
L’expédition Ultima Patagonia, qui s’est déroulée en 2017 dans la partie nord de l’île Madre de Dios, située au sud du Chili, a permis des investigations géographiques et scientifiques inédites dans un domaine insulaire calcaire inconnu et hostile de toute beauté. Conduite par une équipe de spéléologues, archéologues, biologistes, hydrologues, anthropologues, botanistes, plongeurs pour la plupart, cette mission hydrographique et cartographique préparée pendant deux ans donne à voir un pan d’histoire du passé qui laisse bouche bée.
L’île déserte Madre de Dios fait partie du pourcentage de terres de la planète encore inexplorées. Même les grands navigateurs Magellan, Bougainville, Fitzroy ou Darwin n’ont pas visité ce joyau sauvage coincé entre les 40es rugissants et les 50es hurlants, à 12 000 kilomètres de chez nous. Ici, on contemple par exemple des blocs de roches aux allures d’étoiles filantes, adossés à des crêtes de calcaire et qui ont pris des formes fascinantes uniques au monde, obtenues par un seul mode d’érosion : la dissolution.
Cette mission a été organisée par Centre Terre, une association de référence qui a déjà mené plusieurs expéditions en Patagonie. Mais chacun des participants a financé l’intégralité de son voyage.
Pour affronter les conditions météorologiques extrêmes de cette région inlassablement tourmentée par le vent et la pluie, les explorateurs chiliens et français de l’expédition Ultima Patagonia ont pensé à tout. De l’architecte aux 40 tonnes de matériel pour construire un camp de base à 35 mètres d’altitude, loin des potentiels tsunamis, en passant par la logistique avec des communications satellitaires, les cargaisons de viande, de fruits, de conserves, et même le coup de rouge pour trinquer aux nouvelles découvertes et consolider l’esprit d’équipe, rien n’a été négligé. Ni la quantité, ni la qualité, ni les détails.
Mais ces aventuriers du bout du monde, pourtant enthousiastes, complémentaires, en excellente santé et rodés aux conditions d’exploration en milieux extrêmes, ne seront pas épargnés par la météo apocalyptique ni par les bactéries de mauvais augure.
Top départ pour soixante jours de mission
L’embarcation des équipes se fait sur la côte ouest du Chili, à bord de bateaux de pêche spécialement affrétés pour l’occasion et qui vont traverser les canaux de Patagonie, puis l’océan Pacifique, avant de rejoindre l’île Madre de Dios, leur destination finale. Ici même, dans les hauteurs, les explorateurs vont construire leur refuge écologique pour tenter de vivre une vie la plus normale possible entre leur première incursion, leurs prospections archéologiques et spéléologiques du littoral, l’exploration des grottes et des blocs de roche, la découverte de rapaces vivants, de squelettes de baleines ou de gisements d’ossements. Ils vont plonger jusqu’à – 24 mètres de profondeur, dans l’obscurité la plus totale, à la recherche d’espèces cavernicoles. Ils devront aussi s’accommoder de bivouacs sous tentes, loin de leur camp de base et apprendre à progresser même par mauvais temps pour étudier la faune et la flore et faire des relevés scientifiques qui ne peuvent attendre une hypothétique expédition future.
Ces paysages d’une autre dimension laissent percevoir la mesure du mystère que ces explorateurs sont venus, non pas trouver mais explorer, car peu importe toujours le résultat. Avec l’aide du Chili, tous veillent sur l’intégrité de Madre de Dios, celle qui fait rêver. Et d’ailleurs, ils rêvent de la voir inscrite au patrimoine mondial de l’humanité.
France Hatron

Documentaire
Durée 90 min
Auteur-réalisateur Gilles Santantonio
Production MC4 et Les Films du Mille-Pattes
Année 2017
#scienceF5