Interview de Clément Cotentin

Président de la sixième édition de « Filme ton quartier »

Journaliste et reporter d'images, Clément Cotentin présidera la 6ème édition de Filme ton quartier, un concours audiovisuel ouvert aux amateurs et aux professionnels. Le thème de cette année : "Ca va ma gueule ?". Pour plus d'informations sur le concours, voici le communiqué de presse.

 

Pouvez-vous me rappeler, en bref, votre parcours ?  

J’ai été journaliste pendant 10 ans chez Canal + au service des sports. Rapidement, j’ai su que je voulais m’orienter vers les productions documentaires, alors j’ai travaillé pour l’émission Intérieur Sport. Puis j’ai créé ma propre émission, Invisible, où, une fois par mois, on décortiquait un geste sportif, en utilisant une caméra hyper ralentie. 

En parallèle, et comme je l’explique dans mon documentaire Ne montre jamais ça à personne sur Prime Video, j’ai suivi mon frère (ndlr : Orelsan) en filmant les coulisses de sa carrière et en réalisant ses clips (ndlr : La Terre est ronde). Plus tard, on a aussi collaboré pour créer À plus dans le bus, une petite série de formats courts sur Konbini et, en 2016, on a écrit la série Bloqués diffusée sur Canal +. 

 

Pour vous, tout a commencé à Caen en Normandie. Pourriez-vous décrire votre quartier en quelques mots ? Que représente t-il pour vous ? 

J’ai beaucoup déménagé, alors j’ai eu quantité de “quartiers”, si on peut les appeler ainsi. Mon père étant principal de collège, j’ai surtout fréquenté les cours d’écoles de Caen, où je retrouvais les enfants des collègues de mon père. C’était ça mes quartiers ! (rires)

Plus tard, ce fut le centre ville de Caen, où je retrouvais mes potes ! 
 

Vous avez commencé à filmer très tôt... vers 10-12 ans. Mais avec quoi filmiez-vous ? Aviez-vous déjà une caméra ? 

Je prenais celle de mon père ! À l’époque, avoir une caméra n’était pas chose commune, c’était même plutôt rare. Du côté des logiciels de montage, c’était le même problème. On filmait et on faisait des cassettes, mais on ne les regardait jamais. Du moins, on n'exploitait pas les vidéos, c’était trop compliqué. 

Depuis, ça a bien changé ! Maintenant, avec un téléphone et un petit logiciel de montage, voire simplement une application gratuite, on peut monter un film tout seul, c’est incroyable. 
 

Y a-t-il vraiment une différence entre le moment où vous filmiez avec une petite caméra des années 90 et maintenant, avec une caméra beaucoup plus high tech ? 

Honnêtement, ça ne change pas grand-chose. Bien souvent, c’est l’étape la plus longue. En revanche, le conseil que je donnerais aux jeunes est de privilégier la qualité du son à la qualité de l’image, en utilisant des micros. Ce qui compte, c’est ce que l’on veut filmer, l’ambiance que l’on veut donner à notre vidéo. Personnellement, je préfère être “dans la scène”, plutôt que de tout miser sur l’esthétique. 

 

Avez-vous tout de suite su que filmer et partager des images, c’était ce que vous vouliez faire plus tard ?

Oui, j’ai toujours voulu raconter des histoires. Et je me suis rendu compte qu’en fait je le faisais depuis longtemps… Raconter une histoire passe aussi par le montage, et c’est ce que je préfère faire. J’adore avoir des rushs, bricoler et essayer de construire quelque chose avec. J’aime aussi rapporter le parcours de personnes qui me fascinent, pour partager leur expérience en disant au public “eh regarde, il/elle est trop fort(e), il faut absolument que je t’en parle”. Je crois que c’est ça que j’aime faire dans ma vie. 

 

Le thème du concours est : “Ça va ma gueule ?”. Est-ce une expression de quartier pour vous ? L'utilisiez-vous et que signifiait-elle ?  

“Ma gueule”, c’était les potes. Je crois que, à Caen, on disait davantage “ma petite gueule”. On le disait pour rire : “ça va ma petite gueule ?”. 

Mais je trouve ce thème super, car “ma gueule” peut être tout autant un film sur moi, tout seul et ma gueule, mais aussi un film sur un pote. Il y a tellement de manières différentes de l’interpréter. 
 

Avez-vous une idée de ce que vous auriez filmé avec ce thème dans votre quartier, à 16 ans ? Un coup de gueule ? Un lien avec un ami ? L’histoire d’un groupe de potes ? 

(instants de réflexion)

Je crois que j’aurais filmé que des gens au fond de leur lit, à un moment où ils ne veulent pas se faire filmer (rires). Quelque chose de très spontané. 

 

Quel est le sentiment que vous avez quand, vingt ans après avoir avoir attrapé votre première caméra, vous êtes le premier jury d’une compétition audiovisuelle pour les jeunes ? 

C’est complètement fou. Je n’ai jamais été président de ma vie. Quoique... J’ai été président d’un club de jeux de société au collège (rires). 

Plus sérieusement, je suis très touché et j’ai hâte de voir les créations des jeunes. Un concours qui s’étend sur toute la France, c’est ouf. Quand je vivais à Caen, j’ignorais que ce genre de concours existait. D’ailleurs, il n’aurait pas été accessible à tous, car nous n’avions pas tous de quoi filmer.  Aujourd’hui, avec un téléphone ou une petite caméra, le tour est joué et on peut créer quelque chose. 

 

Votre parcours est inspirant, et il a pu inspirer beaucoup de jeunes récemment. Si vous aviez un conseil à donner à ces jeunes qui se lancent dans l’audiovisuel ou qui voudraient se lancer dans le challenge de « Filme ton quartier », quel serait-il ? 

Je leur dirai de filmer ce qui les fascine, quelque chose qu’il n’arrive pas à comprendre. Aussi de rester curieux et de filmer ce qui les émerveille, et avoir envie de le partager avec les autres. C’est assez paradoxal pour moi de dire ça qui ai fait un documentaire sur mon frère. Néanmoins, en le réalisant, j’ai essayé de comprendre comment son monde, qui n’est pas le mien, fonctionnait. Et ça, c’était fascinant. 

 

Propos recueillis par Margaux Karp

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