Je crois que ça l’amusait ! La renommée de la série y a aussi fait pour beaucoup. Kevin Kline lui avait confié l’adorer. D’ailleurs, il a été mon top agent aux États-Unis (rires). Et une amie commune, Catherine Leterrier, parmi les meilleures costumières de cinéma, a renchéri sur la qualité de la série. Sigourney est une actrice américaine peu impliquée dans le star-system, elle vient du théâtre, elle parle français et elle a vu l’opportunité de travailler avec des acteurs de très haut niveau. Une conjonction parfaite.

Le jeune public "est fasciné par la confrontation entre deux mondes : ceux de l’ombre, les agents, au service de ceux qui vivent dans la lumière. Un peu comme dans La Règle du jeu de Jean Renoir."

Mais, au début, faire venir des stars sur une série inconnue pour jouer en leur nom n’était pas une mince affaire...
Non, effectivement ! Parce qu’il faut beaucoup d’humour et d’autodérision pour 
accepter de jouer en son nom propre. Cécile de France a été notre Jeanne d’Arc. Elle, si naturelle, a eu le courage de se tourner en dérision sur le thème de la chirurgie esthétique. Fabrice Lucchini également a osé se présenter sous un autre jour, tout comme Monica Bellucci, Isabelle Adjani, Isabelle Huppert. Ils m’ont surpris et, avec moi, le public aussi. Cette saison, Sandrine Kiberlain veut tout abandonner pour faire du stand-up, hilarante ! Pour d’autres, il valait mieux les laisser venir à nous, susciter leur envie, comme Jean Dujardin ou Franck Dubosc.

Regrettez-vous certaines personnalités que vous n’avez pas réussi à engager ?
Sophie Marceau, malheureusement, à chaque fois que je lui ai parlé de la série, était coincée dans des histoires personnelles. Mais comme nous sommes amis, elle a toujours été très honnête et ne m’a jamais fait lanterner. Catherine Deneuve a une vie tellement scrutée et disséquée par la presse que c’était mission impossible. Mais, surtout, je rêvais de terminer cette quatrième saison avec un acteur international comme Gérard Depardieu, un vrai symbole du cinéma français. Je suppose qu’il devait être occupé en Russie… La seule autre personnalité ayant une telle renommée était Jean Reno. Je le connais pour l’avoir fait débuter au théâtre dans Terre étrangère avec Michel Piccoli, lorsque j’étais directeur de casting. Depuis, il a toujours eu beaucoup d’affection pour moi et il est parfait et magnifique dans ce dernier épisode, mais je n’en dis pas plus.

Comment expliquez-vous le succès de la série ?
Elle plaît beaucoup au jeune public, qui a eu l’opportunité de la revoir pendant le confinement. Je pense qu’il est fasciné par la confrontation entre deux mondes : ceux de l’ombre, les agents, au service de ceux qui vivent dans la lumière. Un peu comme dans La Règle du jeu de Jean Renoir. Et, aux États-Unis, la série plaît parce qu’elle est tellement française. Là-bas, les agents sont de véritables multinationales, très hiérarchisées et pas du tout familiales. 

Finalement, la boucle est bouclée, la série a joué le rôle d’agent pour les comédiens récurrents...
Oui. Camille Cottin était déjà un peu célèbre avec « La Connasse ». Mais je pense que c’était la première fois qu’on voyait l’étendue de son jeu et avec quelle aisance elle peut passer de la comédie au drame en une scène. Habituellement, on met en garde les acteurs vis-à-vis des séries qui risquent de les figer dans une image, de bloquer leur carrière. Là, c’est tout l’inverse qui s’est produit, ils ont tous décollé !

Propos recueillis par Diane Ermel

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