La pédiatrie sauve tous les jours des milliers d’enfants. Pour ce nouveau numéro d’Aventures de médecine, Michel Cymes a suivi les parcours médicaux du petit Marvin, un nouveau-né atteint d’une malformation digestive, et de Julia, une adolescente souffrant d’une grave scoliose. L’occasion de revenir sur l’histoire passionnante de la pédiatrie et ses pionniers, sans qui tous les exploits chirurgicaux d'aujourd'hui ne seraient pas possibles.
« Je me sens bien. » Ces quatre mots prononcés par Julia, 15 ans, résonnent aujourd’hui comme une victoire. Celle de la médecine sur la maladie. Depuis quelques semaines, la jeune fille apprend à se réapproprier son nouveau corps. Si Julia a gagné 3 cm de hauteur en quelques heures, c'est grâce à deux tiges en acier désormais fixées dans son dos. Atteinte d’une grave scoliose, douloureuse et la condamnant au handicap, elle a subi une importante opération, une chirurgie lourde, comme on dit, prodiguée à l’hôpital de la Timone, à Marseille. Cinq heures d’intervention destinées à redresser sa colonne vertébrale. L’opération est périlleuse. Il faut d’abord veiller à ce qu’aucun organe ne soit compressé au cours de l’opération, du fait de la position ventrale de Julia. Il s’agit ensuite pour les chirurgiens de mettre à nu la colonne et de localiser toutes les vertèbres où ils fixeront les tiges avec des vis... de 5 cm ! Garni d’outils, le bloc opératoire, comme le remarque Michel Cymes, prend ici des allures de garage ! Tous les gestes sont pratiqués sous haute tension. Et sous haute surveillance. Une neurologue, grâce à des électrodes, veille en permanence à ce que la moelle épinière, située au plus près de l’intervention, ne soit pas touchée. La moindre atteinte serait fatale à la motricité de la jeune fille. Le plus impressionnant reste sans doute le fameux redressement de la colonne, que les chirurgiens doivent faire pivoter de 90 degrés … Vient enfin la greffe osseuse pour que les tiges, un jour, ne soient plus nécessaires et cèdent leur place à ce tout nouveau bloc osseux.
La prouesse qui se déroule sous nos yeux est à couper le souffle. Qu’il est loin le temps où le docteur Calot, à la fin du XIXe siècle, tentait de guérir les bossus – atteints de tuberculose osseuse – par des manipulations plus que surprenantes : endormi au chloroforme, le patient était retourné sur le ventre et, pendant qu’on exerçait une forte traction sur les quatre membres, le médecin appuyait de toute sa force sur la bosse jusqu'à ce que la partie déviée de la colonne vertébrale rentre dans l'alignement. Bien que spectaculaire, la méthode révéla ses failles. De sévères traumatismes de la moelle épinière (paraplégie et méningites) ayant été observés, le docteur Calot privilégia ensuite la correction progressive par l’immobilisation et la pose de plâtre.
À l’hôpital Necker, Michel Cymes rejoint Benoît et Élodie, enceinte d'un petit garçon, Marvin, qui est atteint d’une malformation digestive, le laparoschisis (ses intestins se trouvent en dehors de son abdomen). L'opération est nécessaire et urgente ; l'accouchement est provoqué à 7 mois de grossesse. La césarienne se déroule sans encombre. Le bébé pousse son premier cri. Ses parents sont émus. Mais Marvin doit déjà repartir au bloc. Il faut agir vite car le risque d’infection est important. C’est le docteur Naziha Khen-Dunlop, chirurgienne digestive pédiatrique, qui se charge de l’opération, une intervention impensable il y a encore quelques années. En bref, il s’agit pour elle de tout remettre en place le plus vite possible. Repositionner les intestins à l’intérieur de l’abdomen, avec agilité et rapidité, car le prématuré est faible et ne peut rester trop longtemps endormi. Le compte à rebours est lancé…
En suivant ces deux jeunes patients, Michel Cymes nous fait vivre, une fois encore, de nouvelles aventures de médecine haletantes et sensibles. Au-delà des prouesses médicales, les cas abordés ont aussi un visage, une histoire, dont on partage un pan essentiel avec émotion. Pour le toubib préféré du PAF, c’est aussi l’occasion de retracer l’histoire de la pédiatrie avec le récit incroyable d'un trio improbable – un chirurgien renommé, une pédiatre passionnée et un technicien de laboratoire surdoué – qui signa ensemble l’acte de naissance de la chirurgie cardiaque, l’engouement du docteur Budin, médecin humaniste, qui jeta les bases de la pédiatrie moderne en créant les consultations pour nourrissons ou encore la prise en charge de la douleur des nourrissons grâce à la révolte et aux essais cliniques du docteur Anand, qui parvint à abolir, en 1987, un déni qui durait depuis des décennies. Et si la pédiatrie a pris du temps à s’imposer comme spécialité médicale, son histoire est jalonnée de découvertes capitales : la création de la couveuse du docteur Tarnier, par exemple, directement inspirée de la vision d’un poulailler en 1878, et qui sera suivie d'un modèle plus perfectionné, la couveuse Lion, un incubateur stérilisé régulant la température ; la fabuleuse histoire du biberon et la stérilisation du lait artificiel ; l’épopée anglaise du vaccin contre la variole... Autants de découvertes décisives qui ont rendu possible l’accomplissement des prouesses médicales d’aujourd’hui.
Céline Boidin-Lounis
La pédiatrie est sans doute la spécialité médicale la plus délicate, mais aussi la plus porteuse d’espoir.
C’est dans cet univers chargé d’émotions que Michel Cymes nous plonge en suivant le parcours d’un nouveau-né pris en charge en urgence à l’hôpital Necker à Paris et celui d’une adolescente opérée d’une scoliose très déformante à l'hôpital de la Timone, à Marseille.
Ces interventions de pointe sont l’aboutissement d’une histoire médicale très riche qui, en quelques siècles, a vu chuter la mortalité infantile de façon vertigineuse. Grâce à quelles révolutions médicales ? Quels pionniers, quels risques fous ont-ils pris ? C’est ce que vous allez découvrir dans ce nouvel épisode d’Aventures de médecine.
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Présenté par Michel Cymes
Une production Pulsations
Sur une idée originale de Michel Cymes
Un film de Camille de Froment, Maroussia Renard et Timothée Dereix
Réalisé par Bernard Faroux
Rédacteur en chef : Gaël Chauvin
Produit par Christian Gerin
Avec la participation de France Télévisions
La pédiatrie soigne les enfants de 0 à 18 ans et couvre un spectre qui va de la médecine de ville à la chirurgie de pointe. C’est sur cette dernière spécialité que nous avons décidé de nous concentrer. Michel Cymes a suivi, en temps réel, les parcours médicaux de deux enfants confrontés à une malformation.
Marvin : un nouveau-né très fragile
Élodie et Benoît l’ont appris pendant la grossesse : leur petit Marvin souffre d’un laparoschisis. Lors de son développement, son abdomen ne s’est pas fermé correctement, et ses intestins sont restés en-dehors. Le risque infectieux étant énorme, il doit être opéré en urgence après l'accouchement. Nous avons suivi ses parents avant la naissance, puis le jour de la césarienne, durant les premières heures de la vie de Marvin. Avec Michel, nous avons assisté à l’intervention et suivi les gestes délicats consistant à rentrer les intestins du nouveau-né dans son abdomen pour éviter tout risque infectieux.
Julia : une adolescente face à une chirurgie lourde
À 15 ans, Julia souffre de la malformation orthopédique la plus fréquente chez l’adolescent : la scoliose. Depuis la puberté, sa colonne vertébrale ne cesse de se tordre. Elle est aujourd’hui tellement déformée qu’elle fait souffrir la jeune fille et la menace, à terme, de l’handicaper lourdement. Julia n’a plus le choix. Soutenue par Marie et Olivier, ses parents, elle a du se résoudre à la chirurgie. Nous l’avons accompagnée depuis les cimes alpines, où la jeune fille a grandi, jusqu’à l’hôpital de la Timone, à Marseille, où s’est déroulée l’opération. Une chirurgie impressionnante et extrêmement délicate puisqu’elle consiste à fixer des tiges en titane dans sa colonne vertébrale, à quelques millimètres à peine de sa moelle épinière. Un petit écart de trajectoire, et c’est toute la motricité de la jeune fille qui est menacée.
Une plongée dans l’anatomie
Pour bien comprendre cette chirurgie complexe, des animations 3D viennent montrer ce que la caméra ne peut saisir.
Des témoignages forts
Nous allons aussi donner la parole à des enfants et des familles qui ont traversé des épreuves médicales importantes. C’est le cas de Sarah, 10 ans, qui, après 5 années passées à se battre contre une leucémie, apprend qu’elle est guérie.
L’histoire de la pédiatrie est celle d’un combat mené par une poignée de médecins, à travers le monde, qui ont refusé que la mort de jeunes enfants soit une fatalité.
Sauver les nourrissons
En première ligne, des obstétriciens français du XIXe siècle, comme Stéphane Tarnier et Pierre Budin. Le premier invente la couveuse, divisant ainsi par deux la mortalité des prématurés dans les premiers jours de vie ; le second rend l’allaitement artificiel inoffensif alors que les microbes, dans les biberons, tuaient des centaines de nourrissons.
La révolution du vaccin
La lutte contre la mortalité infantile commence déjà au XVIIIe siècle, avec un médecin de campagne anglais, Edward Jenner. Alors que la variole, la plus grande tueuse de l’histoire des épidémies, décime sans pitié des milliers d’enfants en Europe, Jenner a, le premier, l’idée d’immuniser les enfants sains en leur inoculant un virus animal très proche de la variole, mais inoffensif pour l’homme : la vaccine.
La vaccination vient de naître. Grâce à elle, la variole sera éradiquée, bien après la mort de Jenner, dans les années 1970. Aujourd’hui, l’OMS estime que les vaccins sauvent 2 à 3 millions de vies dans le monde chaque année.
Oser la chirurgie
Sur un corps aussi petit que celui d’un nouveau-né, rares sont les chirurgiens qui ont osé poser un scalpel. Pourtant, c'est grâce à un trio de médecins américains exceptionnels que l’on a pu venir à bout d’une maladie cardiaque complexe connue sous le nom de maladie des enfants bleus. Dans les années 50, à Baltimore, Helen Taussig, Alfred Blalock et Vivien Thomas osent pour la première fois toucher le cœur d’un nourrisson condamné par cette maladie. La technique de dérivation des vaisseaux sanguins a, depuis, sauvé des milliers d’enfants.
La douleur apprivoisée
Aussi incroyable que cela puisse paraître, il a fallu attendre 1987 et les travaux du docteur Kanwaljeet J.S. Anand pour que le corps médical accepte l’idée que les nouveau-nés ressentent aussi la douleur ! Jusque-là, on considérait que le système nerveux du fœtus et des nourrissons n’était pas assez développé pour ressentir quoi que ce soit. Les actes médicaux et même chirurgicaux étaient donc pratiqués sans anesthésie. Le docteur Kanwaljeet J.S. Anand, qui a réussi à prouver que les nouveau-nés souffrent et qu’une anesthésie permet de réduire le taux de mortalité durant la chirurgie, marque un tournant décisif vers ce qui nous semble aujourd’hui évident : la prise en charge de la douleur des nourrissons, l’importance du toucher et de l’attention qu’on leur porte.