Royal-Aubry : la guerre des roses

« C’est comme dans les vieux couples, résume l’ex-ministre Dominique Voynet. Vous ne savez plus pourquoi cela a commencé ! Peut-être parce qu’elles se ressemblent trop, au fond… » Socialistes convaincues, défendant leurs convictions sans fléchir, Martine Aubry et Ségolène Royal ont presque le même âge et sont toutes deux des produits de l’ENA. Mais si elles partagent la même volonté de s’imposer dans un univers d’hommes, tout dans leurs personnalités et leurs conceptions du pouvoir les oppose. La raison contre l’intuition, la discrétion contre la communication, la technocratie contre le terrain… Lorsque Martine Aubry commence sa carrière dans l’ombre des cabinets ministériels, Ségolène Royal rejoint les cercles rapprochés du président de la République. Mais l’une et l’autre ont un même père spirituel : François Mitterrand. Il est celui qui pousse Ségolène à se présenter à des élections municipales en Normandie. Lors de la seconde investiture présidentielle du socialiste, en 1988, la jeune effrontée lui demande avec audace une circonscription pour les législatives du mois suivant : ce sera celle des Deux-Sèvres, qu’elle gagne à la surprise de tous.

L’ascension de deux socialistes convaincues

Puis la nouvelle députée est nommée ministre de l’Environnement dans le gouvernement Bérégovoy. Martine Aubry occupe déjà le poste de ministre du Travail depuis le gouvernement Cresson, fonction par essence exposée. Pourtant, Ségolène va bientôt être sous les feux des projecteurs en devenant la première femme ministre au monde à accoucher dans l’exercice de ses fonctions, et en accueillant la presse à la maternité ! « Elle est comme ça, elle est hors norme », ne s’étonne plus le journaliste Alain Duhamel. Pour la journaliste Cécile Amar, proche d’elle, « Ségolène Royal a des intuitions lumineuses sur la société. C’est quelqu’un qui pense que les idées avancent par la communication ». D’un tempérament très différent, Martine Aubry s’en agace et considère de haut sa consœur. Entre les deux femmes, la rivalité s’installe dans les années 1990. Elle explose lorsque Royal, ministre déléguée à l’Éducation sous Jospin, empiète sur le territoire de la ministre du Travail. En 2002, tous les regards convergent vers Martine Aubry, qui semble avoir toutes les chances de devenir Premier ministre si Jospin est élu président… L’avenir en décidera autrement, et Ségolène prendra toute la lumière le temps d’une campagne présidentielle.
L’histoire a montré aussi que, dans les instants cruciaux, toutes deux savent se soutenir. « Elles ont ceci en commun que, malgré leur fort tempérament, il y a toujours un moment où ces deux femmes choisissent le collectif, précise la journaliste Françoise Degois, conseillère de Ségolène Royal. Elles ne prennent jamais le risque de foutre en l’air leur camp. »

Anne-Laure Fournier