L’Ultime Voyage des Romanov

La Russie du début du XX^e siècle n’est pas étrangère aux contestations et aux soulèvements. Une première révolution échoue même en 1905, conduisant le tsar, l’impératrice Alexandra et leurs cinq enfants à s’installer à une vingtaine de kilomètres de la capitale, Saint-Pétersbourg, dans le palais Alexandre de Tsarskoïe Selo. À l’abri dans leur havre de paix, protégés par de fidèles Cosaques et entourés de proches, Nicolas II et les siens y mènent une existence insouciante. Sans se rendre compte que la Russie impériale s’effondre. Le souverain refuse de voir que la majorité de ses 140 millions de sujets sont des paysans illettrés, affamés et souvent asservis que les mauvaises conditions de vie poussent vers les villes. Dans les nouvelles usines, ce prolétariat va être de plus en plus tenté par les idées révolutionnaires. Mais le tsar est plus intéressé par ce qui se passe à l’extérieur de ses frontières.

Un pays exsangue en marche vers la révolution

Inquiet de la politique expansionniste de son cousin allemand, l’empereur Guillaume II, il signe avec la France et la Grande-Bretagne la Triple-Entente ; et lorsque la guerre éclate en 1914, il envoie ainsi au combat 3 millions d’hommes mal préparés. C’est un véritable désastre. Selon Sergueï Mironenko, ancien directeur des Archives nationales, « Nicolas pensait naïvement qu’il réglerait le problème allemand en deux, trois mois […] mais après les premières grandes défaites, il y a eu une sorte de dégrisement ; et la production d’armement s’est révélée insuffisante ». En prenant lui-même le commandement de l’armée à la place de son oncle, que les troupes vénèrent, il accumule les erreurs, se rendant directement responsable de la débâcle qui s’ensuit. Début 1917, on compte 1,5 million de morts et 5 millions de soldats ont été blessés ou faits prisonniers. Le pays est exsangue et la population meurt de faim dans les villes comme dans les campagnes. Au mois de février, les émeutes du pain portent les socialistes modérés au pouvoir. Forcé d’abdiquer à la mi-mars, le tsar, qui pense encore pouvoir être protégé par le gouvernement provisoire, part se réfugier à Tsarskoïe Selo. Mais plus rien n’arrêtera la révolution.

L’exécution d’une famille encombrante

Mise aux arrêts dans son palais, gardée par des troupes, la famille impériale doit faire face à la rude fin de l’hiver et au manque de provisions, mais ne s’insurge pas. Dans le pays, la guerre continue de sévir. Aidé par les Allemands, Lénine, alors en exil, rentre en Russie, fédère le parti bolchevique et se lance à la conquête du pouvoir. Le 31 juillet, les Romanov apprennent qu’ils vont être évacués vers une destination inconnue. Très proche de son cousin le roi George V, Nicolas II se verrait bien finir ses jours au Royaume-Uni, mais le souverain britannique ne souhaite pas que sa monarchie soit associée à celui que l’on considère partout en Europe comme un tyran. Dans le plus grand secret, le gouvernement russe envoie donc l’encombrant tsar et les siens à Tobolsk, en Sibérie. Accompagnée de plusieurs serviteurs et de quelques fidèles, la famille impériale séjourne dans cette bourgade perdue pendant huit mois. Avant d’être à nouveau déplacée, vers Iekaterinbourg, un fief bolchevique situé à plus de 600 kilomètres de distance. C’est dans la maison Ipatiev, réquisitionnée pour les loger, que, le 17 juillet 1918, Nicolas II, Alexandra et leurs cinq enfants, considérés désormais comme des prisonniers de droit commun, sont exécutés par une dizaine de membres de la police secrète, avec leurs quatre derniers serviteurs.

Beatriz Loiseau