L’île d’Hiva Oa, aux Marquises, est l’ultime escale du voyageur Paul Gauguin. Ce film tente de percer le mystère de ce peintre en perpétuelle quête d’ailleurs à l’occasion de l’exposition « Matahoata, arts et société aux îles Marquises », qui se tient du 12 avril au 24 juillet, au musée du Quai-Branly, à Paris.
« J’ai devant moi des cocotiers, des bananiers. Tout est vert. Des petits points de rouge se disséminent dans le vert. Malgré cela, j’atteste que, dans tout ce vert, on aperçoit de grandes taches de bleu. Ne vous y trompez pas, ce n’est pas le ciel bleu, mais seulement la montagne dans le lointain. » En septembre 1901, Paul Gauguin, malade, découvre la nature sauvage des îles Marquises, situées à 1 500 kilomètres de Tahiti. Alors, au crépuscule de sa vie, il construit sa « Maison du Jouir » dans le village d’Atuona, sur l’île d’Hiva Oa. Il s’intéresse aux anciens cultes maoris, réprimés par la religion catholique, écrit son livre testament Avant et après et réalise une quarantaine de toiles. Le peintre y représente non seulement des Polynésiennes peu vêtues, mais aussi les symboles d’un monde invisible et imaginaire inspiré par la culture traditionnelle. Qu’est-ce qui a poussé l’artiste à s’établir dans cet archipel isolé ? Pourquoi a-t-il choisi de défendre les arts dits primitifs à une époque où tous les méprisent ? Depuis cet atelier du bout du monde, où il passa les deux dernières années de sa vie, ce film retraverse les étapes de son parcours artistique.
Inspiration bretonne
Après une enfance au Pérou et quelques années dans la marine marchande, Gauguin devient agent de change à la Bourse, à Paris. « Un beau jour, il a pris un pinceau en disant : pourquoi pas, et il a commencé à étudier avec Pissarro, raconte l’historienne d’art Caroline Boyle-Turner. Il lui a enseigné comment voir les couleurs, ce qui était vraiment la base de l’impressionnisme. » Dans les années 1880, il abandonne sa vie bourgeoise et sa famille pour se consacrer à l’art. C’est en Bretagne que son style s’affirme. « Il bascule dans une nouvelle esthétique beaucoup plus synthétique, à laquelle il ne va plus renoncer, puisqu’il estime que le mouvement impressionniste est arrivé à bout de souffle », souligne Estelle Guille des Buttes-Fresneau, conservatrice en chef du musée de Pont-Aven.
« J’aime la Bretagne, j’y trouve le sauvage, le primitif. Quand mes sabots résonnent sur ce sol de granit, j’entends le ton sourd, mat et puissant que je cherche en peinture. » Après le symbolisme, Gauguin s’essaye au synthétisme, au primitivisme et au cloisonnisme. Il élimine les détails pour ne garder que la forme essentielle grâce à l’usage d’aplats de couleur soulignés par un cerne.
L’appel du large et de l’exotisme
En 1891, alors en quête de liberté et de pureté originelle, Gauguin aspire à un autre ailleurs. Il embarque pour la Polynésie, fuyant une société en pleine industrialisation. « Je vais aller à Tahiti et j’espère y finir mon existence. Je jure que mon art que vous aimez n’est qu’en germe et j’espère là-bas le cultiver pour moi-même à l’état primitif et sauvage. » Il meurt le 8 mai 1903 aux Marquises, persuadé d’ouvrir la porte à une nouvelle forme d’art. Picasso et Matisse, éblouis par sa peinture, où formes et couleurs sont libérées de la réalité, lui donneront raison.
Amandine Deroubaix
Documentaire
Durée 52 min
Auteures Dominique Agniel et Laurence Thiriat
Réalisation Laurence Thiriat
Production Compagnie des Phares et Balises, avec la participation de France Télévisions
Année 2016
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