La bataille du charbon

En 1945, la France fait face à l’un des plus périlleux défis de son histoire. 545 000 Français sont morts, et 1 million se retrouvent sans logement. Tandis que la pénurie alimentaire frappe tout le pays, le charbon, énergie principale, fait défaut.
À cela s’ajoute l’immense chantier de la reconstruction pour lequel il faut déblayer 70 millions de mètres cubes de décombres, reconstruire 9 000 ponts routiers, 60 000 km de routes, et remplacer 60 000 tonnes de rails volées par les nazis.
Pour répondre aux besoins énergétiques des industriels et des particuliers, les mineurs sont mis à contribution comme jamais auparavant.
Cette course à l’énergie imposée par les autorités les pousse à suivre des cadences surhumaines. Les ouvriers des mines travaillent ainsi 8 heures par jour dans des fosses où la température dépasse allègrement les 35 degrés.

La hauteur des lieux étant rarement supérieure à 1,20 mètre, les mineurs sont contraints de se plier en deux pour circuler, tout en respirant des torrents de poussière à plein poumon.

« L’objectif de production imposé est porté à 120 000 tonnes par jour en 1945 »

Crédit: France 3

À l’extérieur, peu de personnes se préoccupent des risques inconsidérés consentis par ces hommes de l’ombre. Au contraire, le gouvernement les encourage à produire toujours plus.
Sous la pression de Charles de Gaulle, du Parti communiste et de son leader Maurice Thorez, les « gueules noires » suivent un rythme toujours plus effréné, réalisant des semaines de 54 heures, et renonçant souvent à leurs dimanches et journées fériées pour œuvrer dans les souterrains.
L’objectif affiché par les autorités est de produire 100 000 tonnes de charbon par jour. Pour concrétiser cette ambition, une campagne de communication savamment mise en place par voie de presse, de radio, de cinéma et d’affichage glorifie l’ouvrier français, érigé en héros de la nation. L’initiative produit les effets escomptés puisque l’objectif de production imposé est porté à 120 000 tonnes par jour en 1945.
En 1946, l’État nationalise les mines de charbon : de nombreux avantages découlent de ce projet. Les ouvriers obtiennent un statut accompagné d’une meilleure rémunération, d’une « sécurité sociale » et de meilleurs congés payés.
Mais, en 1947, la crise survient : les prix des denrées alimentaires augmentent sans que le montant des salaires ne suive. Le coût de production du charbon ayant augmenté, le gouvernement veut le réduire par n’importe quel moyen pour relancer l’économie.

Crédit: France 3

Face à la volonté de Robert Lacoste, ministre de la Production industrielle, de leur retirer les avantages acquis en 1946, les ouvriers décident de faire grève.
Pour faire taire la contestation, Jules Moch, ministre de l’Intérieur, envoie 60 000 hommes armés pour mater la protestation : « Ils nous ont envoyé les blindés. On aurait dit qu’ils faisaient face à une division allemande », se souvient un témoin des événements. Les caillasses et les boulons des ouvriers ne pèsent pas bien lourd face aux armes de guerre des autorités. Comme l’atteste le bilan humain de sept morts et de centaines de blessés côté ouvriers, ainsi que les 1 041 arrestations à déplorer parmi ces héros obscurs de la France libérée.