Nouvel opus pour cette collection qui raconte l’histoire immédiate. Après François Fillon, Bruce Toussaint et Yannick Adam de Villiers reviennent sur les dix derniers jours de la campagne de Marine Le Pen, jusqu’au débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle qui signe son échec.
Le 3 mai 2017, Marine Le Pen stupéfie ses partisans lors du débat qui l’oppose à Emmanuel Macron, suivi par 16 millions de Français. Ce soir-là, la candidate du Front national se saborde en public. Le lendemain, son opposant est donné largement favori. En déroulant le fil des dix derniers jours de la campagne, Bruce Toussaint remonte aux origines de la carrière politique de Marine Le Pen, à son histoire familiale – celle d’une véritable « dynastie » –, à sa relation avec Jean-Marie Le Pen, son père… Le film ausculte également ses liens avec son directeur de campagne, Florian Philippot, et les choix stratégiques qu’ils ont fait ensemble. Membres du FN, proches de la candidate et analystes apportent leur témoignage, dévoilant ainsi différentes facettes de l’animal politique Marine Le Pen. Après avoir monté une à une les marches du succès, sa cote de popularité s’est effondrée en une soirée… C’était écrit raconte la hausse progressive de la cote de popularité de la candidate frontiste avant son effondrement le soir du débat, et comment cet échec prend sa source aux origines de son histoire personnelle et dans sa personnalité très complexe.
Collection documentaire
Durée 90 min
Sur une idée originale de Bruce Toussaint et Alexandre Amiel
Auteurs-réalisateurs Bruce Toussaint et Yannick Adam de Villiers
Réalisation Yannick Adam de Villiers
Production Caméra Subjective, avec la participation de France Télévisions et Public Sénat
Année 2018
Les Dix Derniers Jours de Marine se terminent sur le débat de l’entre-deux-tours…
Bruce Toussaint : Avec ces dix derniers jours, on enferme une séquence qui se termine le soir du débat. Ce titre un peu choc sous-entend que ce fut peut-être le coup d’arrêt définitif pour la carrière de Marine Le Pen.
Comment vous ont reçu les différents intervenants ?
B. T. : J’ai ressenti que tous – les proches de Marine ou Jean-Marie Le Pen, ou l’électron libre Florian Philippot – étaient plutôt consternés par l’issue de ce débat. C’est encore un traumatisme et un sujet tabou, et il a fallu, pour parler familièrement, sortir les vers du nez à certains. Marine Le Pen, qui n’a pas souhaité apparaître dans le film, a eu le courage politique de reconnaître très vite que ça ne s’était pas bien passé. Mais pour l’entourage, c’est terrible. Sophie Montel, députée européenne proche de Philippot, le dit : « Les militants nous en veulent… »
Que raconte ce documentaire ?
B. T. : Personne ne pouvait imaginer un tel désastre. On est face à un fait historique : quelqu’un qui perd 10-12 points de vote à l’issue d’un débat télévisé présidentiel, cela n’était jamais arrivé au cours de la Ve République ! Ce qui était plus prévisible, c’était l’incapacité de Marine Le Pen face à un adversaire de ce niveau, quelqu’un qui connaissait parfaitement ses dossiers techniques et s’était préparé. L’équipe de Marine Le Pen aurait dû et pu mieux la préparer, en choisissant d’autres angles de bataille, une autre stratégie. Les choix qui ont été faits, dans les jours qui précèdent en matière d’agenda et de tactique, n’étaient pas les bons. Elle est la responsable numéro 1 de cet échec, mais également ses conseillers. Le film rappelle aussi une campagne entre les deux tours absolument incroyable. Entre le premier tour et le débat, Marine Le Pen fait quasiment un sans-faute et montre qu’elle est une incroyable bête politique : elle a ça en elle, elle a les bons réflexes, elle se bagarre, elle veut le pouvoir. Ce qui accentue le sentiment d’incompréhension, c’est le contraste entre cette séquence politique de très haut niveau où elle fait tous les bons choix et ce moment du débat où elle fait tous les mauvais choix. Alors comment l’expliquer ? « C’était écrit », oui, si on s’intéresse à son bagage : on voit qu’il y a une contradiction entre sa très forte personnalité, capable de rassembler autour d’elle, et une fêlure en elle, une incapacité. Ces dix jours racontent ce qu’elle est : inconstante, des coups de barre à gauche puis à droite, beaucoup d’esbroufe, prisonnière de son père…
« Elle n’est rien sans Jean-Marie Le Pen, elle ne peut rien faire avec Jean-Marie Le Pen », dit Caroline Fourest.
B. T. : C’est l’une des surprises dans ce film : la dimension psychologique. L’histoire remonte aux années 1980, lorsque cette famille subit une première épreuve avec le divorce de Jean-Marie et sa femme Pierrette. Chose rare, les trois filles soutiennent alors leur père...
Jean-Marie Le Pen évoque une tragédie grecque…
B. T. : Pourtant, lors de l’entretien qu’il nous a accordé, il ne voulait pas aborder l’aspect personnel : il considère que Marine Le Pen est une personnalité politique et qu’il n’a pas à en parler comme sa fille. Mais on est au cœur d’un conflit et d’une passion d’ordre familial, loin des rapports classiques entre adversaires politiques. Florian Philippot le dit à un moment : « Marine Le Pen n’a pas digéré la rupture avec son père. » Elle a traîné cette exclusion comme un boulet de 2015 à 2017. C’est une des raisons qui expliquent, selon lui, l’échec à la présidentielle.
Propos recueillis par Anne-Laure Fournier