En juillet, Monsieur Hulot rejoint la côte atlantique pour passer l’été à l’hôtel. Ce fumeur de pipe excentrique, célibataire solitaire désarticulé, maladroit et rêveur, va en faire voir de toutes les couleurs aux estivants. Du grand burlesque tout en poésie, qui n’a pas pris une ride.
1953. Dans son deuxième film, Jacques Tati prend pour contexte les congés payés et le départ vers les plages — véritable phénomène socioculturel de l’époque. Au volant de sa vieille voiture qui pétarade, Monsieur Hulot roule ainsi vers une paisible station balnéaire de la côte atlantique. Il va s’établir à l’Hôtel de la Plage, situé à l’écart de la foule et du bruit, aux côtés de pensionnaires habitués, vivant de conventions et de routines. Hulot, le moins conventionnel de tous, commence à observer ces gens sérieux pour tenter de se mêler à leur vie.
Mais très vite, tel un enfant, ce marginal, certes très gentil, perturbe avec la meilleure volonté du monde la quiétude des clients. Il provoque autour de lui un désordre monstre qui laisse peu de place à la compassion. Seule une vieille dame anglaise le supporte. En témoigne la scène très drôle où, censée arbitrer un match entre Monsieur Hulot et son adversaire, elle donne tous les points à son protégé, dont la raquette fait un bruit sourd épouvantable à chaque balle servie.
Entre réalisme social et poésie mélancolique
De cette comédie à sketches absurdes, filmée avec une grande élégance, se dégage beaucoup de poésie et de tendresse, mais aussi une certaine critique de la France des années 1950, décrite comme un pays vieux jeu, encore pauvre et qui se soucie de la hiérarchie. Tati a choisi des protagonistes un peu clichés : une jolie jeune fille qui vit en face de l’hôtel chez sa tante et qui refusera la compagnie de Monsieur Hulot, une femme snob, un couple de bourgeois âgés dont le mari marche toujours à deux mètres derrière sa femme, un businessman toujours à côté du téléphone, une manière de resituer la France de l’époque dans son contexte social et politique.
En plus de diriger ses personnages, Tati met en scène leur corps, leur gestuelle et l’univers sonore qui les entoure. On se croirait tour à tour à la campagne avec le bruit des oiseaux, à la chasse avec celui des tirs de carabine. Autant d’effets sonores qui laissent poindre une sorte de mélancolie heureuse dans bien des plans de ce chef-d’œuvre indémodable.
Les Vacances de Monsieur Hulot a reçu le prix Louis-Delluc et celui de la Critique internationale à Cannes en 1953.
France Hatron
Film (France)
Durée 85 min
Réalisation Jacques Tati
Scénario Jacques Tati et Henri Marquet, avec la collaboration de Pierre Aubert et Jacques Lagrange
Production Cady Films, Discina Film, Specta Films
Avec Jacques Tati, Nathalie Pascaud, Louis Perrault, Micheline Rolla, André Dubois, Valentine Camax, Lucien Frégis, Suzy Willy, Raymond Carl…
Année 1953
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