Temps fort semaine 09
Le slogan « Street art un jour, street art toujours » pourrait qualifier le langage plastique exceptionnel de JR, l’un des artistes français les plus connus dans le monde et pourtant parmi les plus mal aimés par le milieu de l’art. À 35 ans, JR est à la fois photographe, affichiste, cinéaste et chorégraphe. Son travail, qui consiste depuis plus de dix ans à installer des performances géantes dans des lieux publics, crée souvent la polémique de par sa portée éminemment politique.
Fasciné par les endroits où l’on ne va pas, comme les tunnels de métro, JR a goûté au street art avec les graffitis sauvages dès l’âge de 16 ans. « Il ne se trouvait pas très bon, mais l’univers l’intéressait. Il suivait les artistes dans leurs pérégrinations nocturnes », confie Fabrice Bousteau, le rédacteur en chef de Beaux Arts Magazine, fan de JR. En 2004, son travail est devenu collectif quand il a photographié en noir et blanc, à Clichy-sous-Bois, des jeunes de cité qu’il a apposés sauvagement sur les murs de la ville. Pendant une séance de collage, le réalisateur Ladj Ly, devenu ensuite son ami, lui a demandé de le prendre avec sa caméra portée comme une arme. Un an plus tard, cette image affichée en grand format prenait une valeur symbolique quand les « émeutes de banlieue » éclataient suite au décès de Zyed et Bouna. Devenue un véritable sésame, la fameuse photo lui a ouvert les portes pour coller ses posters géants engagés sur les grilles de l’hôtel de ville parisien, sur la pyramide du Louvre, le Centre Pompidou, le Panthéon, l’Assemblée nationale…
Un collage monumental pour une démocratie artistique
Du Kenya à Istanbul, de Paris à Ellis Island, en passant par Cuba, Rio, Tunis, le mur entre Israël et la Palestine, la frontière américano-mexicaine, le documentaire nous fait voir du pays et montre un artiste qui, souvent, pose un acte totalement révolutionnaire. Ce fut le cas durant la biennale de Cuba, en 2012, lorsqu’il mit à l’honneur les habitants du quartier le plus pauvre ou à Rio quand il s’imposa sur les murs et les toits de la favela Providencia avec des visages de femmes au regard triste, celles qu’habituellement on refuse de voir. D’après Fabrice Bousteau, « il crée une démocratie artistique, un travail collectif » qui, en fonction du contexte politique, n’a pas la même portée. En associant à ses projets artistiques des centaines de milliers d’inconnus, JR participe ainsi à la défense de nombreuses causes, éducatives, solidaires et humanitaires.
Pour bien comprendre l’hostilité de certains critiques d’art, il faut replacer JR dans son univers artistique. Ses objets d’art (pièces uniques sur bois où il va rechercher la matière, œuvres en trois dimensions) ne représentant que 1 % de sa production totale, il expose donc très peu. Avec cet infime pourcentage, il finance les 99 % restants de sa production, consacrés à des opérations artistiques d’envergure qui, au final, peuvent être perçues comme des opérations de communication. Même si elles ont vocation à réactiver la mémoire collective et donc à faire réagir. Comme l’explique la réalisatrice Agnès Varda, admiratrice de cet artiste paradoxal : « Le JR officiel est en même temps spectaculaire et complètement timide et secret… Il reste un homme chapeau-lunettes qui fait des photos, des grands murals et des installations, et qui a la simple ambition d’être connu dans le monde entier. » Pour tout cela déjà, chapeau l’artiste !
France Hatron
Documentaire
Durée 52 min
Auteurs Serge July et Antoine de Gaudemar
Réalisation Daniel Ablin
Production Folamour, avec la participation de France Télévisions
Année 2017
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