Avec 4 milliards de repas servis en France chaque année, la restauration collective est l’un des rares secteurs qui échappent à la crise. Céline Destève propose de décortiquer par le menu cette gargantuesque industrie.
Crèches, écoles, entreprises, hôpitaux, maisons de retraite… La restauration collective nous nourrit tout au long de notre vie. Elle représente un marché de 17 milliards d’euros, dominé par les français Elior et Sodexo. Comment les sociétés de restauration parviennent-elles à décrocher leurs contrats auprès des collectivités ? Que mange-t-on réellement dans nos cantines ? Céline Destève a mené l’enquête sur les dessous du secteur et s’est penché sur ses dérives.
Des marchés publics croustillants
Pour les entreprises de restauration collective, les cantines scolaires constituent un marché particulièrement juteux : 2 millions d’euros par an à Avignon, 4 millions à Asnières-sur-Seine ou encore 20 millions à Marseille. De quoi aiguiser les appétits ! Malgré une procédure d’appel d’offres encadrée par la loi, certains n’hésiteraient pas à soudoyer des élus pour remporter le marché. Le député Sébastien Pietrasanta, maire d’Asnières-sur-Seine de 2008 à 2014, dit en avoir fait les frais : « J’étais un jeune maire, donc surpris des pratiques d’un certain nombre d’entreprises, dont A… qui m’avait envoyé une caisse de champagne à mon domicile pour les fêtes. Je la leur avais renvoyée en disant que je préférais que l’argent soit mieux utilisé pour les enfants. »
Des prix cassés
Au-delà de ces pratiques illégales, comment ces sociétés font-elles pour casser les prix tout en promettant une prestation de qualité ? Leader mondial, Sodexo sert chaque jour 75 millions de consommateurs dans le monde. Coté en Bourse, le groupe engrange des bénéfices astronomiques. Son chiffre d’affaires de 19,8 milliards d’euros talonne celui de McDonald’s. Pour nourrir ses clients, il achète des milliers de tonnes de denrées alimentaires.
Autre stratégie des sociétés de restauration pour faire baisser les prix : acheter à l’étranger au détriment des producteurs français. Certaines remplacent les aliments frais par des produits industriels. D’autres choisissent de dégraisser le personnel. En novembre 2015, Sodexo a ainsi annoncé 1 200 suppressions de postes, alors que les bénéfices du groupe ne cessent de grimper.
L’expérience de la qualité
À Saint-Étienne, la municipalité a fait le choix du bio pour les écoles. 40 % plus chers que la moyenne, ces repas sont très appréciés des enfants, qui finissent plus volontiers leur assiette. Elior est aux commandes. « On confie la prestation à un opérateur privé, mais la confiance n’exclut pas le contrôle, explique Fabrice Poinas, responsable restauration de la mairie. On a un contrat, il faut donc que cette prestation soit remplie de A à Z. » La balle est donc dans le camp des décideurs — collectivités ou entreprises — pour faire le choix de la qualité, coûte que coûte.
Camille Flocon
Documentaire
Durée 52 min
Auteure-réalisatrice Céline Destève
Production Magnéto Presse, avec la participation de France Télévisions
Année 2016
#LMEF