La première puissance mondiale semble avoir renoué avec la croissance, mais à quel prix ? En partant à la rencontre des laissés-pour-compte du rêve américain, ce documentaire, diffusé à l’occasion de l’élection présidentielle, dévoile les conséquences méconnues de la crise aux États-Unis.
C’est l’histoire d’une formidable reprise économique. Huit ans après la crise qui a secoué la planète, le spectre de la récession semble s’être définitivement éloigné des États-Unis. Et les chiffres le prouvent. Plus de 9 millions d’emplois ont été créés et le chômage ne dépasse pas les 5 %. La première puissance mondiale est à nouveau sur les rails de la croissance. Seulement, derrière cette success story se cache une réalité beaucoup moins reluisante. Ces dernières années, les petits boulots se sont multipliés, entraînant des salariés comme Germania dans des situations intenables : « Bien sûr, il y a du travail, mais c’est tellement mal payé que vous êtes obligé d’avoir un deuxième emploi. Je pourrais même en avoir un troisième, mais là je ne dormirais plus du tout. » Récemment séparée du père de ses trois enfants, la jeune femme de 25 ans a déménagé en Floride pour se donner toutes les chances de réussir. Rémunérée 8 euros de l’heure, la nuit, chez le géant du fast-food, deuxième employeur du pays, elle enchaîne vaillamment le matin dans une autre grande enseigne. Entre les deux, il lui reste une à deux heures de sommeil. De retour au motel bon marché où elle loge, faute de pouvoir payer la caution nécessaire à la location d’un appartement, elle a à peine le temps de s’occuper de ses enfants, avant de repartir.
Emplois sous-rémunérés et précarité
La vie de Germania ressemble à celle de millions d’autres Américains qui doivent cumuler les journées de travail pour essayer d’échapper à la pauvreté. Les emplois sous-rémunérés ont plongé dans la précarité près d’un salarié sur deux. La classe moyenne fait lentement mais sûrement place à ce qu’on appelle les working poor. Une famille sur trois serait concernée ! Pour s’en sortir, ces travailleurs se déplacent vers les villes les plus prospères. C’est le cas de Joe, 39 ans, un Californien qui a emmené femme et enfants à Seattle. Ouvrier dans le bâtiment, il se lève à 4 h 30 du matin et fait près de deux heures de trajet uniquement dans l’espoir d’être embauché à la journée : « Un réfugié économique, voilà ce que je suis devenu […]. Depuis la récession, les gens s’adaptent, bougent et vont là où il y a de l’argent. Au moins, ici, j’ai une chance, un peu plus de chance. » En attendant des jours meilleurs, il vit sur le parking d’une église dans un camp de tentes, comme tant d’autres dont les maigres salaires leur interdisent l’accès à une habitation convenable. Toujours « fier d’être américain », Joe pense néanmoins que « les choses doivent changer. Les pauvres sont toujours plus pauvres parce que les riches veulent encore et toujours plus d’argent… ». Il ne croit pas si bien dire.
En Pennsylvanie, à Érié, l’une des principales villes industrielles des États-Unis, les entreprises ferment les unes après les autres et celles qui se portent au mieux, à l’instar de General Electric, licencient pour pouvoir délocaliser leurs activités ailleurs, notamment au Texas. Un État où les syndicats n’existent pas et où les salaires sont nettement plus bas. La septième société mondiale vient pourtant de reverser 26 milliards de dollars à ses actionnaires. Pour Tom, 43 ans, qui a perdu son emploi, il faudrait surtout « traiter les gens comme des êtres humains. On n’est pas un pays du tiers-monde […], mais aujourd’hui ces multinationales veulent nous traiter comme dans ces pays où il n’y a pas de droit du travail. Comme en Chine, où ils payent les gens 50 centimes. […] Ils le font déjà là-bas, alors pourquoi pas ici ? »
Beatriz Loiseau
Documentaire
Durée 52 min
Auteure-réalisatrice Hélène Eckmann
Production Babel Press, avec la participation de France Télévisions
Année 2016
#LMEF
Avant la diffusion du documentaire États-Unis, le nouvel apartheid, Marina Carrère d'Encausse propose de dresser le bilan des années Obama, mais aussi de faire le point sur la situation sociale actuelle aux États-Unis et des défis à relever pour le futur leader du pays. Un débat de 20 minutes avec en plateau : Nicole Bacharan, politologue, Axel Krause, correspondant à Paris du Transatlantic magazine, et François Clemenceau, rédacteur en chef du service international du JDD, auteur de Hillary Clinton de A à Z.
Programmation spéciale élections américaines
Cinquante ans après les luttes pour les droits civiques menées, notamment, par Martin Luther King, tout semble avoir changé aux États-Unis. Aux yeux du monde, l’élection de Barack Obama est la démonstration parfaite d’une mixité réussie. Mais, à bien y regarder, la ségrégation, pourtant interdite par la loi, fait son retour partout en Amérique. C’est le cas à Selma, dans l’Alabama, haut lieu du mouvement des droits civiques. La ville est à nouveau divisée et ses deux grands lycées en sont la démonstration. D’un côté, Selma High School, l’établissement public et son millier d’élèves, tous noirs. De l’autre, la John T. Morgan Academy, établissement privé qui porte le nom d’un des fondateurs du Ku Klux Klan et compte 500 élèves, tous blancs. En suivant, au sein de la Selma High School, des lycéens, leurs professeurs et leur entourage, ce film fait découvrir les espoirs déçus, les peurs et le sentiment d’abandon qui gangrènent Selma, ville symbole d’une Amérique qui retombe dans ses pires travers racistes.
Documentaire
Durée 52 min
Auteur-réalisateur Romain Icard
Production Nilaya Productions, avec la participation de France Télévisions
Année 2016