Prenez deux amis d'enfance, faites survenir un accident qui ressemble à un crime (ou l'inverse ?), ajoutez un grand ténor du barreau (incarné comme il se doit par Éric Dupont-Moretti) et un médiocre avocat de province, agrémentez à volonté de rancœurs, d'amours déçues, de rivalités, de haines… Deux ans après Monsieur Max et la Rumeur, Patrick Sébastien (scénariste et comédien principal) revient nous concocter une histoire tordue à souhait qui ménage ses effets jusqu'à la dernière minute. Rencontre.
Il y a eu Monsieur Max et la Rumeur en octobre 2014, déjà signé Sébastien et Malaterre. Vous aviez alors prévu de raconter une deuxième histoire ensemble ?
Patrick Sébastien : Non. À vrai dire, c’est une histoire d’amitié. Quand je me suis mis en tête d’adapter pour la télévision Monsieur Max — qui était à l’origine une pièce que j’avais écrite —, et que Nicolas Traube a accepté d’être mon producteur, je ne connaissais personne susceptible de se charger de la réalisation. J’ai demandé conseil à la comédienne Anne Richard, la compagne de Fabien Lecœuvre, que je connais bien. C’est elle qui m’a parlé de Jacques : elle était certaine qu’on s’entendrait à merveille. Elle ne se trompait pas. Il nous a fallu, Jacques et moi, moins d’une minute pour être convaincus qu’on avait des tas de choses en commun et qu’il fallait qu’on travaille ensemble. Monsieur Max nous a rendus inséparables et il fallait qu’on remette ça. L’an dernier, la chaîne a accepté le projet d’une série, centrée sur un personnage de flic assez tordu qui fabrique de fausses preuves pour faire tomber de vrais coupables. Le tournage devait débuter en janvier 2016 mais, à la fin de l’été, j’ai dit à Jacques : « Je ne le sens plus tellement, on devrait plutôt refaire un unitaire. » Il était inquiet, vous pensez... Je suis rentré de tournée un dimanche ; le mardi, je l’appelais pour lui dire : « C’est bon, j’ai fini le scénario ! »
Un scénario écrit en trois jours ?! Il sort d’où, ce Me Lefort ?
P. S. : C’est une nouvelle que j’avais écrite il y a déjà un moment. J’en ai tout un tas en réserve, vous savez. J’écris beaucoup de choses, j’ai toujours écrit. Je ne peux pas passer une journée sans gribouiller quelque chose, même moyen, même pas bon, même à jeter. Et puis, surtout, j’ai le goût des histoires tortueuses et diaboliques qui ménagent des coups de théâtre et ne se révèlent qu’à la toute fin en nous laissant abasourdis. J’ai été élevé à Agatha Christie, aux formats courts d’Alfred Hitchcock, etc. Le Chat de Pierre Granier-Deferre, d’après Simenon, Marie-Octobre de Julien Duvivier, que j’ai revu il y a quelques jours, c’est tout à fait mon univers.
Le goût aussi des affaires judiciaires (on se souvient de vos émissions Intime conviction) et des faits divers, non ?
Patrick Sébastien : Bien sûr ! J’ai étudié le droit quelque temps. J’ai quelques avocats parmi mes amis. Pas seulement Éric Dupont-Moretti. Je suis très copain avec Gilbert Collard et j’ai été lié avec Jacques Vergès. J’ai fréquenté pas mal de personnes mêlées à des faits divers importants et, pour tout vous dire, l’une de mes émissions préférées à la télévision est Faites entrer l’accusé. Mais, au-delà du fait divers, c’est l’âme humaine qui me fascine. Toutes ces passions souvent violentes — l’amour, la haine, l’envie, la frustration... — qui sont les ressorts de nos actions et poussent parfois à commettre des gestes fous.
Vous parliez d’Éric Dupont-Moretti. C’était votre idée de lui confier ce rôle de grand ténor du barreau qui lui va comme un gant ?
P. S. : Pas du tout. On est très amis. Depuis longtemps. On s’appelle souvent. Il m’avait confié plusieurs fois en rigolant qu’il lui arrivait de découvrir dans des téléfilms des lois du Code pénal qui n’existent pas. Je me suis dit qu’il était la personne indiquée pour relire mon scénario et traquer les erreurs éventuelles. Mais, en relisant, il s’est pris au jeu et m’a demandé s’il ne pourrait pas jouer ce personnage. Jacques était d’accord. Il a accepté de le faire travailler, de le diriger et de se plier aux impératifs d’Éric, qui est quelqu’un de très pris, comme vous imaginez. Ça a pris trois samedis, et Jacques a même réussi le tour de force de tourner toutes les scènes de la plaidoirie dans la même journée, au tribunal d’Aix : 150 plans en tout ! J’avais dit à Éric d’ajouter des choses personnelles s’il jugeait que cela pouvait donner davantage de crédibilité. C’est lui qui a trouvé : « La justice est une administration avant d’être une vertu. » Bon, depuis, Collard m’a soutenu que la formule était de lui [rires].
Il y aura un troisième film ?
P. S. : Oui, nous allons tourner avec Jacques Une chance sur six. Tout ce que je peux dire, c’est que cela se passera dans le milieu des casinos...
À partir de trois films, ça commence à prendre sens, non ? Quel est votre but ?
P. S. :Sous réserve que la chaîne accepte, j’aimerais beaucoup qu’on continue à un rythme d’un ou deux films par an. Que cela forme une sorte de collection. On trouvera un nom plus tard, mais ça pourrait s’appeler la Collection machiavélique... « Préméditée par Patrick Sébastien, exécutée par Jacques Malaterre ! » [rires] Des histoires sans autre lien que celui d’explorer l’âme humaine. Les passions, au fond, c’est très démocratique. Tous milieux confondus, tout le monde est à égalité. Et puis, c’est éternel, tout Shakespeare est tissé de cela. C’est la part du diable en chacun de nous.
Propos recueillis par Christophe Kechroud-Gibassier
Maître Lefort est un petit avocat de province. Son meilleur ami est accusé du meurtre de sa femme. Va-t-il être défendu par Me Lefort ou par Me Leonardi, la star du barreau ? Des soupçons, du suspense, des rancœurs, des retournements inattendus dans le milieu de la bourgeoisie de province.
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Téléfilm
Réalisation Jacques Malaterre
Scénario et dialogues Patrick Sébastien
Adaptation Patrick Sébastien et Jacques Malaterre
Production Pampa Production
Durée 95 min
Avec Patrick Sébastien, Jean-Marie Winling, Éric Dupont-Moretti, Évelyne El Garby Kla...