Le Rêve Français est avant tout une fiction basée sur des faits réels, saga à la fois sociale et romanesque qui, à travers les destins mêlés de deux familles guadeloupéennes, dévoile une partie cachée ou ignorée de notre société.
Dans les années soixante, le BUMIDOM (Bureau pour le développement des Migrations dans les départements d’Outre-Mer) favorisait le départ de nombreux Antillais et Réunionnais attirés par une « France rêvée » et fuyant ainsi la misère provoquée entra autres par la fermeture des usines à sucre. Bien que venant d’un département français, certains, victimes d’une émigration forcée et politique, d’autres, artisans de leur propre exil, découvrent en métropole une réalité bien différente de celle qu’ils avaient imaginée…
NOMINATIONS & RECOMPENSES
Prix de la Meilleure Interprétation Masculine pour Yann Gael
au FESTIVAL DE LA FICTION TV DE LA ROCHELLE 2017
Sélection Officielle au
PAN AFRICAN FILM FESTIVAL 2018 LOS ANGELES
INTERVIEW DE FRANCE ZOBDA, PRODUCTRICE
Comment est née la fiction ?
D’une volonté de répondre à une question récurrente : « Pourquoi y a-t-il autant d’Antillais dans l’Administration française et la Fonction publique, dans les Douanes, La Poste, les Hôpitaux, etc. ? ». Pour y répondre, j’ai proposé à des scénaristes, Sandro Agénor et Alain Agat et plus tard, Christian Faure (le réalisateur arrivé dans un second temps) de plancher avec moi sur un projet racontant nos migrations ultramarines des années 60 à aujourd’hui. Nous avons alors réfléchi ensemble aux propos et aux thèmes que nous voulions mettre en avant, aux personnages, au format (qui était tout d’abord un 6 X 52 minutes) pour raconter tant de choses des Antilles et de la Réunion. Car, nous souhaitions nous conter avec nos spécificités, parler du « French Dream », du « Rêve français » , à l’image de « l’American Dream », cet Eldorado auquel chacun aspirait à l’époque… Évidemment, il fallait donc partir du Bumidom, des événements forts survenus en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. Nous avons pris 2 consultants connaissant bien ce propos, Monique Agénor et Michel Reinette. Et avons consulté Mme George Pau-Langevin que nous savions bien au courant, ayant effectué la transition du Bumidom et de l’ANT.
Nous avons proposé le projet à France Télévisions qui l’a accepté et nous a accompagnés dans notre travail. Mais il s’est avéré après 2 ans d'écriture que le format qui semblait mieux convenir à l’attente du diffuseur était 2 X 90 minutes. Il a donc fallu repenser le projet et « sacrifier » des choses. Nous avons dû recentrer, recadrer et faire un choix drastique des lieux de tournage dans l’économie de la télévision. Nous avons ainsi privilégié la Guadeloupe en point de départ car c’est dans ce département que les événements ont été plus marquants. Nous avons éliminé des personnages tout en gardant la densité du sujet car nous savions qu'une fois le sujet traité, nous n’aurions pas une seconde chance de l’aborder ou de le développer… Alors il nous fallait parler des choses essentielles et des sujets importants. Mais le principal était de parler de et à trois générations.
Et mon plus grand désir, dès le départ, était de permettre aux Ultramarins de « libérer » leur parole, de ne plus avoir honte de parler de ce passé douloureux pour certains et aux jeunes de connaître l’histoire de leurs parents, de retrouver des repères, de s’identifier à nos personnages. Et aux autres Français de découvrir un pan de leur histoire qu’ils ignorent ou méconnaissent.
Dans le même temps, il était important de ne pas faire juste une fiction politique mais de réaliser une saga romanesque ou politico-romanesque… L’un n’empêchant pas l’autre… Il fallait "raconter une histoire" pour notre public de prime time. Et surtout ne pas être manichéens en évoquant à travers nos personnages tous les versants du sujet et de replacer les choses dans leur contexte, dans leur époque. Raconter les échecs ET les réussites !
France Zobda, Productrice Eloa Prod
Dans le contexte actuel où la « question identitaire » est un sujet récurrent, quelles ont été les difficultés que vous avez dû surmonter pour raconter ces pages d’histoire de manière attractive et passionnante ?
Nous avons eu plus de questionnements que de difficultés, de choix à faire pour ne pas tomber dans des travers ou nous perdre dans une foule d'informations. Il valait mieux raconter cette histoire de manière politico-romanesque en mettant en avant des histoires humaines influencées ou impactées par les événements politiques à la manière de « Nos meilleures années », série italienne merveilleusement réussie car non didactique.
Nous ne voulions pas avoir l’impression de faire un « docu-fiction » ! La grande difficulté a été de faire le choix des personnages et celui des thématiques tellement nous en avions. L’autre difficulté était le saut des années 60 à aujourd’hui pour nos comédiens (il a fallu en prendre 2 quelquefois pour passer de l’adolescence à la vieillesse…), faire le travail des ellipses puisque nous racontons 6 décennies, 3 générations, et enfin garder du rythme et du suspens...
Vos productions valorisent depuis de nombreuses années les Outre-mer et notamment les Antilles. Quel est votre prochain sujet ?
Notre ligne éditoriale principale est cette mise en valeur et visibilité de notre diversité de cultures à l’écran. Un écran au reflet de notre société française et du monde tout simplement ! Dont font partie les Ultramarins, entre autres...
C’est la raison pour laquelle nous avons fait la première fiction à Mayotte, « Paradis Amers ». Nous avons tellement de belles histoires à raconter et bon nombre méconnaissent ces « pépites » de cette France d’ailleurs... Nous travaillons actuellement sur deux projets à la Réunion (pour la première fois) dont un permettant de « décoder » une partie de l’Histoire à travers un thriller contemporain, et l'autre un peu plus « engagé » racontant un épisode assez méconnu de notre Histoire contemporaine. Par ailleurs, nous avons un projet historique sur les Antilles sur lequel nous travaillons et qui nous tient à coeur.
Mais nous aurons vraiment la sensation du jusqu’au-boutisme lorsqu’on nous aura accordé une série se déroulant aux Antilles pour parler de sujets contemporains où ces îles ne seront pas qu’un décor ou une toile de fond, mais un acteur principal permettant de traiter des thématiques qui nous sont chères et permettront de mieux nous connaître
RETOUR SUR L'HISTOIRE Qu'est-ce que le BUMIDOM ?
L'événement qui a bouleversé la donne sociale et démographique de façon durable dans les DOM[1] concernés se situe au début des années 60 avec la création du BUMIDOM. Considérant que la démographie aux Antilles et à La Réunion est hors de contrôle - la Guyane et les TOM[2] ne sont pas visés - et représente de ce fait une menace pour leur développement, Michel Debré organise la migration des populations d'outre-mer vers la Métropole. Il crée le BUMIDOM en 1963 qui va vider ces départements de ses forces vives, en particulier de sa jeunesse.
Cet organisme propose en effet à des populations essentiellement jeunes, défavorisées, noires ou métissées, peu instruites et peu qualifiées, une migration vers la France où formation, logement et emploi leurs sont garantis. Le BUMIDOM prend en outre les frais de voyage (d'abord par bateau puis par avion) à sa charge.
S'il représentera pour certains une opportunité durable, la réalité sera toute autre pour beaucoup de candidats à l'exil qui ne connaîtront que les emplois subalternes délaissés par les Métropolitains et devront pour la plupart aller s'établir en périphérie des grandes villes. Pour d'autres, ce sera le chômage, la précarité ou la prostitution.
Globalement, le BUMIDOM ne tiendra aucune de ses promesses et le billet de passage s'avèrera être un aller simple.
Sa création cachait un triple objectif : dépayser les indépendantistes et autonomistes potentiels (pas question d'une nouvelle indépendance comme en Algérie), pourvoir aux postes subalternes dans la fonction publique métropolitaine (Poste, transports et hôpitaux notamment) et éliminer le risque d'une surpopulation locale non blanche.
Aimé Césaire n'hésita pas à qualifier ce processus de génocide par substitution.
En 1981, le BUMIDOM est dissous et remplacé par l'ANT (Agence Nationale pour l'insertion et la protection des Travailleurs).
Réalisé ces dernières années, un audit a révélé que l'essentiel des migrants venus par le BUMIDOM et engagés dans la fonction publique avaient achevé leur carrière au même niveau que celui auquel ils avaient été embauchés.
Malgré quelques échecs, certains ont trouvé leur « Rêve français »...
[1]Départements d'Outre-Mer – Martinique, Guadeloupe, Réunion et Guyane.
[2]Territoires d'Outre-Mer : Mayotte (devenue département en 2009), Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Saint-Pierre et Miquelon, Wallis et Futuna.
#LeRêveFrançais
FICHE TECHNIQUE
D’après une idée originale de France Zobda
Production Eloa Prod (France Zobda, Jean-Louis Monthieux)
Réalisateur Christian Faure
Scénaristes Sandro Agénor, Christian Faure, Alain Agat
Durée 2 x 90 minutes
Année 2017
Avec Yann Gael, Aïssa Maiga, Firmin Richard, Julien Béramis, Ambroise Michel, Samuel Étifier, Pierre Rousselet, Aude Legastelois...