Régulièrement au bout du monde pour des Rendez-vous en terre inconnue, Frédéric Lopez explore dorénavant Nos terres inconnues, celles des terroirs français. Au cœur de paysages insoupçonnés, il embarque un invité qui ne connaît rien de sa destination. Pour cette première émission, Malik Bentalha s’aventure dans le parc national des Cévennes, à quelques kilomètres d’où il a grandi. Une expérience sans précédent pour Frédéric Lopez.
Pourquoi avez-vous choisi de partir au bout du monde… en France ?
J’ai pris l’avion pour la première fois à 20 ans et depuis je n’ai cessé de parcourir le monde, à titre personnel ou pour Rendez-vous en terre inconnue. Je me disais toujours : « Plus tard, je découvrirai la France… ». Le public de Rendez-vous… m’a souvent fait part de la charge émotionnelle ressentie en découvrant les valeurs des gens du bout du monde et ces paysages à couper le souffle. D’autre fois, je rencontrais des personnes qui me demandaient « On n’est pas bien ici ? », presque comme un reproche.
Alors, petit à petit, « plus tard » est devenu « maintenant » !
En quoi la France peut-elle être aussi intéressante que le bout du monde ?
Évidemment, je me suis posé la question… Existe-t-il des régions françaises où la nature reste préservée et qui apportent un vrai dépaysement ? Y a-t-il des gens pour y vivre ? De quoi vivent-ils ? Mon rédacteur en chef, Ismaël Khelifa, m’a fait remarquer que d’après Michel Serres, il y a un siècle, 70 % de la population travaillait la terre. Aujourd’hui, on est à 1 % ! J’ai été effrayé par ce chiffre. Cette terre que nous allons laisser aux plus jeunes, ils ne la connaissent pas.
Qu’avez-vous découvert ?
Je me suis rendu compte que je pouvais répondre positivement à toutes mes interrogations : sur place, j’ai rencontré des gens amoureux. Amoureux de leur terre, de leur rivière, de leur forêt, respectueux de leurs voisins, de leurs anciens et très souvent amoureux de leur femme ou de leur homme. Ils se trouvent bien loin de la détresse économique et affective des paysans que l’on nous présente habituellement. D’une humilité incroyable, Morgan nous dit : « On est un grain de sable dans la nature et on fait ce qu’on peut. » Il ne juge pas et n’essaye pas de faire du prosélytisme. Il avance sur son chemin. Comme lui, toutes les personnes que nous avons rencontrées ont réalisé leur rêve : celui de créer une châtaigneraie, d’élever des chevaux, de vivre de la rivière, etc. et ce malgré les obstacles. Leurs expériences m’ont retourné le cerveau.
Pourquoi avoir choisi les Cévennes comme première destination ?
En France il y a dix parcs nationaux, tous des sanctuaires pour la faune et la flore ; celui des Cévennes est l'un des rares habités en son cœur, la zone la plus protégée. Il a été façonné par l’agropastoralisme et une grande partie est classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Le fait que Malik Bentalha ait vécu non loin n’est que pure coïncidence. Mais quand il dit « C’est fou, j’ai grandi à côté de ce parc sans le connaître », il valide d’emblée le concept de l’émission.
Que saviez-vous de Malik Bentalha avant de l’inviter à vivre cette aventure ?
J’ai eu la chance de le rencontrer il y a huit ans. Son sens de l’humour m’a estomaqué. Il est hallucinant, une vraie machine à vannes. Mais nous avons pris un très gros risque car, en grand fan de Rendez-vous en terre inconnue, il me relançait depuis des années pour y participer ; or lorsqu’il a compris qu’il ne partait pas au bout du monde, il a été très déçu ! Tout était trop inédit pour lui : dormir dans un sac de couchage, faire de la randonnée, du cheval, du canyoning… À chaque fois, il commençait par faire un refus devant l’obstacle puis après, avouait être content de l’expérience. Il est extrêmement attachant et tellement drôle. C’est terrible, mais il a fallu couper énormément de blagues au montage. Malik représente bien cette génération de citadins décrite par Michel Serres dans Petite Poucette*. Il fait beaucoup référence au monde virtuel. Pourtant, lorsque je lui ai rendu son portable à la fin, il n’avait pas envie de l’allumer.
De quels moments en particulier vous souvenez-vous ?
J’ai adoré lorsque Malik découvre le refuge où nous allons dormir, ou encore, dans la voiture, quand il refait Michaël Jackson. Vous n’en voyez que trois minutes, mais il se lâche totalement pendant une heure. Là, j’ai su que c’était gagné ! Mais, je crois que mon meilleur moment arrive quand l’instructeur de canyoning explique que jeune, il était bègue et qu’il a été guéri par l’amour de sa femme et la rivière.
Dans le film, Malik vous demande « Vous aimez tout, il y a bien quelque chose que vous n’aimez pas ? » mais vous ne répondez pas…
J’aime tout ce que je ne connais pas. J’adore sortir de ma zone de confort. Il y a donc peu de chose que je n’aime pas, c’est vrai. À Paris, je n’aime pas ceux que Michel Serres appelle « les ronchons ». Ces citadins qui se plaignent tout le temps sans avoir de véritables raisons. Alors que dans mon émission Mille et une vies, j’ai rencontré tant de personnes résilientes et pourtant si lumineuses. Ceux qui râlent après la pluie, qui est une bénédiction dans tous les pays que j’ai traversé, m’ennuient.
Quelle était votre plus grande crainte pour ce premier numéro ?
Au début de l’aventure, j’ai eu peur que le film filtre la beauté et la sincérité, la pureté en somme des personnes que nous rencontrons. Mais mon équipe, la même que sur Rendez-vous…, est extraordinaire. Pierre Stine, le réalisateur, réussit à divulguer leur naturel et à montrer l’impalpable. De mon côté, je me devais d’être à la hauteur de leur confiance. Morgan, le fils de Sabine, connaissait l’émission et il n’en revenait pas d’être un héros de « terres inconnues ». Sa mère restait dubitative sur la télévision.
Quelle est la différence fondamentale entre Nos terres inconnues et Rendez-vous en terre inconnue ?
J’ai pu réaliser un rêve… celui de retourner voir mes « héros » et même de leur présenter mes proches. Je n’avais bien sûr pas pu le faire auparavant. Je suis donc revenu présenter la famille « Châtaigne » comme on les a surnommé affectueusement - à mes parents, et mon père a préparé une paëlla géante pour tout le monde. J’étais bouleversé de les voir ensemble !
Propos recueillis par Diane Ermel
Après avoir exploré le monde, l’animateur-voyageur arpente les terroirs de France, au cœur des paysages les plus spectaculaires de notre pays. À chaque destination, il emmène avec lui un invité qui ne sait rien de ce qui l’attend.
Pour ce premier rendez-vous, il prend la direction du parc national des Cévennes, avec le comédien et humoriste Malik Bentalha. Un écrin de biodiversité qui s’étend entre la Lozère, le Gard et L’Ardèche. Des paysages à couper le souffle, dont une large part est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. 67 000 personnes vivent ici en permanence. Pour nombre d’entre eux, habiter ce territoire enclavé est un vrai choix marqué, avec ses joies et ses épreuves.
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Un film écrit par Frédéric Lopez et Ismaël Khelifa avec la collaboration de Pierre Stine.
Rédacteur en chef : Ismaël Khelifa.
Journalistes : Laïla Belkadi et Alice Khelifa-Gastine.
Réalisé par Pierre Stine.
Produit par Adenium TV France et Frédéric Lopez.
Producteur exécutif Laurent Baujard.
L'humour de Malik Bentalha pour la nature
S’il a grandi à la campagne, Malik Bentalha n’en est pas moins un homme des villes et un humoriste adoré des jeunes urbains. Pour cette première émission de Nos terres inconnues, Frédéric Lopez l’entraîne à la découverte d’une région du monde dont il ne soupçonnait ni la beauté, ni la richesse des paysages : les Cévennes, à quelques kilomètres du village de son enfance.
Il me semble que vous souhaitiez partir en « terre inconnue » depuis très longtemps…
C’est mon émission préférée. Il y a des années, lorsque j’ai rencontré Frédéric Lopez au premier festival de Marrakech du rire, je lui ai demandé de m’inviter. Il m’a répondu « Mais t’es qui toi ? » [rires]. Le hasard a voulu que je renvoie un millième message à Frédéric au moment où il cherchait quelqu’un pour partir dans les Cévennes. Quand il m’a répondu : « Ok c’est bon ! », j’étais fou de joie, prêt à aller acheter ma tenue d’Indiana Jones. Mais une semaine avant le départ, sous le prétexte de tourner une première séquence au bureau, il m’apprend que nous allons à quinze minutes d’où j’ai grandi ! J’ai pas pu me retenir, j’ai lâché : « J’aurai pu y aller avec mon père ! » [rires]. J’ai essayé de masquer ma déception mais j’avais tellement fantasmé sur mon futur voyage au bout du monde…
Vous faites d’ailleurs beaucoup référence à votre père pendant l’aventure…
Mon père aurait adoré être invité dans cette émission. Il a toujours rêvé d’être berger et petit, il me faisait écouter « La Montagne » de Jean Ferrat. Longtemps, il a essayé de m’entraîner dans ses promenades pour me faire partager cet amour de la nature, du calme, de l’humain au profit de la technologie. Mais je suis de la génération qui s’ennuie dès qu’elle est privée d’Internet ou de la télé. Aujourd’hui on ne discute plus de visu, on communique par Facebook, Twitter, Instagram… Je ne lui ai pas encore montré le film mais je suppose qu’il sera très ému. J’aimerais beaucoup présenter mes parents à la famille « Châtaigne ».
En quoi cette famille vous a-t-elle marqué ?
Leur accueil a été d’une grande générosité et nous a permis d’avoir des échanges très personnels. Je me sentais comme dans ma propre famille, aussi parce que mes parents partagent les mêmes valeurs qu’eux. J’ai découvert des gens qui se témoignent beaucoup d’amour et de sincérité. Tout au long de l’aventure, ils sont notre fil rouge. Grâce à eux nous découvrons toutes les autres personnes de la communauté. J’ai été impressionné par ces couples qui se soutiennent depuis toujours malgré l’adversité. Ils sont soudés, ils sont forts. Ils rayonnent. Ce film est une vraie déclaration d’amour au monde rural.
Qu’est-ce qui a été difficile à vivre ?
De manière générale, le premier jour a été difficile. Je n’étais pas préparé à faire une randonnée de plusieurs heures, à dormir dans un chalet très inconfortable et surtout à être privé de mon téléphone. Mais ça n’a duré que 48 heures, comme un sevrage. Ensuite j’ai perçu comme une libération. D’ailleurs lorsque j’ai pu le rallumer, je me suis senti agressé par tous ces SMS, mails, messages en tous genres.
Que retenez-vous de cette expérience ?
J’ai changé de point de vue sur la société et le monde. J’ai pris une grande claque ! Au début, on peut croire que les gens qui vivent là sont des extraterrestres, mais très vite je me suis dit que finalement NOUS sommes les extraterrestres, avec nos vies basées sur l’image, le regard des autres, Photoshop pour nos photos, etc. Je me suis promis de m’écouter un peu plus, de faire ce dont j’ai envie, de m’aimer un peu plus, peu importe ce que pensent les autres. Si jamais j’oublie ces promesses, je n’ai qu’à revoir le film.
A quoi vous a servi votre humour ?
C’est la meilleure manière de briser la glace, qu’elle soit culturelle ou sociale. Et si j’arrive à être en mode « humour » au point d’être totalement naturel, c’est grâce à Frédéric, à la famille « Châtaigne », à l’équipe de Nos terres inconnues. Tous savent vous mettre à l’aise, tirer le meilleur de vous-mêmes, vous rendre beau. J’ai eu la chance aussi de ne pas avoir de traducteur car les vannes perdent beaucoup de leur saveur lorsqu’elles passent par différentes langues.
Parlez-moi de votre périple à cheval…
J’ai l’impression que je ressemble à Zorro sur mon cheval [rires]. Non, en fait je suis terrorisé. Ils m’ont donné un cheval-poney, un « ponal », très petit. Mais malgré cela, je panique. Heureusement, les paysages fabuleux que nous traversons me détournent de la question. J’avais l’impression d’être chez Pocahontas ! En fait je rêvais d’aller en Patagonie, en Afrique ou en Asie mais finalement j’ai tout vu dans les Cévennes !
Propos recueillis par Diane Ermel