Aux commandes du Grand Soir/3 depuis la rentrée, Francis Letellier sera en direct des États-Unis pour nous offrir une couverture au plus près de l’élection présidentielle américaine. L’occasion pour cet observateur expert en politique (également à la tête de Dimanche en politique) de nous livrer son analyse des ressorts d’un scrutin particulièrement tendu, et des éléments de comparaison avec la campagne présidentielle française.
Quel va être le dispositif du « Grand Soir/3 » mis en place pour ces élections américaines ?
Francis Letellier : Durant trois jours, je serai sur place, en direct de New York. Les 7 et 9 novembre, à la veille et au lendemain du vote, je proposerai des pages spéciales dans le Grand Soir/3, mais également dans les autres éditions d’information. Et, le jour J, le 8 novembre, le Grand Soir/3 sera, cette fois, entièrement consacré à l’événement, à travers une édition spéciale que je présenterai depuis Times Square. Analyse des tendances à la mi-journée, reportages de nos envoyés spéciaux dans différents endroits des États-Unis, réactions à la sortie des bureaux de vote… nous prendrons la température auprès du peuple américain. Pour éclairer ces premières estimations, réactualiser les données, constater les attentes dans les dernières heures des candidats Trump et Clinton, nous recevrons des invités de chacun des deux camps. Également en plateau avec nous, un ou une Français(e), installé(e) à New York et engagé(e) dans la vie économique américaine. Ce compatriote nous livrera son point de vue sur l’élection, mais aussi sur la présidentielle française de 2017 à travers son regard d’« Américain ».
Extrait du documentaire Hillary Clinton, la femme à abattre, diffusé sur France 3, le 24 octobre 2016, en deuxième partie de soirée © François Reumont_Flach Film Production
Au vu de cette campagne, on constate que la politique américaine a pris un tour particulièrement violent. Quelle analyse en tirez-vous ?
F. L. : Aux États-Unis, les enjeux économiques sont prioritaires. Or, sur ce plan-là, il n’y a pas beaucoup de différences dans l’actuel débat présidentiel entre les candidats démocrate et républicain. Les électeurs peinent à identifier leurs clivages. D’un côté, Hillary Clinton n’avance pas d’idées novatrices, mais elle annonce des mesures pour gérer le quotidien du pays. De son côté, Trump cherche, par tous les moyens, à se démarquer de sa rivale. Aussi, pour se distinguer, ils s’affrontent sur leur image – une femme d’un côté, un homme d’affaires de l’autre – et vont jusqu’à créer des polémiques qui sont secondaires. C’est pour cette raison qu’on assiste à des pugilats où les forces en présence fondent leurs différences sur leur profil, leur parcours, leur probité, sur ce qu’ils sont plutôt que sur ce qu’ils pensent et qu’ils défendent.
Donald Trump, Laconia (c) Michael Vadon /16 juillet 2015
En France, la campagne présidentielle s’américanise-t-elle ? Quels sont les éléments de comparaison ?
F. L. : Sur la forme, oui, et d’abord du point de vue de l’organisation. Le système des primaires a été importé par des « think tanks » comme Terra Nova. Mais ce n’est pas notre culture, on a un peu tendance à regarder ces débats de précampagne présidentielle comme un spectacle. D’ailleurs, si la primaire de la droite et du centre mobilise 5 millions d’électeurs, sur les 44,6 millions inscrits sur les listes électorales, c’est une participation très minoritaire. Concernant le discours politique, on observe aussi un durcissement du ton. Même s’il ne date pas d’aujourd’hui – souvenons-nous par exemple des échanges musclés entre Georges Marchais et Jacques Chirac, ou encore de la dureté des propos de François Mitterrand à l’égard de Michel Rocard –, il est amplifié aujourd’hui par l’utilisation des réseaux sociaux. De même, la présence tonitruante du FN dans le paysage politique a, à la fois, secoué et énervé le débat. Aujourd’hui, on essaie de voir comment se positionner par rapport à lui. Comme le FN tient un discours plutôt jusqu’au-boutiste, les autres partis sont obligés d’emprunter aussi ce registre pour s’opposer à lui. En revanche, sur le fond, il y a une grande différence entre les campagnes française et américaine. Chez nous, lorsque le débat se tend, c’est moins autour de personnalités que sur des idées, des principes, des sujets de société (le mariage pour tous, la loi El Khomri…). Par exemple, lorsqu’on est anti-sarkozyste, avant tout, ce sont sa politique économique libérale et ses prises de position que l’on rejette. En France, le clivage droite/gauche est toujours très identifié et implanté culturellement. Aux États-Unis, c’est beaucoup plus fluctuant. Il y a, certes, un clivage démocrates/républicains, mais on prend surtout position en fonction de la personnalité du candidat.
En septembre, « Dimanche en politique » a été le plus regardé des magazines politiques du dimanche (6,7 % de PdA). Quel premier bilan dressez-vous ?
F. L. : Ce nouveau rendez-vous succède à cinq saisons de 12/13 Dimanche. En septembre 2011, nous étions les seuls à proposer une émission politique le dimanche. Désormais, il y en a sept tous médias confondus (radio et télé). Depuis la rentrée, nous réunissons, en moyenne, près de 800 000 téléspectateurs (6,5 % de PdA), un score proche des performances de 12/13 Dimanche, l’année dernière. Donc, c’est un démarrage satisfaisant, le public reste fidèle à France 3, identifiant notre magazine hebdomadaire comme une valeur sûre.
Sur le plateau de Dimanche en politique (c) Nathalie Guyon / FTV
Qu’est-ce qui fait la spécificité de ce rendez-vous ?
F. L. : Il a la particularité de combiner deux parties, régionale (proposée par les 24 antennes de France 3), puis nationale que je présente. C’est aussi une émission qui éclaire des enjeux qui ne relèvent pas exclusivement de la politique politicienne, contrairement à la plupart des autres émissions concurrentes. J’ai le souci d’interroger mes invités avec des questions concrètes, liées aux problématiques de la vie quotidienne, des questions qu’aimeraient poser les téléspectateurs. D’ailleurs, les politiques en ont conscience. Certains me disent que nous posons des questions originales, qu’ils n’entendront pas ailleurs. Autant d’atouts qui font la différence de Dimanche en politique, et sa signature.
En semaine, le Grand Soir/3 prend, lui aussi, une dimension politique, notamment tous les jeudis soir, avec un duel 100 % féminin entre deux éditorialistes de presse écrite : Judith Waintraub (Le Figaro) et Anne Rosencher (Marianne). Une manière de révéler de nouvelles signatures sur notre antenne, ainsi que des polémiques qu’on n’entend pas ailleurs.
propos recueillis par Sylvie Tournier