Frédéric Lopez a invité Clovis Cornillac à vivre une aventure humaine exceptionnelle dans les Montagnes de la Lune, en Chine du Sud, dans la communauté des Miao. Au milieu des rizières, l'acteur s'est laissé prendre, discrètement, au jeu des sentiments, au cours de ces deux semaines de partages, d'échanges et de sourires.
Pourquoi avez-vous accepté de participer à Rendez-vous en terre inconnue ?
Frédéric me sollicite depuis plusieurs années, et je n’ai jamais pu me libérer. Je trouvais très excitant de partir au bout du monde faire la connaissance de gens que je n’aurais jamais rencontrés autrement. C’était enivrant. Cette émission est la seule, je pense, à proposer quelque chose comme ça.
Quelle fut votre première réaction à l’annonce de votre destination ?
J’adore l’Asie. Ça faisait des années que je rêvais de partir en Chine. J’étais donc aux anges. C’était une occasion folle.
Qu’avez-vous ressenti en découvrant le lieu où vivaient vos hôtes ?
La première vision est idyllique. On se croirait dans une estampe. Ce village posé comme ça au sommet d’une colline, d’une montagne même, au milieu de rien, de la nature. Je trouvais ça très impressionnant. On a la sensation d’être à une autre époque, dans un autre monde... Absolument magnifique.
Vous avez confié à Frédéric votre crainte de décevoir vos hôtes. Pourquoi ?
L’idée de les décevoir me faisait de la peine. Lors d’un voyage comme celui-ci, on rencontre des gens qui connaissent peu notre façon de vivre, nos us et coutumes, notre histoire, etc. J’avais peur qu’on ne soit rien à côté d’eux. Que nos attitudes, notre manière de fonctionner, nos conversations, nos questionnements... soient très décevants.
Tout au long du film, vous avez ce regard qu’ont les enfants lorsqu’ils savourent chaque seconde d’un moment. On vous sent à la fois ému, enthousiaste, joyeux, curieux, attentif, mais aussi, réservé.
La réserve est une forme de politesse. Ce que j’ai vécu était intense, fort, émouvant effectivement. J’ai l’impression d’avoir vraiment regardé ces gens-là, et que ces gens-là m’ont vraiment regardé. En revanche, je ne suis pas très démonstratif. C’est une question de nature. Il n’y a pas de calcul là-dedans.
Que vous ont apporté ces rencontres, vos échanges, ce quotidien partagé ?
Difficile de répondre parce que ces rencontres fortes nous emmènent loin ; on ne peut pas en faire un catalogue. C’est une expérience, dont les effets se révèlent au fil du temps. Ils ne sont pas qu’instantanés. Donc, je ne peux pas dire aujourd’hui tout ce qu’elle m’a apportée. Du plaisir, ça c’est sûr. De la curiosité et quelque chose de fort. Elle me nourrira toute ma vie... J’ai passé un moment exceptionnel avec des gens formidables. Un moment que je n’oublierai jamais.
Quels souvenirs gardez-vous de cette aventure humaine ?
Avant tout, la chose qui m’a le plus frappée, c’était le regard. Comme on avait une double traduction, on passait un temps infini à se regarder dans les yeux, entre les questions que l’on posait et le moment où ils nous répondaient. J’ai regardé ces gens et j’ai le sentiment qu’on s’est vus, la sensation de les avoir vraiment vus. Ça reste. J’ai un souvenir de regards.
Aimeriez-vous y retourner en famille ?
Je ne crois pas. Il y avait quelque chose de magique dans ce moment de surprise, d’immersion totale. On a eu la chance de travailler, de vivre avec eux, d’être là. Même si je n’aime rien tant que ma famille, je trouverais cela étrange. En famille, on a notre propre rythme, notre vie. Je ne suis pas sûr d’avoir envie de les confronter.
Y a-t-il un mot, une expression, un son, une odeur ou une couleur qui pourrait résumer cette aventure ?
Si je ferme les yeux, ce qui me vient, ce sont leurs sourires. Incroyables. Ils sont très beaux, et leurs sourires sont inoubliables.
Propos recueillis par Clotilde Ruel
Un film écrit par Frédéric Lopez et Franck Desplanques, avec la collaboration de Christian Gaume
Réalisé par Christian Gaume
Une production Adenium TV France
Produit par Frédéric Lopez
Producteur exécutif : Laurent Baujard
Rédacteur en chef : Franck Desplanques
Pourquoi Clovis Cornillac, qui se définit lui-même comme un aventurier caméléon ?
J’ai d’abord rencontré Clovis dans La Parenthèse inattendue. Pour l’équipe comme pour moi, ce fut un coup de foudre. C’est un être extrêmement simple et vrai. Je lui ai donc proposé de participer à Rendez-vous en terre inconnue. J’ai adoré l’observer et le côtoyer pendant 20 jours. C’est quelqu’un de très attachant, drôle, attentionné, empathique, à tel point que j’ai l’impression qu’il s’est donné pour objectif d’être, à chaque minute, quelqu’un de bien. Quant à Clovis l’aventurier, c’est vrai que, par rapport à Patrick Timsit qui m’avait avoué ne pas vouloir marcher pied nu dans le gazon de son jardin, il y a un décalage ! Dès l’aéroport, j’ai été déstabilisé par les réactions de Clovis. Rien ne semblait lui faire peur ou le surprendre. Je l’ai regardé faire et j’ai réalisé que l’observation était aussi un réflexe, un mécanisme de défense.
Comment décririez-vous le peuple Miao ?
La particularité de cette minorité chinoise, qui représente 1 % de la population du pays, soit 9 millions de personnes, est qu’elle ne parle pas chinois. Dans ce pays moderne, c’est fascinant de voir cette petite communauté qui vit en autarcie, dans un village posé sur une sorte de piton rocheux, au milieu de toutes ces rizières. À l’image, c’est très spectaculaire. Comme un fantasme. Surtout, il y a une cohésion, une harmonie très forte dans ce village. On n’y voit aucun conflit.
Comment se fait le choix des accueillants ?
Tout se joue pendant les 2 mois de repérages de Franck Desplanques, le rédacteur en chef de Rendez-vous en terre inconnue. Sur son chemin se présentent naturellement à lui une ou deux personnes. Souvent, ce sont ces mêmes personnes qui deviennent les héros de l’émission. Au fond, ce sont elles qui nous choisissent. En général, ces gens sont plus ouverts que la moyenne et sont amusés à l’idée de se raconter. Il ne faut pas oublier qu’ils répondent à des questions que personne ne leur a jamais posées.
Quel est vôtre état d’esprit au moment de partir ?
Aujourd’hui, il y a des millions de gens qui regardent le programme. Ça met la pression. Je sens une attente à chaque nouveau voyage et j’espère que les téléspectateurs ne seront pas déçus. De mon côté, je me conditionne à chaque fois pour ne rien attendre, et donc ne pas être déçu. On dit que le meilleur moyen de rater ses vacances, c’est de les organiser. La peur que la magie de la rencontre n’opère pas est bien présente aussi. Il y a à chaque fois le risque, même si ce n’est jamais arrivé, que le courant ne passe pas entre cette personne qu’on a choisie en France et cet autre du bout du monde. Le feeling ne s’explique pas...
À chaque rencontre, il y a souvent un moment de silence, d’observation des deux côtés...
Oui, une sorte de gêne, de trouble. On a fait beaucoup de trajet, et cette attente génère du trac de part et d’autre, même si les Miao étaient beaucoup moins intimidés que nous. Au début de l’aventure Rendez-vous en terre inconnue, cette gêne m’embêtait. J’essayais de remplir les silences. Aujourd’hui, plus que jamais, j’ai envie que ce soit authentique et je n’essaie plus. Montrer un personnage public - qui a l’habitude d’être célébré, devant des caméras et des photographes, sur des tapis rouges - à ce moment précis, gêné, humble, est un moment fort. Tout ce qu’on a pu acquérir en tant que professionnels de l’image tombe face à ces gens.
La dégustation des mille-pattes de rivière... Un de vos pires souvenirs ?
On part toujours avec l’idée de ne pas offenser nos hôtes... et puis vient la réalité. Là, c’est votre cerveau reptilien qui parle. Mais là où nous, nous éprouvons une gêne, eux, n’en ressentent aucune. Je me souviens d’un voyage, il y a longtemps, où ils avaient recraché après avoir goûté une boîte de macédoine. Ils n’étaient pas du tout dans la politesse. Alors, maintenant, j’ose dire les choses.
Comment vivez-vous la séparation ?
Au fur et à mesure, je pensais me sentir moins bouleversé. Mais c’est le contraire qui se passe. C’est même pire qu’avant. J’ai eu la gorge nouée deux jours avant le départ. Même si c’est tabou, tout le monde a bien conscience que ce ne sont pas des au revoir mais des adieux. Je ressens de l’inquiétude pour eux car, naturellement, ils sont attirés par les villes, la modernité, où la solidarité a disparu. Et puis, l’effet de ces adieux est amplifié par la traduction. Pendant qu’elle a lieu, on se regarde dans les yeux, chose qu’on ne fait plus avec personne.
Des réflexions sont-elles entamées sur un prochain numéro ?
On n’en est plus aux réflexions... Je pars dans 3 jours !
Propos recueillis par Aline Guyard
© Jean Michel TURPIN / Adenium
La Chine est le pays de tous les superlatifs. Grande comme 17 fois la France, elle est devenue la 1re puissance économique mondiale alors que la moitié de sa population est rurale. L’ultramodernité de ses mégalopoles tentaculaires côtoie des campagnes pétries de traditions millénaires, où bat le coeur du pays. Pour ce 18e opus de Rendez-vous en terre inconnue, c’est Clovis Cornillac qui a accepté de s’envoler les yeux bandés au bras de Frédéric Lopez. En plein vol, il découvre sa destination : la province du Guizhou, au sud de la Chine. Dans cette région reculée, longtemps restée inaccessible, ils vont partager le quotidien d’une communauté Miao.
Les Miao sont l’une des 56 minorités chinoises. Ils sont environ 9 millions à vivre en Chine. Des chiffres impressionnants. Et pourtant, ils représentent moins de 1 % de la population de ce gigantesque pays d’1,3 milliard d’âmes. Les Miao vivent majoritairement dans le Guizhou, province au relief marqué. Dans ces montagnes escarpées, le temps semble parfois suspendu comme les brumes à la cime des arbres. Clovis Cornillac et Frédéric Lopez ont rendez-vous avec des familles qui ont choisi de vivre dans une zone difficile d’accès, au coeur des Montagnes de la Lune. Leur village d’une vingtaine de maisons est comme posé au sommet d’un piton rocheux, dominant rizières, forêts de bambous et de sapins.
Clovis Cornillac et Frédéric Lopez arrivent à un moment de l’année crucial pour les Miao : la récolte du riz. En seulement quelques jours, la communauté doit faire ses réserves de nourriture pour toute une année. C’est aussi un moment de retrouvailles important pour les familles qui s’entraident en cette période de moissons. Simplement équipés des mêmes faucilles que leurs ancêtres, tous les membres de la communauté se mobilisent, jour après jour, pour ramasser la précieuse récolte.
S’ils continuent de cultiver le riz avec les mêmes gestes depuis des millénaires, les Miao n’ignorent rien de la modernité qui les entoure. Les maisons ont gardé leur architecture séculaire mais elles sont équipées de l’électricité, de l’eau courante, et même parfois de la télévision. Et nombreux sont les Miao qui connaissent les immenses métropoles chinoises.
Infatigables travailleurs, les Miao savent faire preuve d’une abnégation sans limite. Ils sont capables de parcourir des milliers de kilomètres à travers le pays pour aller travailler sur des chantiers de chemin de fer ou dans des usines, des mois durant et dans des conditions très souvent insoutenables. Ils n’ont qu’un seul et unique but : gagner le plus d’argent possible pour améliorer le quotidien de leur famille et, surtout, envoyer leurs enfants à l’école. Car c’est eux le bien le plus précieux des Miao. Les parents se battent chaque jour pour que leurs enfants bénéficient de la meilleure éducation possible et échappent, peut-être, à une vie de labeur au coeur de ces montagnes exigeantes.
Zhu Lao Pu
Tout le monde l’appelle Pu. De son visage affable émane une très grande douceur. Quelles que soient les circonstances, Zhu Lao Pu ne se départ jamais de son magnifique sourire. Et pourtant, son coeur pleure encore parfois des blessures de son enfance. Son père est décédé alors qu’elle était très jeune. Sa mère ne pouvait pas élever seule ses trois filles. Alors elle s’est remariée. Comme le veut la tradition Miao, elle a dû confier ses enfants au frère de son défunt mari. Et partir sans se retourner. Une déchirure qui a laissé des traces et dont il est encore difficile pour Pu de parler aujourd’hui. Avec un seul de ses sourires si lumineux, elle semble balayer ce passé et se concentrer sur le présent. Aujourd’hui, elle est heureuse car elle a sa propre famille. Ses deux enfants vont à l’école, alors qu’elle-même n’a jamais pu y aller. Ils sont sa plus grande fierté. Ils portent ses rêves et ses espoirs, représentent son bien le plus précieux.
Long Lao Niu
Long Lao Niu est le mari de Pu. C’est un travailleur infatigable qui n’a de cesse de vouloir améliorer sa vie et surtout celle de sa famille. Pour Pu et leurs enfants, il a construit une belle maison, la plus grande du village. Comme une revanche sur sa vie d’avant, et son enfance très pauvre. Pour sa fille et son fils, il rêve de l’université. Il aimerait qu’ils vivent en ville et échappent au labeur des rizières. Pour ça, il est capable de partir travailler pendant des mois à des milliers de kilomètres de son village. Il peut endurer des journées harassantes sur un chantier de chemin de fer pour permettre à ses enfants d’avoir une autre vie. Pour eux, il est prêt à tous les sacrifices. Même s’il n’est jamais tant heureux que lorsqu’il rentre et peut les regarder grandir auprès de lui. Et éprouver un grand sentiment de liberté lorsqu’il cultive ses terres. Celles de ses ancêtres.
Mong Lao Hao
Hao, de son vrai nom Mong Lao Hao, est une parente de Pu. En cette période de travail très intense, elle est venue aider à récolter le riz. C’est une personnalité haute en couleur. Elle parle fort et aime faire des blagues tout le temps. De son propre aveu, elle impressionne parfois les autres, les intimide ou les déroute. Son tempérament de feu et ses taquineries perpétuelles cachent des blessures enfouies dans l’enfance. Mais c’est une battante qui semble n’avoir peur de rien !
Wu Lao Lang
Madame Wu Lao Lang a 65 ans. Extrêmement fière de son identité Miao et des costumes qu’elle aime broder, elle est un peu la mémoire du village. Si aujourd’hui cette veuve a une vie paisible, elle est l’une des rares dans le village à avoir connu l’époque de Mao, la collectivisation et la terrible famine qui traumatisa le pays à la fin des années50. Des périodes de sa vie dont elle ne fait pas cas. Le plus
important étant d’être heureux aujourd’hui, et de continuer à vivre dans ce village, qu’elle n’a jamais voulu quitter.