Comment parler de « révolte » grâce au cinéma ?

À l’occasion de son cycle « Le cinéma en révolte », france.tv met à l’honneur dix œuvres, venues des quatre coins du monde pour hurler leur désir d’indépendance. Retour sur ces films atypiques et sur les thématiques qu’ils abordent chacun à leur manière.

Lorsqu’on pense révolte, il nous vient rapidement à l’esprit des images de barricades ou de grandes tribunes révolutionnaires. L’art fut bien souvent le meilleur porte-parole de l’anticonformisme et de l’irrévérence. Sans surprise, le cinéma n’a pas dérogé à la règle… Ou plutôt si ! Il a pris un malin plaisir à remettre en cause les règles établies, au travers d’œuvres hétéroclites, ayant pour point commun l’amour de la liberté.

 

A Touch of Sin, de Jia Zhangke, avec Zhao Tao, Luo Lanshan et Wang Baoqiang (2013 / Chine)

Quatre histoires, quatre lieux, quatre classes sociales bien distinctes… A Touch of Sin raconte avec beaucoup de brutalité les rapports de force dans une société chinoise en pleine mutation et dans laquelle, face à l’ultracapitalisme, la révolte ne peut que gronder chez les plus faibles. Porté par une mise en scène millimétrée, le film rappelle de façon très crue, mais sans manichéisme, que la lutte des classes est un thème universel.

Louise Michel, de Gustave Kervern et Benoît Delépine, avec Yolande Moreau, Bouli Lanners et Mathieu Kassovitz (2008 / France)

Quel nom incarne mieux la révolte que celui de Louise Michel ? Eh bien ce n’est pas de cette Louise Michel dont il sera question dans ce film ! Nous suivons plutôt l’histoire de Louise (Yolande Moreau) et de Michel (Bouli Lanners), réunis par un objectif : assassiner le patron de Louise. Délicieusement cynique, Louise Michel dépeint la précarité avec un humour grinçant, mais également avec une acuité déconcertante, nous faisant rapidement oublier l’objectif des protagonistes, pour nous intéresser aux messages en filigrane. 

Mammuth, de Gustave Kervern et Benoît Delépine, avec Gérard Depardieu, Yolande Moreau et Isabelle Adjani (2010 / France)

Cette fable portée par Gérard Depardieu conte avec douceur l’absurdité du monde dans lequel nous vivons, par l’intermédiaire d’un retraité en quête de (trop) nombreux documents administratifs. Ce road-movie aussi bizarroïde que touchant exorcise à sa manière les tracas de la vie humaine, pointe du doigt leur non-sens, pour proposer un retour à des sentiments plus simples, plus purs. Un appel à l’émancipation pétri de bienveillance.

This is England, de Shane Meadows, avec Thomas Turgoose et Stephen Graham (2006 / Angleterre)

L’Angleterre de Margareth Thatcher est loin d’avoir été épargnée par les soulèvements ni par les cinéastes. Loin des stéréotypes, This is England nous propulse dans le monde des jeunes laissés-pour-compte de la société anglaise, qui trouvent dans le mouvement skinhead une raison de vivre… Sans jugement, le réalisateur tente de comprendre ce qui peut pousser les jeunes générations à rejoindre des mouvements xénophobes et ultraviolents, le tout dans une œuvre humaine, saupoudrée d’une grande douceur. Un film qui n’est pas sans rappeler l’univers de Ken Loach, à qui france.tv consacre également un cycle.

Indignados, de Tony Gatlif, avec Mamebetty Honoré Diallo, Fiona Monbet et Nawel Ben Kraiem (2012 / France)

Si la révolte est, dans l’inconscient collectif, souvent synonyme de violence, elle peut tout à fait être pacifique. Dans le cas d’Indignados, elle est également globalisée. Ce documentaire atypique suit les « Indignés », manifestation politique partie d’Espagne pour se diffuser dans toute l’Europe. Ce mouvement hétéroclite, motivé par le désir de faire bouger les lignes politiques, montre qu’indignation ne rime pas avec désespoir, et que la révolte peut s’accomplir par le biais de collectifs pleins d’entrain. Ce projet trouve sa plus grande particularité dans le point de vue adopté, puisque tous ces événements européano-centrés sont suivis depuis les yeux de Betty, immigrée clandestine africaine.

Dernier étage, gauche, gauche, d’Angelo Cianci, avec Hippolyte Girardot, Aymen Saïdi et Mohamed Fellag (2010 / France)

À mi-chemin entre le drame social et la comédie burlesque, ce premier film d’Angelo Cianci dépeint la façon dont la colère peut porter sur une seule personne, qui paye pour toutes les autres… François, huissier de justice de son état, se retrouve otage d’un homme démuni et de son fils agité, obligé de faire face à leur colère, mais également à l’incompétence de l’institution qu’il représente. On retrouve dans cette fable sociale de nombreux questionnements sur nos administrations kafkaiennes.

Coup pour coup, de Marin Karmitz, avec Simone Aubin, Elodie Avenel et Anne-Marie Bacquié (1972 / France)

Film militant dans toute sa splendeur, Coup pour coup suit les pas d’ouvrières en grève pour protester contre leurs cadences infernales de travail. Cette œuvre de Marin Karmitz s’inscrit dans la lignée de ses deux films précédents (Sept jours ailleurs ; Camarades) et retrace de façon sobre et très directe le malaise social d’une société au crépuscule des Trente Glorieuses et post-Mai 68.

Night Moves, de Kelly Reichardt, avec Jesse Eisenberg, Dakota Fanning et Peter Sarsgaard (2013 / USA)

S’il y a bien une révolte dont on n’a pas fini d’entendre parler, c’est bien la révolte écologique. Mais que se passe-t-il quand les actions radicales d’activistes causent la mort d’un homme innocent ? Tel est le questionnement complexe de Night Moves, où des combats bien fondés font face à la dure réalité du militantisme radical… Une question que l’on continue de se poser en 2022, où les mouvements écologistes s’organisent de plus en plus face aux ravages perpétrées contre l’écosystème.

De toutes mes forces, de Chad Chenouga, avec Yolande Moreau et Khaled Alouach (2017 / France)

Comment naviguer entre deux vies totalement antinomiques ? Telle est la question de ce drame d’une grande humanité, où Nassim, orphelin, doit apprendre à vivre entre son école huppée et son foyer où il ne parvient pas à s’assimiler. Face à ces deux mondes où il ne peut pas trouver sa place, ses tourments d’adolescents et son besoin d’émancipation s’en retrouvent décuplés. Difficile de s’assimiler à un milieu social quand on est constamment ballotés entre plusieurs… Nassim doit alors trouver sa propre voie, quitte à se détacher de ces deux univers.

La vie rêvée des anges, de Érick Zonca, avec Élodie Bouchez et Natacha Régnier (1998 / France)

Le thème de la révolte va souvent de concert avec un autre thème très fort : la recherche du bonheur. Des œuvres comme La vie rêvée des anges en sont la parfaite démonstration. Isa et Marie représentent à merveille une jeunesse en recherche d’elle-même, qui se heurte aux exigences d’une société rigide. L’amitié, la marginalité, la trahison… Tout autant de thèmes (et bien plus encore) traversent cette œuvre douce-amère, pour nous offrir un film inoubliable, sublimé par la performance des deux actrices principales.

Communiqué de presse : Le cinéma en révolte ?