THALASSA

Thalassa

Siam : chacun son royaume
Magazine - Inédit - Vendredi 5 août à 20.55

C’est dans une contrée de légende que nous entraîne le magazine Thalassa : l’ancien royaume de Siam, entre mer d’Andaman et golfe de Thaïlande, attise depuis des siècles toutes les convoitises. Jadis pour ses richesses et sa puissance politique sur le Sud-Est asiatique, aujourd’hui pour ses plages de sable immaculé, sa cuisine raffinée et sa nature exubérante qui en font un paradis des vacances. Mais le tourisme de masse est à la fois une bénédiction et une menace. Et le paradis, à qui est-il promis ?

Les liens de Siam avec l’Occident ne datent pas d’hier. Le 28 juin 1861, au palais de Fontainebleau, l’empereur Napoléon III et l’impératrice Eugénie reçoivent des mains de ses ambassadeurs hommages et cadeaux du roi Rama IV, monarque du plus petit mais du plus puissant royaume asiatique. Bien plus tard popularisé par Hollywood sous les traits de Yul Brynner, Rama IV est l’un des princes qui ont ouvert le Siam à de nouveaux horizons. Polygame, père de 72 enfants, bouddhiste fervent, féru de culture occidentale sans avoir jamais voyagé, il convertit les peintres thaïlandais à l’esthétique européenne et ouvre son royaume aux étrangers pour mieux le protéger de la colonisation.
Plus d’un siècle et demi plus tard, sous le règne de Rama IX, c’est peut-être encore cela qui caractérise cette contrée : la capacité – ou la difficulté – à conjuguer identité, tradition, modernité, intérêts bien compris, accueil, etc. À ce titre, Ko Pha Ngan, l’île thaïlandaise où pêcheurs, moines et touristes vivent au rythme de la lune, fait figure de symbole. Ici tous les 27 jours se tient la Full Moon Party : 30 000 fêtards débarquent du monde entier pour perdre la tête et disparaître cinq jours plus tard. Certes, les moines bouddhistes, premiers habitants de l’île, rappellent pour mieux ancrer l’événement dans la tradition que le Bouddha est né une nuit de pleine lune. Il n’empêche que la Full Moon Party est une création récente. La tradition, au besoin, cela s’invente. Elle donne un supplément d’âme à l’industrie du tourisme.
Plus au sud, au Cambodge, dont le gouvernement, moins inspiré que Rama IV, a décidé de vendre les joyaux de la couronne, on perçoit cependant l’envers de ce décor édénique. L’environnement paradisiaque, ici, est menacé par les promoteurs, souvent étrangers. À quelques encablures de Sihanoukville, quelques familles s’accrochent encore à leurs villages, cédés par le gouvernement à un consortium chinois. Plus d’écoles (on a chassé les enseignants), plus de lieux de culte (on a chassé les bonzes), des promesses, des menaces… Que valent quelques existences face au projet pharaonique de plus grand site touristique d’Asie du Sud-Est (5 milliards de dollars sur 25 ans), avec hôtels 5 étoiles, riviera, casinos et aéroport international ? Plus loin, l’île aux Serpents, rebaptisée Kiev Island par un milliardaire russe, est au point mort. Les bâtiments inachevés sont déjà en ruine. Plus loin encore, l’île de Koh Rong est tombée dans l'escarcelle de la société Royal Group qui, d’une main, tente de chasser les habitants du lieu (menacés de mort, à l’occasion) et, de l’autre, vend du rêve dans des clips vidéo exaltant luxe, calme et volupté (chambres d’hôtel à 2 000 euros !) : « Paradise forever »… Forever ? Quand les bulldozers attaquent déjà l’une des dernières forêts vierges encore intactes au Cambodge ? Et paradis pour qui ? les Cambodgiens, ou les étrangers fortunés ? La route est encore longue jusqu’à un tourisme raisonné et respectueux de la nature.

C. K.-G.

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